20. Brouillard

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— Bonjour mon amour... Tout va bien, maintenant, ne t'en fais pas...

Maël se réveilla en sursaut alors que la voix de Zoé s'estompait à côté de lui. Il avait sombré dans un sommeil agité après son entrevue avec l'Inspecteur, un long tunnel d'obscurité peuplé de cauchemars et de doutes.

Il repoussa ses draps avec brutalité et se redressa, fouillant la semi-obscurité du regard. C'était impossible, mais il appela :

— Zoé ?

Il lui sembla apercevoir un mouvement en périphérie de son champ de vision et son rythme cardiaque s'emballa. C'était impossible, et pourtant...

— Zoé !

Maël se leva d'un bond, et se rua vers sa silhouette qui se découpait distinctement dans l'obscurité. Il sentit son coeur se gonfler de bonheur. L'intuition qui l'avait saisi dans le désert était fausse, il le comprit en cet instant. Zoé l'avait rejoint, elle était revenue vers lui, il ne l'avait pas perdu ! Elle lui sourit, la blancheur de ses dents refléta la lumière blafarde de la veilleuse et il tomba dans ses bras.

Le choc de son corps contre le carrelage vida tout l'air de ses poumons et lui tira des larmes. Il entendit un grand bruit métallique derrière lui, sentit une aiguille s'arracher de son bras.

Maël demeura allongé sur le sol, hébété. Pourquoi avait-elle reculé ? Pourquoi avait-elle refusé son étreinte ? Il leva vers elle son visage ravagé par l'incompréhension, mais ses yeux ne traversèrent que des couches de pénombre.

Zoé avait disparu.

Bruits de pas précipités. La porte s'ouvrit, claqua contre le mur et se verrouilla à nouveau.

Une lumière crue inonda la pièce, obligeant Maël à fermer les yeux.

Le garçon sentit deux doigts qui se refermaient sur son poignet, un autre soulever de force sa paupière droite. Il avisa brièvement le visage d'une médecin, le masque bleu qu'elle portait et ses yeux noisettes au-dessus, braqués sur lui.

Sa paupière retomba et il retourna à l'obscurité.

— Il faut une nouvelle perf, entendit-il encore. Changez de molécule, si c'est possible. Il a sans doute eu une hallucination ; c'est un effet secondaire connu de ce que vous lui avez administré.

— Les autres molécules coûtent plus chères, il suffit de lui mettre des contentions pour l'empêcher de se lever, rétorqua une voix sèche.

— Non, une camisole chimique adaptée sera plus confortable pour lui. Les contentions maintenues de manière prolongée peuvent entraîner des dommages.

— Vous pensez vraiment qu'on a de l'argent à mettre pour le confort de ces gens-là ?

— Moi, oui. Je suis médecin et je vous conseille d'appliquer ma prescription.

Les mots glissaient sur Maël sans qu'il ne cherche vraiment à comprendre. L'image de Zoé était collée à sa rétine. Elle était là ! Elle était là...

« Pourquoi tu m'as fait ça ? Pourquoi tu t'es évanouie ? Pourquoi est-ce que tu m'obliges à courir derrière toi ? Et où tu vas, dis, où tu vas, comme ça ? T'as rejoint un groupe pro-démocratie, c'est ça, hein ? Tu m'as rien dit. »

— Tu sais très bien où je suis, Maël...

« Non, c'est faux, je ne sais pas, je te cherche...Je... Tu étais là ! Tu étais juste devant moi ! »

— Il faut arrêter, Maël. Tu ne peux plus me chercher, regarde où ça te mène. Laisse-moi seule. Laisse-moi partir. Tout va bien, je te promets...

« Non ! »

— Il le faut, mon amour... Souviens-toi : tu sais où je suis. Tu sais que tu ne peux pas me rejoindre et que je ne le veux pas. »

« Zoé ! »

Elle se tut.

« Non ! Non ! Zoé ! »

— Monsieur Adelis, vous m'entendez ?

C'était la voix de l'homme qui s'était présenté comme médecin.

— Monsieur Adelis, vous pouvez parler ? Vous avez mal ?

« Zoé, Zoé, Zoé... » Une main douce se posa sur son épaule.

— Vous pleurez...

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