7. Esméralda

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Maël se réveilla au son d'entêtants cliquetis métalliques. Il resta plusieurs secondes la tête dans ses bras, la nuque raide, avant de se rappeler où il se trouvait. Sham. Le Pas de l'Ogre.

La salle paraissait vide de toute présence humaine, mais il entendait des échos de conversations et de rires qui lui parvenaient du dehors, par-dessus le dérangeant bruit de ferraille. Il se leva péniblement, courbaturé et l'esprit embrumé. Sa nuit au Pas de l'Ogre l'avait coupé net dans son élan vers Zoé. Non, c'était faux. Ce n'était pas tant Sham que ces premiers jours de marche qui l'avaient déboussolé. Il réalisait qu'il avait avancé à l'aveuglette, sans aller nulle part. Sans vraiment la chercher, elle. Mais où pouvait-il retrouver la trace de son absente ? Plus il y pensait, plus il se déterminait à se diriger vers elle, plus l'écho de Zoé se dissipait.

Il serra les mâchoires et ouvrit la porte de la masure.

Le spectacle qui se présenta à lui le laissa bouche bée.

Un stupéfiant combat d'épées avait été engagé dans la clairière. Trois femmes et deux hommes tournoyaient dans l'air froid du matin, chacun muni de lames nues. Les armes s'entrechoquaient dans un rythme soutenu, leurs corps se mouvaient avec précision pour esquiver les coups, des quolibets et regards moqueurs s'échangeaient dans la fougue de la bataille. Un petit cercle s'était formé autour des bretteurs — Maël reconnut Sham parmi les spectateurs — et commentait avec animation leurs mouvements.

Il s'approcha du chevalier en se disant qu'il comprenait mieux son titre. L'homme le salua d'un sourire.

— Impressionné ?

Maël acquiesça.

— Vous vous entraînez à vous battre ? Contre quoi ?

— Contre rien. C'est un moyen de nous retrouver, voilà tout. Et c'est une sorte... disons, d'hommage.

— D'hommage ?

— Aux luttes du passé qui nous ont menés jusqu'ici. C'est aussi un moyen d'exercer notre tempérance, se battre en veillant toujours à tenir éloignée la colère, avec la plus grande justice possible.

— Il n'a pas besoin d'en savoir plus, Sham.

Une femme aux longs cheveux noirs s'était approchée d'eux et avait parlé d'une voix qui, bien que douce, était ferme.

— Esméralda, se présenta-t-elle.

— Maël.

Elle opina. Il se dégageait d'elle une grande sérénité qui n'allait pas sans un certain détachement. Elle semblait flotter au-dessus du monde, dressant entre elle et l'adolescent une barrière infranchissable.

— Sois le bienvenu au Pas de l'Ogre, Maël. Je me dois cependant de t'avertir que tu ne trouveras pas ici la réponse à ta quête et que tu repartiras tôt ou tard.

Sham leva les yeux au ciel et le jeune homme recula d'un pas, heurté.

— Que savez-vous de ce que je cherche ? l'attaqua-t-il.

Les yeux de la femme se réduisirent à deux fentes.

— L'agressivité avec laquelle tu poses cette question constitue une preuve suffisante pour établir que nos intentions divergent...

— Excuse-la, Maël, s'interposa l'homme. Elle manque parfois de tact.

Maël rejeta d'un sourire amer la tentative de son sauveur d'un soir pour l'apaiser. À entendre Esméralda, il avait l'impression d'être... d'être un gamin capricieux ! Après tout ce qu'il avait enduré ! Il avait perdu Zoé, quitté son pays, traversé une frontière poursuivie par des chiens, et elle, et elle... Il s'obligea à se calmer. S'énerver n'aurait fait que lui donner raison.

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