Chapitre 3 / Enquête

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Je me réveille en sursaut, avant mon réveil

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Je me réveille en sursaut, avant mon réveil. Un bruit sourd venant de l'appartement vient de me tirer de mes songes. Je suis en alerte, le souffle court. Une intrusion ? Une tentative de meurtre ? Un des nombreux tarés que j'ai arrêté à Alisia ? Cette crainte, plus forte que n'importe quelle autre peur, me terrifie depuis des années. Chaque jour, la peur de voir quelqu'un d'assez futé pour retrouver mon identité débarquer ici m'empêche de dormir, de respirer.

Je m'en voudrais à jamais si ma vie ou celle de Kate, si fragiles soient-elles, se retrouvent à la merci d'un dégénéré que j'ai eu le malheur d'attraper pour mon boulot. Je me redresse en silence, attrape l'arme à feu cachée sous mon matelas, et sors de ma chambre dans un silence de mort. Je tente de calmer les battements frénétiques de mon cœur lorsque j'ouvre la porte.

La lumière de la cuisine est allumée et j'entends les placards s'ouvrir et se refermer avec fracas. Je penche la tête pour tenter d'apercevoir l'intrus et ne vois que ma tante, des bouteilles vides aux pieds, en train de vider les placards. Je soupire à la fois de soulagement et de tristesse et range mon arme. Je m'approche lentement de Kate, ou ce qu'elle est. Elle est complètement en transe, galvanisée par l'alcool qu'elle vient d'ingérer en grande quantité et un mal-être éternel. Alors que son esprit vagabonde, son corps réclame de quoi se nourrir, en très, très grande quantité. Quelque chose s'est cassé dans son cerveau. Elle ne contrôle pas ce qu'elle fait, son esprit oublie le sentiment de satiété et ne réclame qu'à combler un manque imaginaire. Une crise de boulimie.

Notre mode de vie la fatigue et elle se tue à petit feu. Devoir gérer mon éducation, son travail éreintant, la mort planant dans notre quartier, la possibilité de voir des criminels débarquer chez nous, la peur de ne pas payer les factures à l'heure... Depuis des années, elle supporte ou porte ce poids invisible, perpétuel. Alors elle craque souvent. Et est tombée dans de nombreuses addictions il y a de cela des années. Personne ne peut la prendre en charge, le comble pour une infirmière diplômée.

Je la rejoins rapidement, l'attrape doucement par les épaules et la force à se relever. Son regard complètement dans les vapes se pose sur moi dans une expression déformée de surprise.

« T'as l'air rajeunie, Annabeth, dit-elle. On est de retour chez les parents ? Tu viens jouer à la Play ?

-Oui, allons jouer, dis-je en la ramenant vers sa chambre, la console est là bas.

-Parfait ! On peut jouer à The Last of Us ou à Final Fantasy. Le dernier de la franchise a l'air vraiment cool.

-Comme tu veux, Kate. C'est toi, la cadette ici. Mais avant, essaie de dormir un peu. »

Je sens ma gorge se nouer pendant que je borde Kate. Alors qu'elle se rendort doucement en oubliant tout de cette soirée, je retourne nettoyer le bordel de la cuisine. Alors que je m'agenouille pour attraper les bouteilles vides, je m'effondre sous mon poids, et sous le poids de la culpabilité. Ma tante ne mérite pas ça. De chaudes larmes dévalent mes joues creuses, sans que je puisse les retenir. Inconsolable. La voir comme ça, en plein délire, c'est une douleur insoutenable. Elle a sacrifié sa vie de jeune adulte diplômée et ambitieuse pour s'occuper de moi et la voilà, dans un univers brumeux éloigné de la réalité.

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