Les liens du sang [Thorki]

Chapitre 15

Chapitre 15.

Partager son repas avec l'homme qui prétendait être son père, mais qui avait été prêt à lui imposer la sentence de mort quelques jours auparavant n'enchantait pas Loki. Il n'était pas près de pardonner ni Odin ni Frigga. Finalement, la seule personne à laquelle il pouvait faire confiance à cette table : c'était Thor. Il aurait sans doute préféré s'étouffer avec la nourriture que de l'admettre.

— J'ai terminé de manger, dit-il sèchement en repoussant son assiette.

D'un seul coup, il se releva et marcha en direction de la sortie jusqu'à être freiné par un mur invisible devant lui. Putain, ce devait être une mauvaise blague... Il serra les dents, puis se retourna en direction de la petite famille :

— Thor, fais-moi une faveur.

Son frère n'avait pas bougé, mais il ne rechigna pas. Terminant son assiette, il sortit de table.

— Père, mère, je vais me passer du dessert, vous comprendrez.

Il poussa sa chaise, puis marcha derrière Loki, s'efforçant de rattraper celui-ci qui était quelques pas devant.

— Mon frère ! appela-t-il.

— Quoi ? Tu t'attends à ce que je me mette à genoux pour remercier ta sainteté d'avoir accepté que je quitte la table ? répliqua froidement le Jotun. Odin a été prêt à m'infliger la mort il y a à peine quelques jours et il faudrait que je partage mon repas avec lui et que je lui pardonne ? Et il ose m'appeler « fils » ! J'en ai assez de cette comédie ! La mort aurait peut-être été préférable que tout ce cinéma dans lequel tu veux m'enfermer ! En me forçant à me lier à toi, tu m'as privé de ma liberté et de mon intimité ! Peut-être que ça te fait plaisir d'avoir toujours à tes côtés un homme misérable à traîner dans ton ombre pour te faire paraître encore plus brillant !

Son monologue terminé, Loki était essoufflé. Il arrêta de parler brusquement pour reprendre son souffle. Thor l'avait écouté en silence, sans chercher à l'interrompre. Il parla seulement quelques secondes plus tard d'une voix calme et réfléchie.

— Je ne pouvais pas m'imaginer vivre sans mon frère.

Le blond était prêt à reconnaître l'égoïsme de la chose.

— Et je l'ai aussi fait pour toi, rajouta-t-il. Mon intention n'a jamais été de te priver de quoique ce soit. Je veux juste... te protéger en attendant que les Asgardiens soient à nouveau prêts à t'accepter parmi eux. Tu n'es pas misérable, tu es mon frère.

Loki déglutit.

— Regarde ce que tu as fait à ton frère ! s'exclama-t-il en empoisonnant le mot de sa haine.

Il désigna les menottes qui retenaient ses poignets en les secouant. Intérieurement, il désignait bien plus. La découverte de son adoption, les mensonges de son père, l'attitude de son frère... tout ça l'avait conduit à devenir ce qu'il était et à commettre les actes qu'il avait commis sur Terre comme à Asgard. Thor était, en quelques sortes, coupable de ce qu'il était devenu.

Le Dieu du Tonnerre fronça les sourcils et, avec prudence, il s'approcha de son frangin et lui attrapa les poignets.

— Mon frère...

Loki essaya de se dégager brutalement, mais il n'y parvint pas. Bon sang, pourquoi fallait-il qu'il soit doté d'un frère adoptif avec des bras aussi imposants ?! Il avait vraiment l'impression que le destin était contre lui !

— Je ne demande qu'à pouvoir te faire confiance. Promets-moi que tu ne chercheras plus à t'enfuir et que tu ne tenteras pas autre chose de stupide.

Le Jotun resta silencieux. Il ne pouvait pas promettre ça. C'était au-dessus de ses forces, c'était comme renier ce qu'il était, une partie de lui. Loki Laufeyson n'était pas fait pour être mis en cage, même si tout le monde s'accordait pour dire qu'il s'agissait de la seule solution. Accepter cette réalité en viendrait à se trahir lui-même.

— La seule chose sur laquelle tu peux compter, c'est ma rage.

Thor hocha la tête. Ses yeux d'un bleu limpide trahissaient une certaine déception, peut-être vis-à-vis de la réponse de son frangin. Il aurait tout donner pour pouvoir enfin placer sa confiance en Loki.

— Retournons à la chambre, tu veux.

Le plus âgé lui lâcha les poignets et ils remarchèrent en direction des appartements du cadet. Le Dieu de la Malice se souvenait de toutes les fois où, enfants, ils avaient joué dans ses mêmes couloirs. Déjà petit, Loki avait été une personne privée et solitaire a contrario de son frère. Ainsi, il n'accueillait que rarement son aîné pour jouer dans sa chambre. Il n'appréciait pas qu'un autre que lui y mette les pieds et touche à ses affaires. De toute manière, avec tous les livres et les objets fragiles qui couvraient les meubles, ce n'était pas un endroit tout désigner pour jouer. Ils se retrouvaient donc souvent dans la chambre de Thor. Et quand Loki avait peur du noir ou qu'il n'arrivait pas à dormir, il rejoignait souvent son grand frère pour se glisser dans son lit. Toutes ces belles années d'enfance insouciante avaient été balayées, empoisonnées par le mensonge de son adoption qui l'avait toujours couvert de son ombre.

Loki poussa la porte de sa chambre, heureux de pouvoir enfin être un peu seul (si ce n'était que de la présence de Thor qui rôdait). Après un long silence, c'est le blond qui parla le premier :

— Je sais que ça ne te sera pas forcément agréable, mon frère, mais en tant que Prince de Asgard et membre des Avengers, j'ai certaines responsabilités dont je dois m'acquitter... À cause du lien, il faudra que tu m'y accompagnes. J'en suis désolé.

Il savait que ce serait pénible à Loki d'affronter les salles du Conseil et les salles de réunions de la monarchie Asgardienne, tout comme il lui serait difficile de retourner sur Terre pour faire mumuse avec Tony Stark et les autres. Loki était fier et faire face à ces gens qu'il avait trahi et qui l'avaient battu ou condamné en retour ne serait pas facile pour lui.

Comme de fait, l'homme ne répondit pas tout de suite.

— Ce ne sera pas bien différent d'un repas avec Odin et Frigga qui étaient prêts, quelques jours plus tôt, à mettre ma tête sur l'échafaud, finit-il par cracher.

Entendre ainsi son frère parler de ses parents mit Thor à mal, mais il s'efforça de ne pas le laisser paraître et de se contenter d'ignorer l'avis de Loki sur la question.

— J'expliquerai la situation aux gens de sorte qu'ils ne posent pas de questions susceptibles de t'embarrasser, promit-il.

Il savait que les Avengers – surtout Tony – ne pourraient pas s'empêcher de bassiner Loki et de se moquer un peu, mais il ferait de son mieux pour apaiser les tensions.

— Je n'ai aucune envie d'aller là-bas, mais puisque je suis devenu ton petit chien de poche, je suppose que je n'ai pas le choix.

Loki détourna la tête.

— Je te promets que tout se passera bien. Tu n'as rien à craindre. J'ai dit que je te protégerai.

Son frère roula les yeux au ciel.

— Quand vas-tu finir par comprendre que je ne suis pas une de ces veuves et orphelins qui ont besoin d'être sauvés ? Tu dois arrêter de penser que tu peux protéger tout le monde.

Je suis déjà perdu depuis bien trop longtemps...