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J'étais heureux d'avoir pu moi aussi être à l'origine de quelques initiatives. Il le mérite après tout, face à l'intensité de ses messages, de ses mots, de ses gestes. Il ne faut pas qu'il doute de moi, juste qu'il laisse le temps faire son œuvre. Et comme je ne savais pas comment lui dire aussi clairement, j'ai essayé de lui transmettre mes sentiments grâce à ces baisers.

Je savais que je ne risquais rien en m'affichant ainsi avec lui. Ou du moins, en l'embrassant dans une salle de cours fermée et aux fenêtres opaques. Je pouvais donc profiter de ce petit moment avec lui, juste lui et moi, tranquillement. C'est si salvateur, si vivifiant. Je crois que je me sens si bien avec lui que je pourrais rester ainsi des heures durant.

Evidemment, il a fallu qu'il aille en cours, et que je retourne de mon côté à mes obligations administratives. Les réunions pédagogiques, les coordinations de cours, les présentations de l'école aux petits nouveaux dont je fais partie, ainsi qu'aux intervenants extérieurs. Tout cela prend décidément beaucoup de temps.

Alors, pendant ces réunions, je débute une conversation avec Raphaël, qui ne tarde pas à me répondre sur Skype, seulement par messages écrits évidemment :

« Je commençais à m'inquiéter, Flo, il serait temps que tu me donnes des nouvelles !

— Si je te dis que j'ai écouté ton tout premier conseil, que dis-tu ?

— Que je ne m'en souviens plus ???

— Rafael, l'étudiant qui m'avait plu, tu t'en souviens ?

— Quelle question !! Evidemment !! Alors, tu t'es rapproché de lui ??

— C'était lui, Raph...

— Lui l'auteur des mails ???

— Oui :)

— Non... C'est dingue ! Comment tu l'as découvert ?

— Un coup de pouce d'un de ses amis, pour faire simple.

— Et donc ? Tu as fait quoi ?

— On est allé boire un verre ensemble, puis on a fini la soirée chez moi et...

— Me dis pas que vous avez...

— Mais non ! J'ai dormi sur mon canapé, mais il est malgré tout venu dormir contre moi...

— Rien de croustillant alors ?

— Tu ne changes jamais :)

— Pour quoi faire ? ;)

— Le plus croustillant c'est qu'on a joué du piano ensemble...

— NON ? Tu plaisantes ?

— Du tout, c'est fou non ? »

Le temps que Raphaël réponde, je souris à mes propres propos... Qui peut réellement comprendre ce que signifie pour moi jouer du piano face, avec et pour quelqu'un... J'ai grandi en étant libre de faire ce que je souhaitais, moi, mais je n'ai jamais pris le temps d'apprendre. Alors je me suis toujours caché, je jouais sur des simulateurs, un casque sur les oreilles, pour que personne ne puisse entendre.

Plus tard, j'ai commencé à jouer sur un vrai piano, mais encore une fois toujours seul. L'université dans laquelle j'étudiais fermait tard, et mettait à disposition quelques instruments. Et depuis que j'enseigne, je profite encore de ce luxe quand les étudiants sont partis ; sauf quand l'appartement que je louais était équipé d'un piano, bien sûr.

Une sorte de honte a toujours habité cette pratique ; puis elle s'est transformée en intimité, en intériorité. Ce piano, c'était moi, les notes que je jouais, mes sentiments, les mélodies que je parvenais parfois à composer, le fil de ma vie. Impensable donc de partager tout cela. Sauf avec quelqu'un de spécial...

Special Teacher (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant