Pour la première fois depuis tant d'années, je ne pense plus. Je suspens le temps dans ma tête, dans mon corps, dans mon cœur. Je ne réfléchis pas aux causes, aux conséquences, je sais seulement que j'avais besoin ce moment de douceur, de tendresse. J'ai l'impression que vient de se rallumer en moi une sorte de feu profond, comme si un effroyable vent l'avait complètement éteint par le passé.
Une chaleur et une lumière, les deux en même temps. La palpitation de mon cœur se ressent jusqu'au bout de mes doigts. Ces doigts qu'il tient fermement, contre sa paume. Je sens sa moiteur, trahissant sans doute une certaine émotion. Son autre main est là, délicatement posée à la frontière entre mon cou et mon épaule. Comme l'autre jour.
Je le laisse faire plus que je n'agis, c'est une évidence. A défaut, je réagis. Je viens délicatement approcher ma seconde main de lui, j'effleure juste sa peau avec le bout des mes doigts. Je n'ose même pas le toucher, comme si la chaleur retrouvée pouvait altérer le moment, comme si quelque chose pouvait fondre.
J'essaie en même temps de prendre sa main, de glisser entre chacun de ses doigts les miens, tout en commençant aussi à caresser sa joue. La bouche qui m'a souri, qui m'a plu il y a quelques jours, elle est là, au plus près de moi. Elle tente un assaut contre moi, contre un corps qui ne semble plus répondre tant il est saisi par ce qui le traverse.
Enfin, il en était temps, je réponds à ce baiser. Je ne laisse plus ses lèvres simplement collées contre moi, je l'autorise à m'embrasser aussi, que chaque millimètre de cette fine peau vienne à la rencontre de la mienne, et que nous échangions enfin les millions d'émotions qui me parcourent depuis quelques secondes.
Je ne sais rien de ses expressions. J'ai inconsciemment fermé les yeux au moment de notre premier contact. Je ne fais que supposer, qu'imaginer. Peut-être que les siens le sont aussi, que nous sommes tous deux des aveugles éphémères au pays de la tendresse. J'ai envie de le savoir d'ailleurs, alors je laisse mes cils doucement s'éloigner.
Lui me regarde. Ses pupilles sont profondes, plongées directement dans les miennes désormais. Il attendait sans doute cet instant, ce contact, peut-être pour s'assurer que je ne le rejetterai pas. Je n'en sais rien à vrai dire, et je n'ai pas envie de me poser cette question maintenant. Je veux juste profiter de ce moment.
Il met pourtant fin à notre échange, de manière très douce, très délicate. Son pouce se rapproche de ma bouche pour nous libérer. Bien que légèrement frustré, je consens à me séparer de lui, me permettant enfin de le détailler, d'observer ses traits. Ses joues légèrement rougies le rendent d'autant plus séduisant.
J'aime ses cheveux châtains, pensant déjà à y passer ma main. J'aimerais tant qu'il n'arrête jamais de me regarder tel qu'il est en train de le faire, me laissant tout le temps d'observer ses yeux sombres mais profonds, sa peau légèrement halée, son corps, évidemment. Il me sourit, et je retrouve ce qui m'avait attiré chez lui au premier jour.
« J'attendais tellement ce moment... Depuis l'amphithéâtre...
— Tu n'es pas venu simplement me soutenir, c'est bien ça ? lui souris-je.
— Détrompez-vous... j'ai compris, enfin, tout ce qui était pourtant évident.
— C'est-à-dire ?
— Que j'attendais quelqu'un comme vous.
— Et je suis comment ?
— A embrasser, plutôt agréable » me lance-t-il en un clin d'œil.
J'ai envie de lui demander de recommencer alors. Pour continuer à alimenter la petite flamme ainsi ressuscitée. J'ai envie de lui dire qu'elle aura besoin d'être régulièrement réanimée. Parce que déjà je ressens contre moi ce manque, cette envie, ce désir de retrouver son toucher contre moi.
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Special Teacher (B&B)
Roman d'amourFlorent, la trentaine, vient d'accepter un poste de professeur à Madrid. Après des années à changer d'établissement tous les ans, il est temps pour lui de s'installer, de renouer avec une vie sociale. Pourtant, les relations qu'il entretient avec se...