Le Joyau de la Couronne

Chapitre 48

Je posai ma main sur l'ovale de verre, partagée entre l'appréhension et l'impatience. De l'autre côté de cette porte se trouvait mon espoir comme ma mort. Je fermai les yeux, me concentrant. Dès que je l'avais vu, j'avais su que cette porte ne s'ouvrirait pas par la force. La pierre froide et lisse se réchauffa sous mon action. Penchée sur ma respiration, j'envoyai au verre les mêmes ondes que je créai lors de mes méditations. Une onde chaleureuse, une onde de paix. Le verre chauffa encore jusqu'à se creuser mystérieusement au milieu, traversant l'ovale de haut en bas. Un déclic se fit entendre. Je retirai ma main, mon cœur tambourinant dans mes oreilles. Me reculant un peu, les deux battants de la porte s'écartèrent d'eux-mêmes. À l'intérieur, la pièce était plongée dans le noir. Je fis un pas, attirée par quelque chose au centre de la pièce qui avait un éclat pareil à un aimant. Soudain, des torches s'enflammèrent sur tous les côtés. Je pus enfin voir la pièce qui hantait mes songes. De forme circulaire, elle était assez épurée. Seul quatre piliers désignaient les angles. Sur tous le mur, en commençant par la gauche, s'étalait une frise qui me rappela étrangement quelque chose. Et plus je regardais, plus je faisais le lien entre celle-ci et notre combat, des semaines auparavant. Cette frise représentait la bataille de Reconquête du Royaume d'Or, depuis notre arrivée à Belgrad jusqu'à la bataille qu'avaient livrée les soldats, ainsi que ma confrontation avec Balder, se finissant par la fête qui avait eu lieu avant que les autres armées ne repartent. Une seule chose laissait présager que même la Grande Héra avait un doute concernant la suite des événements, c'était la pierre utilisée sur la fin de la frise, une pierre noire.

Fronçant les sourcils, mon regard se posa sur ce qui m'intéressait le plus, la raison de ma venue ici : le Joyau des Six Royaumes. Lorsque je l'aperçus, mon cœur rata un battement tant il était beau. De forme ovale, tout comme le verre ouvrant la porte, le Joyau tenait dans la paume d'une main. Posé sur un coussin de velours rouge au sommet d'un autel, il semblait attendre là depuis des centaines d'années. Montant les deux marches menant au pilier, je l'aperçus plus distinctement. Au cœur du Joyau se mélangeait les plus belles couleurs. Le vert de l'Émeraude, le rouge du Rubis, le bleu du Saphir, l'orange de l'Ambre, le gris de l'Argent et le jaune de l'Or. Tous semblaient former une tel harmonie que j'en avais les larmes aux yeux. À l'image du Joyau, je compris que ce n'était pas seuls que les pierres précieuses avait le plus de valeur, c'était ensemble. Toute la valeur de ce Joyau était créée par l'harmonie, la paix qui s'en dégageait. C'était cela qui avait le plus de valeur, la paix.

Seulement, un élément venait assombrir le centre même du Joyau. Un noir opaque s'incrustait difficilement, comme s'il essayait de se faire une place. Alors que les couleurs tournoyaient ensemble, le noir restait seul en place à parfois empiéter sur les autres qui le repoussait dans l'instant au centre. Intriguée par ce comportement, je m'approchai doucement d'elle, je voulus la prendre en main.

  - Ariane !

Je sursautai violemment. Me retournant, j'aperçus Curam au milieu de l'entrée, le regard sombre. Tandis qu'il parlait, il s'avança doucement, son bâton rythmant ses dires.

  - Avant que tu ne t'empares du Joyau, je dois te prévenir. Tu as certainement remarquer ce noir que tu vois en son centre et que tu retrouve à la fin de la frise, c'est le noir de l'Obsidienne. Il est celui à cause de qui tu risques ta vie en usant du Joyau.

  - L'Obsidienne ? Comme l'Or ou le Saphir ? Tu veux dire...

  - Qu'il y a un autre Royaume.

Choquée par la nouvelle, je reculai de deux pas, manquant trébucher sur l'autel sur lequel était posé le coussin. Je dus me rattraper au bord.

  - Pourquoi n'en a-t-on jamais entendu parler ?

  - Grâce à la magie d'Héra, il est resté caché aux yeux de tous ; car il n'est pas véritablement un royaume. Obsidienne est une terre d'exil.