𝑷𝒓𝒆́𝒄𝒊𝒆𝒖𝒔𝒆 𝒑𝒐𝒖𝒑𝒆́𝒆. 𝑵𝒂𝒎𝒈𝒊

Premier sentiment

Il a neigé toute la nuit. Les flocons se sont arrêtés il y a quelques minutes à peine. La fine lumière se faufilant entre les rideaux réveille la poupée encore endormie dans son lit. Lentement, ses yeux s'ouvrent. La première chose qu'il remarque c'est la peluche à ses côtés. Il n'en a jamais eu avant et ne comprend pas ce qu'elle fait ici. Il a chaud contrairement à d'habitude et sous son dos c'est moelleux. Il se redresse doucement observant autour de lui. Une simple chambre très peu meublée aux murs blancs. Alors, ça y est, il est chez son nouveau propriétaire. Hier encore il était dans une petite pièce désagréable à subir les ordres d'un homme ignoble. Tout cela lui apparaît comme un mauvais cauchemar, comme si rien n'avait existé. Ni les ordres violents, ni les propos durs sur sa personne, les entraînements épuisants et cette sensation désagréable au plus profond de lui. Tout s'est envolé. A nouveau, il ne ressent plus rien. Il se tourne puis tire les rideaux à côté de lui. La lumière pénètre enfin pleinement et dévoile par la même occasion le paysage. Séoul a entièrement revêtu son manteau blanc. Il ne s'émerveille pas devant ce spectacle. Il observe sans aucune émotion pendant un instant avant de poser ses pieds nus sur le plancher. Un frisson le parcourt mais il l'ignore. Il se tient enfin debout puis adresse un regard à l'ourson noir. Peut-il le prendre avec lui ? Il ne sait pas. Il hésite avant de l'attraper et de le serrer contre lui.

La poupée sort sans un bruit de la chambre puis s'avance dans le couloir. Une odeur de café règne dans l'air en plus de celle du pain chaud et de la confiture. Il n'est pas seul, il le sait. Son nouveau propriétaire doit être quelque part. En y pensant, cette mauvaise sensation oubliée revient soudainement. Il se stoppe et commence à réfléchir. C'est aussi un humain méchant ? Est-ce qu'il crie et oblige ? Il ne le souhaite pas. Le petit entre enfin dans le grand salon ouvert sur la cuisine. Appuyé contre le plan de travail, il est là. Vêtu d'une chemise blanche et d'un simple pantalon noir. Ses cheveux quasiment blancs sont parfaitement bien coiffés. Il est grand et mince. C'est un beau jeune homme. Son regard fixe un point quelconque. Il semble ailleurs. Depuis une bonne heure, Nam Joon ne fait que penser aux poupées. Depuis son adolescence, il se passionne pour elles, connaît leur historique, leur fonctionnement et même, quelques sombres secrets.

Elles ont était instaurées par le gouvernement coréen il y a une trentaine d'années avec l'idée de renforcer l'image élitiste du pays. Les jeunes adultes on tous été vendu par leurs parents dès le plus jeune âge. On leur propose une somme d'argent en échange du petit être. Bien souvent ce sont des filles abandonnées mais, il arrive, parfois, que des garçons le soient aussi. Le prix augmente dans ce cas. Les raisons sont malheureusement diverses et, toutes plus sombres les unes des autres. Cela peut être à cause d'un manque cruel d'argent, d'une grossesse non désirée, un nouveau-né qu'il faut cacher.

Les nourrissons sont placés dans des foyers et élever ensemble jusqu'à leurs dix ans. A cet âge, ils sont séparés selon leur capacité et qu'importe leur sexe. Ceux qui semblent être sensibles, doux, souriants avec des facultés intellectuelles plus hautes que les autres et beaux seront amenés dans une école qui leur apprendra les bases comme lire, écrire et compter ainsi que le savoir-vivre. Plus tard, ces jeunes gens deviendront des poupées de maison. Celles qui sont destinées à gérer un foyer, divertir lors des soirées et, parfois, discuter avec les autres. Pour la deuxième catégorie, ce sont des enfants introvertis, distants, plus mauvais que les autres et moins beaux. Eux deviendront des poupées d'armes. Ils sont souvent vendus à des chefs d'entreprise, des mafieux. Elles sont là pour deux raisons : montrer la richesse de leur propriétaire et effectuer des tâches ingrates. On ne leur apprend pas à bien parler ou écrire. Simplement à obéir et à comprendre comment le monde sombre dans lequel ils vivent fonctionne. Le propriétaire est ensuite libre de lui faire son éducation ou non. Dans ce genre de domaine, le gouvernement n'est pas très regardeur de ce que devient la poupée. Il veille simplement à ce que les documents officiels soient bien transmis.