𝑷𝒓𝒆́𝒄𝒊𝒆𝒖𝒔𝒆 𝒑𝒐𝒖𝒑𝒆́𝒆. 𝑵𝒂𝒎𝒈𝒊

Vingt-huitième sentiment

Enfin, YoonGi est arrivé devant l'immeuble. Il reprend son souffle, essuyant une nouvelle fois ses larmes puis regarde autour de lui. Le hall principal est surveillé comme à son habitude. Il ne peut pas passer par-là sans son propriétaire. Il aimerait rapidement trouver une solution. Il laisse son regard balayer le grand parking puis, il distingue deux grands hommes suivis par quatre poupées. Il se dépêche de les rejoindre, se glissant derrière elles. Heureusement, il se fond parfaitement dans la masse. Il baisse la tête de peur que ses émotions ne le trahissent. Il réussit à rentrer dans le bâtiment sans avoir besoin d'être contrôlé. Il continue d'analyser comme il peut la situation, son cerveau encore embrouillé et son coeur battant à la chamade. Il est mort d'inquiétude mais, s'il veut atteindre le bureau de Nam Joon, il doit rester calme et ne pas se faire repérer. Il décide d'emprunter les escaliers de secours pour monter à l'étage. Ce sera bien plus discret. Il se glisse jusqu'à la porte puis s'engouffre à l'intérieur. C'est si sombre. Les lumières éclairent faiblement les marches. Il se remet à courir, ignorant sa fatigue. Il ne fait que penser à son humain, entendant encore sa voix résonner dans sa tête. Dès qu'il arrive au neuvième étage, il se glisse dans le couloir. Toutes les lumières sont éteintes et les pièces sont vides. Sa crainte grandit en lui. Il avance lentement jusqu'au bureau du jeune homme. La porte est entre ouverte. Il la pousse, découvrant le lieu.

Il n'y a personne. Tout est parfaitement en ordre. Il s'approche et remarque enfin la grande tache rouge sur la moquette grise. Son coeur loupe un battement et ses larmes reviennent, coulant sur ses joues. Il panique, espérant que ce n'est pas celui de son humain. Son corps commence à trembler tandis qu'il mord l'intérieur de sa lèvre, se retenant de lâcher des sanglots. Il a peur qu'on l'entende. Il décide de fouiller le bureau pour trouver des indices. Il ouvre les tiroirs mais ne trouve que des croquis ainsi que des lettres. Il observe un instant les dessins le représentant puis ouvre les enveloppes. Dès les premiers mots, il range les papiers, ne pouvant pas supporter ce qui est écrit. Il les lira plus tard. Le faire maintenant, ce serait accepter la vérité, l'évidence et il refuse. Le petit continue pendant quelques minutes mais il ne retrouve rien qui pourrait l'aider. Il soupire tristement. Il ne devrait pas traîner plus longtemps ici. Il regarde une dernière fois la pièce. Il revoit son humain assit, travaillant sur les différents dossiers. 

Il renifle une nouvelle fois puis essuie ses yeux du revers de sa manche. Il doit absolument le retrouver. Il n'a pas pu quitter le bâtiment. Il sort puis retourne aux escaliers de secours, les descendant. Son coeur bat toujours trop rapidement. Il n'arrive pas à être stable. Il a du mal à prendre des décisions. Il est perdu, livré à lui-même sans son humain et la poupée en prend conscience. Il pensait pouvoir s'en sortir et avoir assez appris du monde mais, c'est faux. Il n'a que des émotions, rien d'autre.

Il ouvre la porte puis se glisse dans un long couloir vide. L'infirmerie est si calme. C'est étrange. D'habitude, il y a un peu d'activité, une ou deux poupées qui s'occupent des blessés. Cette fois, c'est un drôle de silence qui règne. L'ambiance est lourde, froide. Le petit s'avance et essaye d'ouvrir une par une les portes mais, à chaque fois, elles sont verrouillées. Ce n'est qu'à la dernière qu'il réussit enfin à accéder à l'une des chambres. Il s'y introduit discrètement. Un frisson d'horreur le parcourt. Il ressent un cruel manque de vie. Plus terrifiante encore, la sensation désagréable qu'il a est devenu encore plus forte. Ses sentiments tourbillonnent encore plus violemment en lui. Autour d'un lit, les rideaux sont tirés. Son appréhension monte d'un cran. Il avance lentement, peur de découvrir ce qu'il y a derrière. Il les tire et, fait face à l'affreuse réalité.

Le corps de Nam Joon est allongé, sa chemise tachée de rouge. Son torse ne se soulève plus. Ses yeux sont clos, son visage détendu. La poupée s'écroule. Ses jambes ne le soutiennent plus. Il chuchote une première fois son nom, espérant une réponse. Tremblant, il glisse sa main jusqu'à celle de son humain. Elle est terriblement froide. Il la serre, imaginant bêtement que l'humain va mêler ses doigts aux siens comme toujours. Pas un geste. Il recommence à chuchoter son nom. Aucune réponse. Ses yeux se remplissent de larmes qui s'échappent bien rapidement. Il se hisse difficilement puis il passe ses bras autour du torse de son amant. Il le serre contre lui. Il aimerait ressentir cette présence qui n'existe plus. Il refuse de ne plus entendre son coeur battre. 

Il prononce des phrases incompréhensibles, des mots qui se noient dans ses sanglots. Il le supplie de se réveiller, de revenir. Il dépose un baiser sur ses lèvres froides puis sur son front. Il l'observe longuement, toujours dans l'attente d'un signe qui n'arrivera jamais. Des spasmes le prennent et la douleur éprouvée à son réveil grandit, plus terrible qu'auparavant. Il souffre comme cela n'a jamais été le cas. Il a l'impression d'étouffer dans cette pièce mais refuse de quitter le corps de son propriétaire défunt. Il veut rester avec lui. Il est incapable de lui dire au revoir. Sa raison d'exister a disparu. Il n'est rien sans Nam Joon. Son amour lui manque déjà cruellement. Rien ne reviendra. Ce soir, il sera seul dans cet immense appartement. Son humain ne poussera plus la porte tard dans la nuit avant de venir se coucher à ses côtés. Il ne le prendra plus dans ses bras, ne l'embrassera plus. Plus rien de tout cela n'existera.

Il ne sait pas combien de temps il est resté là, à pleurer en serrant son propriétaire. Il lui a posé des dizaines de questions. Comment va-t-il faire sans lui ? Sans son affection ? Ses conseils et ses ordres ? Qui va le guider maintenant ? Il continue de lui adresser des mots inaudibles. Encore et encore mais, l'absence de réponse le détruit un peu plus à chaque fois. Le petit culpabilise. Il aurait dû le retenir ce matin, partir avec son humain. N'importe. C'était son rôle de le protéger et il a échoué. Un petit couinement plaintif s'échappe de ses lèvres tandis qu'il essuie ses larmes qui reviennent sans cesse. Délicatement, il caresse la joue de Nam Joon. Elle est si froide. D'une voix tremblante, il prononce enfin une phrase distincte.

« Nam Joon ah.. Je t'aime.. Reviens, s'il te plaît.. On.. On doit aller au magasin acheter une peluche ensemble.. »

Soudain, une fine main vient se glisser sur son épaule puis le tire doucement en arrière, l'obligeant à se détacher un peu du corps. Il résiste avec difficulté avant de se retrouver dans les bras de quelqu'un. HoSeok détourne le regard de son meilleur ami et glisse sa main dans les cheveux de la poupée. Il essaye de bercer YoonGi comme il le peut. Il tente d'articuler quelques mots pour lui dire que tout ira bien mais, sa voix se brise. Il préfère pleurer silencieusement. Ils partagent cette douloureuse peine. Ils essayent de se soutenir. Nam Joon était si précieux pour eux.

« YoonGi, il faut qu'on parte.. On ne peut pas rester là.. »

Il refuse. Il ne veut pas laisser le corps de son propriétaire. Pourtant, le temps leur est compté. Il est en danger, les assassins ne vont pas tarder à revenir, le cherchant. Il est devenu convoité à présent. HoSeok est le seul au courant de la délicate situation. Pour la protection de la poupée, ils doivent quitter les lieux au plus vite. Il a promis à son meilleur ami de veiller sur lui. Il compte respecter cela.

« S'il te plaît. C'est déjà assez difficile comme ça.. »

Mais le petit refuse, le supplie de le laisser ici. Le jeune homme comprend que cela ne sert à rien de discuter avec lui, de le convaincre de quoi que ce soit. Alors, il saisit son bras et commence à le tirer avec force. YoonGi se débat mais, il est à bout de forces. Ses émotions l'épuisent, il n'a plus aucun contrôle sur son être. Il voit le corps de son amant s'éloigner progressivement tandis qu'il tend son bras vers lui. Il aimerait l'atteindre, le toucher une dernière fois, être encore à ses côtés. Ses chuchotements à peine audibles se transforment lentement, devenant enfin des cris. Il l'appelle. Il laisse échapper toute sa tristesse malgré sa voix brisée par les sanglots. Il hurle son prénom sans se stopper tandis qu'HoSeok continue de le tirer hors de la pièce. L'entendre ainsi, le voir tant déchiré est horrible. Il essaye d'ignorer sa voix, ses pleurs mais, c'est si difficile. Enfin, il ferme la porte à clef d'une main mais, la poupée en profite et se jette dessus. Il essaye de l'ouvrir, frappe le bois mais, c'est terminé. Il s'acharne encore un peu avant de tomber à genoux. Sa vue se trouble, son énergie restante le quitte et son coeur bat enfin moins vite. Il a l'impression d'être vide. Si vide. Ses yeux se ferment enfin, libérant encore quelques larmes puis son corps tombe lourdement sur le sol, épuisé.