Seizième sentiment

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Nam Joon et YoonGi sont dans le bureau de l'appartement. Ce matin le jeune homme lui a demandé de passer la journée avec lui pour étudier le cas des petites poupées. Le petit a tout de suite accepté. Il a envie d'en savoir plus sur elles et veut passer du temps avec son propriétaire. Actuellement, des dizaines de papiers sont étalés tandis que des sucreries se perdent au milieu. C'est un étrange contraste entre la douceur et la noirceur de cette histoire. Il en est la représentation même. D'apparence si douce et pourtant, si dévastatrice. Pour les bonbons, c'est le seul moyen pour que la poupée reste concentrée longtemps. Ce n'est pas qu'il manque d'intérêt mais, il n'a jamais eu l'habitude d'étudier pendant plusieurs heures sans pauses. 

Le petit est assis sur un bout de bureau, balançant ses jambes en lisant du mieux qu'il peut les mots compliqués à haute voix. Jamais il n'aurait cru avoir accès aux informations sur les petites poupées. Son humain doit vraiment être un grand connaisseur et quelqu'un de confiance pour qu'on lui remet. Il l'observe un instant, silencieux. Lui est dans son fauteuil, ses lunettes sur son nez et concentré à prendre des notes. Ils s'informent, essayent de comprendre et d'obtenir l'identité de certaines. Pour le moment, il n'a pas eu accès à cela, c'est bien trop confidentiel. Mais, au bout d'un moment, ils auront envie d'en savoir plus. Si son humain n'a pas encore de but précis à lire tout cela, lui, c'est différent. JungKook envahit ses pensées dès qu'il se plonge dans cette affaire. Pourquoi est-il aussi curieux ? Et que veut-il à Nam Joon ? Pourquoi lui avoir dit qu'il représentait un danger pour son propriétaire ? Les questions commencent à s'accumuler et il ne peut plus rester sans réponses. Un peu nerveux, il attrape encore des sucreries avant de soupirer. Ils ont besoin de discuter, pas de lire encore et encore des rapports sur le sujet. YoonGi se rapproche et pose ses mains sur celles de son humain. Il relève lentement la tête et croise son regard.

« Je peux t'en parler si tu veux. Ce sera mieux, non ? »

Nam Joon hoche la tête et se redresse. Il se perd dans les mots, ne comprend pas pourquoi JungKook veut autant ses informations. Il retire ses lunettes avant de passer une main sur son visage puis dans ses cheveux. Il doit se détendre un peu. Tout le rend nerveux et il ne peut plus se confier à son meilleur ami. Il n'a plus que sa poupée. Heureusement qu'il existe. Le jeune homme refuse de lâcher ses mains et les serre doucement, mêlant timidement ses doigts aux siens. Le petit ne conteste pas et ressent un léger frisson. C'est agréable comme sensation. YoonGi ne débute pas tout de suite son récit, le formulant d'abord dans son esprit pour ne pas se tromper de mots. S'il sait parfaitement parler maintenant, il confond parfois les sens.

« Je n'en ai jamais vu. Elles sont encore plus rares que moi. Par contre, une de mes grandes sœurs, si. Tu dois savoir qui elles sont. Celles qui n'ont jamais de propriétaires, qui nous soignent et veillent sur nous. Elles savent parler. L'une d'elles en a vu une de ses propres yeux. »

Le petit se souvient bien de ce jour. Il avait terminé en salle de soins à cause de son corps faible. Une poupée l'avait donc pris en charge et connaissait son cas. L'enfant qui refusait parfois de se battre et d'obéir, craintif des blessures. Pour le dissuader de ne plus jamais désobéir, elle lui a raconté cette histoire. Celle d'une petite poupée avec qui elle avait grandi. Elle refusait d'écouter les ordres et préférait sourire aux autres. Tout le monde s'est éloigné autour d'elle, ne la considérant pas comme une poupée. Sa sœur disait qu'elle était fréquemment punie. Personne n'avait envie de l'être tant c'était difficile à vivre. Rester enfermé dans le noir pendant des heures sans un seul bruit avant de subir des coups. Pourtant, elle restait pleine de sentiments. Enfin, un jour, elle a disparu. Ce que l'on raconte aux poupées pour leur faire peur, c'est qu'elle a peut-être été tuée. Maintenant, YoonGi sait qu'elle a rejoint une famille et retrouvé une condition humaine. Il marque une pause, laissant le temps à son propriétaire d'assimiler les informations. Il espère ne pas avoir de questions sur lui. Il n'a pas envie de raconter que lui aussi a vécu des punitions qui hantent encore ses cauchemars. Il aimerait garder une part de secret sur son enfance. Même si Nam Joon connaît bien les poupées et leur vie, c'est toujours bien plus difficile à entendre quand cela vient de quelqu'un que l'on affectionne. Il ne veut pas le rendre triste. Il reprend enfin.

« Tu sais, je ne les envie pas. Elles sont destinées à être malheureuses toute leur vie. Violenté et après, remise à des familles inconnues, sans repère.. Elles vivent dans l'ignorance, rejetées des nôtres. Elles ressentent tout ça. Je préfère être une véritable poupée, c'est moins douloureux. »

Son humain ne dit plus rien. C'est toujours plus intéressant d'écouter sa poupée parler de tout cela. Il apprécie d'obtenir son point de vue sur le sujet et comprend maintenant qu'en chaque poupée, une profonde douleur se cache. Elles semblent toutes souffrir inconsciemment. C'est ignoble. Il se rend compte qu'il ne connaissait que la théorie, les histoires et rapports mais que jamais, il n'avait vraiment considéré leurs sentiments. Même quand, plus jeune, il travaillait sur le terrain avec quelques-unes. Il ne voyait que leurs blessures physiques mais, jamais ils ne les entendaient. C'est différent à présent. 

Il a l'impression d'enfin comprendre ce qui se cache au fond d'elles ainsi que leurs émotions. Il saisit également un peu plus l'importance du lien entre les poupées. Malgré l'absence de sentiments, elles se considèrent toutes comme des sœurs formant une famille. Après tout, c'est la seule chose qu'elles connaissent dès la petite enfance. Les plus âgées qui restent dans les centres de formation sont des modèles à suivre et à écouter attentivement. Ce sont elles les grandes sœurs. Pour le reste, qu'importe l'âge, elles se considèrent toutes de la même manière. Les garçons, aussi rares soient-ils, sont nommés comme frères mais aucun d'entre eux n'a rejoint les grands jusqu'à ce jour. Les délaissées sont les petites poupées, celles qui ressentent bien plus. Cette rupture entre elles est douloureuse mais, d'après le gouvernement, nécessaire pour ne pas perturber le système global. En sachant tout cela, il est rare que des propriétaires demandent à leurs poupées d'en tuer une autre.

Nam Joon aimerait aussi lui apprendre des choses sur les humains. YoonGi a encore beaucoup à apprendre. Alors, il lui demande de poser une question, n'importe, il y répondra. Le petit réfléchit un instant. Il aimerait aborder le sujet de l'amour mais, au fond de lui, une certaine gêne l'en empêche. Il ne sait pas pourquoi mais, dès qu'il y pense et essaye de comprendre ce qu'il éprouve par rapport à son humain, tout s'embrouille et il a peur de lui en parler. Pourtant avec JiMin, c'est simple et si naturel. Il préfère laisser tout cela de côté, encore une fois.

« Pourquoi tous les propriétaires ne sont pas comme toi ? »

Sans réfléchir, il répond avec assurance.

« Ils ont peur. Ils ne veulent pas s'approcher de leur poupée par crainte de ressentir. Certains n'éprouveront jamais aucun sentiment, amoureux ou non, à leur égard. D'autres, oui. Et, tu apprendras que, ces sentiments peuvent être les plus beaux comme les plus dévastateurs. Un propriétaire n'a pas envie d'aimer un être sans émotions. Ils vont contre les règles, sont honteux de préférer une poupée à un humain et sombrent dans la tristesse de ne pas avoir d'affection ou pire, de connaître la mort de leur être.. »

Nam Joon semble si triste de lui expliquer ceci et a même du mal à terminer sa phrase. YoonGi ressent soudainement quelques frissons et vient mêler ses doigts aux siens, serrant sa main. Il n'aime pas le voir triste. Il le rassure en lui promettant de rester en vie et de ne jamais être blessé. Le jeune homme ne répond pas et tire doucement sa poupée, l'amenant dans ses bras. Il le garde contre lui, caressant tendrement son dos. Il dépose ensuite un baiser sur son front, ne pouvant pas s'empêcher. Le petit est déstabilisé. Il cherche comment réagir puis, se souvient de ce qu'il a vu à la télévisons, dans les dramas. Timidement, il passe ses bras autour de son propriétaire. Ce n'est pas la première fois qu'ils s'échangent une étreinte mais, c'est différent cette fois. Il y a un sentiment à la fois fort et doux. YoonGi pose sa tête sur l'épaule de son humain. Son cœur s'accélère. Il continue de sentir des émotions, de se sentir vivant et non simplement comme une coquille vide. Il a l'impression que tout cela est réciproque. C'est si unique. Ses yeux se ferment et il continue de profiter. Il n'a plus vraiment envie de continuer à étudier les dossiers. Il veut juste rester comme cela. 

A voix basse, Nam Joon lui demande s'il veut faire une pause. Un petit oui puis, son humain le porte délicatement, quittant le bureau pour aller dans le salon. Ils seront mieux pour discuter plus librement et il pourra jouer d'un peu de piano. Ce genre de moments, YoonGi les chérit tellement. Son propriétaire lui rend les précieuses heures qu'il n'a jamais pu avoir pour s'épanouir pleinement. La poupée pourrait comprendre un peu plus ses sentiments si elle n'avait pas une idée si précise de comment être amoureuse. On ne tombe pas sous le charme de quelqu'un d'une seule manière. Pourtant lui imagine que si et, ne sait pas que cela est unique à chacun. Vivre auprès de son propriétaire, passer des moments à discuter, apprendre avec lui peut suffire. Pour l'instant, il n'a pas conscience de tout cela mais, ça viendra progressivement. 

𝑷𝒓𝒆́𝒄𝒊𝒆𝒖𝒔𝒆 𝒑𝒐𝒖𝒑𝒆́𝒆. 𝑵𝒂𝒎𝒈𝒊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant