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C’était sous une brise légère et éclairé par les étoiles qui entouraient la lune de Talim que nous étions dans les jardins externes avec Kairi. Je regardais le jeune garçon marcher devant moi, d'un air innocent. Peut-être qu'il ne valait mieux pas qu'il se souvienne. Ainsi, il n’était plus une menace pour les Alèthéias et pouvait être un garçon normal. Loin de cette magie, loin de cette histoire et d’Aïra et moi.

— Vous êtes Killik, n’est-ce pas ?
— Je suppose qu'on t'a dit mon prénom.

Mikleo avait sûrement dû lui donner mon identité, et pourtant contre toute attente, Kairi eut une réaction différente.

— Je connaissais déjà votre prénom, c’était un peu comme une évidence, hocha-t-il de la tête pour  nier mes propos.

Puis il se mit à fouiller dans la poche arriva de son pantalon pour en sortir un vieux parchemin. L’épais papier était abîmé à force de rester enroulé de la sorte dans sa poche. Puis il me remit en main pour que je le prenne et le regarde.

— C'est de vous, n'est-ce pas ?

Je me souvins de ce message que je lui avais écrit depuis ma tante dans le campement pour affronter Praguaa. De l’encre qui glissait sur la feuille épaisse pour inscrire les premières lettres.

— Je ne sais pas mais en découvrant votre nom, j’ai réalisé que je devais vous trouver.

Peut-être que notre vie n’était qu’un éternel recommencement ? Se rencontrer et tomber amoureux. Puis vivre une incroyable histoire avant de tout recommencer, avec une nouvelle rencontre.

Kairi voulait des réponses mais sa réaction me faisait peur. Je me contentais de serrer cette lettre entre les mains en baissant le regard sur le sol. Malheureusement, je ne pouvais pas le mêler à tout ça. Il avait eu la chance d'avoir sa même effacée.. enfin saturée pour qu’il ne se souvienne de rien. Kairi avait la chance de ne plus porter ce fardeau, je ne voulais pas détruire les efforts d’Aïra.

—POURQUOI PERSONNE NE ME RÉPOND !? S’écria le jeune homme en larme.
—Kai…ri ?

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas crié ainsi. Et sa voix tordue par le chagrin et la colère me faisait terriblement mal au cœur. Il était en détresse, et cherchait à savoir qui il était.

— Personne ne veut me parler de ce qui se passe ici, j’en ai assez ! Assez de rêver de vous sans parvenir à comprendre qui vous êtes !

Ce n’était pas seulement des rêves. J’avais compris dès le début qu’il s'agissait de notre lien, et que ce dernier nous unissait étroitement. Inconsciemment, nous nous voyions dans notre subconscient. Cette déclaration venait de me surprendre car je pensais être le seul à pouvoir interagir dans ces moments-là. Je n'avais pensé qu'à moi sans même me demander comment lui vivait les choses de son côté.

Kairi s'approcha de moi et passa sa main sur une partie de mon visage. Et délicatement, il glissa doigts fins sous mon bandage pour le laisser glisser autour de mon visage et de ma nuque, négligemment.

— Je le savais, votre œil est..
—Ce n'est rien...

Quand j'ouvris mon œil, Kairi eut une expression terriblement peinée sur le visage. Mon œil était définitivement perdu mais cela prouvait que je m’étais battu pour ce garçon. Je ne regrettais pas de l’avoir perdu et étais prêt à sacrifier l’autre pour ses beaux yeux. Si Kairi me le demandait par simple plaisir, j'arracherai mon autre œil pour lui. Il n'avait qu’à me le demander pour que je le fasse. Mon corps et mon âme lui appartenaient, malgré tout.

—Vous et moi sommes liés, n'est-ce pas ?
— Kairi…
— Répondez-moi s'il vous plaît ! Je vous en prie, Killik… dit-il si doucement.

Contre notre volonté, je ne dis rien au garçon. Kairi me vit serrer des poings et comprit que certaines choses n’étaient pas bonnes à dire.

— Je le savais ! S'exclama-t-il. Alors dites moi qui nous sommes réellement, Killik !

Kairi était sur le point de me supplier. Ses yeux étaient humides, il était sur le point de craquer. Je finissais par prendre une inspiration en expirant pour relâcher la pression que j’avais accumulée.

— Viens ici, lui indiquais-je.

Je marchais sur un petit chemin en pierre pour passer sous les grands arbres installé sous l'un des arbres des jardins. Des troncs imposants, des feuilles roses qui volaient grâce à la brise fraîche de la nuit. Kairi prit place à mes côtés, dans cette herbe ni trop haute, ni trop basse où nous avions pris place.

Dans un premier temps, j'expliquais à Kairi qu’il était à Iris, le royaume vent. Narrativement, je lui racontais l'existence des autres royaumes sans mentionner Vah’Nalla. Je n'avais pas non plus parlé d'Emil et de Gildarts car il y avait des sujets sensibles. Quand je le regardais, il avait le regard brillant, émerveillé par ma façon de lui peindre les choses. Le jeune garçon était attentif et curieux. Il n’hésitait pas à me poser de questions en me coupant dans certains moments. Mais cette fougue m’avait tant manqué.

— Alors, j’ai perdu la mémoire ?
—Je sais que c’est dur à entendre mais tu as tout oublié.
—Et je suppose que vous faisiez parti de… de mes souvenirs ? Demanda-t-il.

Je ne devais rien laisser transparaître devant lui. Malheureusement, je devais rester froid pour qu'il ne devine jamais ce que je pense. Pour ne pas craquer devant lui, c’était le seul moyen que j’avais pour être fort.

—Tu es le seul à décider de la place que je prends dans ta vie. Les décisions de ton cœur n'appartiennent qu’à toi, Kairi.

Kairi laissa silencieusement des larmes couler de ses magnifiques yeux noisettes. Avec le contraste de la nuit, elles brillaient telles des pierres précieuses qui roulaient sur ses joues. Cette vue triste avait quelque chose de magnifique en même temps. Le fait de m’avoir oublié le mettait tout en émoi. Mais il n'avait pas à culpabiliser pour quelque chose dont il n’était pas responsable.

Et face à cette image, je laissais tomber une première barrière. Je n’avais pas remarqué que main se retrouvaient dans ses cheveux que je caressais tendrement. Ce que je faisais était mal, mais je ne pouvais pas résister face à mes sentiments et doucement, je rapprochais mes lèvres des siennes alors qu’il s’immobilisa contre mon cœur, le regard grand ouvert.


Mon cœur avait ses raisons que la raison ignorait.

KILLIK ( KAIRI, Vol.2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant