H : Perdue

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Aujourd'hui était un grand jour pour moi, je changeais encore de lycée. J'avais visité pas mal d'écoles, de collèges et de lycées depuis ma naissance, sur l'île de La Réunion. J'étais le fruit d'un beau métissage entre une mère réunionnaise et un père grec et chypriote. Mon père avait rencontré ma mère sur son île natale, où il avait monté un petit restaurant grec qui n'avait pas fait long feu. Mes souvenirs de lui remontaient à ma toute petite enfance, vers trois ans, et ma mère m'avait raconté qu'il était décédé dans un accident de voiture. Mais j'en doutais encore. Après sa mort, ma mère m'avait emmenée à Nantes, où elle avait trouvé un travail comme infirmière. Seulement, ma sœur jumelle, Cassi, décéda à l'âge de dix ans, d'une leucémie. Depuis cet âge, je reprochais beaucoup à ma mère de ne pas avoir consulté plus tôt, elle aurait peut-être pu vivre. Pour moi, Cassi était mon âme sœur, et c'était pour cela que je n'étais jamais tombée amoureuse de qui que ce soit. Perdre son jumeau ou sa jumelle est sûrement une des pires choses qui puissent vous arriver dans la vie. J'étais l'âme de ma sœur, et elle demeurait à jamais la mienne. Après, nous avions déménagé en Auvergne où je fis ma sixième et ma cinquième dans un collège normal mais je passai ma quatrième au sein d'un collège d'enseignement spécialisé, où on m'avait admise pour régler mes problèmes de comportement. J'étais du genre rebelle mais j'y ai subi des attouchements de la part d'un garçon plus âgé. Il m'a fait encore plus détester le sexe masculin, ce qui divergeait avec ma personnalité, je me comportais souvent comme un garçon, d'une façon assez rebelle, mais c'était parce que j'avais pris l'habitude de protéger Cassi, beaucoup plus vulnérable. Ma mère avait donc décidé de reprendre tout à zéro, à la Côte d'Azur. Et là, elle devait parcourir de longues distances pour son boulot et a finalement décidé de se rapprocher de la capitale. Pourtant la Côte d'Azur me semblait beaucoup mieux. J'adorais plus que tout le littoral et sa brise chaude, je détestais la ville et ses relents de pollution. Je m'étais habituée à ce train de vie, je me sentais plus nomade qu'autre chose.
Après avoir quitté ma mère, je montai jusqu'à ma chambre. Il s'agissait d'une chambre double, ce qui m'intriga.
J'avais à peine commencé à tourner la clé dans la serrure qu'une belle grande japonaise se planta devant moi. Je l'observai de la tête au pieds. Cette élégance me plaisait, elle avait ce petit truc en elle qui forçait le respect.
-Eh ! C'est ma chambre et celle d'Aelita ! s'exclama-t-elle en me voyant en action.
Aelita ? Je ne connaissais pas d'Aelita.
-Il doit y avoir une erreur, moi, c'est Hélèni Kostas, je suis nouvelle et on m'a donné la clé de cette chambre, lui expliquai-je tant bien que mal.
La jeune fille parut tellement surprise qu'aucun son ne sortit de sa bouche. Elle brisa enfin le silence :
-Mais enfin, où est Aelita ?
-Qui est Aelita ? lui demandai-je en retour.
-Ma meilleure amie, Aelita Stones, une jeune fille aux cheveux tirant sur le roux, elle est repérable.
Je secouai la tête :
-Non, je ne l'ai pas vue.
À ce moment-là, une autre jeune fille, vulgaire, à la démarche ridicule, se présenta à moi.
-Alors c'est toi la nouvelle ? Tu es trop bête pour ouvrir ta porte et tu demandes de l'aide ? railla-t-elle d'un air méprisant.
Mon dieu, tant de bêtises et de méchancetés sortant de la bouche de cette vipère.
Je me retournai et lui adressai un grand sourire :
-Écoute ma cocotte, je ne sais pas pour qui tu te prends, mais je pense qu'une gamine comme toi qui a le QI d'une moule devrait plutôt s'abstenir de commentaires, rétorquai-je sèchement.
Elle fut outrée par la façon dont je l'avais mouchée et décampa vite fait. La jeune japonaise m'adressa son premier sourire.
-Ça c'est Sissi Delmas, la fille du proviseur. Elle se croit tout permis mais son père ne se range de son côté que rarement. Et j'adore la façon dont tu l'as mouchée, rigola-t-elle.
Sissi, pour se faire appeler comme cela, elle devait être sacrément imbue de sa petite personne.
-Et toi, tu es ? lui demandai-je.
Avec tout ça, je ne connaissais pas encore son nom.
-Yumi Ishiyama, répondit-elle en me tendant la main.
Je la serrai.
-Enchantée. Par contre, je ne connais personne ici, donc, ça te dérange si je traîne avec toi et ta bande de potes ? enchaînai-je pleine d'espoir.
Elle parut hésiter un instant et puis secoua la tête.
-Non, tu peux rester, de toutes façons, j'ai bien l'impression qu'on va passer une bonne partie de notre temps ensemble. Tu entres aussi en Terminale ?
-Oui, souris-je.
-Alors, on sera peut-être dans la même classe, conclut-elle.
Nous entrâmes dans la chambre, qui semblait relativement grande et déposâmes nos affaires. Après, il était déjà temps d'aller dîner, et nous descendîmes à la cantine où trois garçons nous attendaient. Un blond foncé à lunettes qui paraissait assez intello, un brun taciturne et un blond un peu excentrique avec une mèche violette et les joues toutes rouges.
-Alors les gars, voici Hélèni, ma nouvelle compagne de chambre, annonça Yumi.
-Moi c'est Jérémy Belpois, se présenta l'intello.
-Et moi, Ulrich Stern, continua le brun.
Seul le blond semblait ailleurs.
-Et toi, mon gars, tu t'appelles ? insistai-je, curieuse.
Il sursauta un instant et rougit de plus belle. Je n'avais jamais fait pareil effet sur un garçon et cela me flattait énormément.
-Odd Della Robbia, mais tu peux m'appeler Robby, répondit-il timidement.
Ulrich éclata de rire :
-Robby ? Mais personne ne t'appelle comme ça, mon vieux, se moqua-t-il.
-Odd c'est spécial comme nom, tu en connais l'origine ? m'informai-je.
-Mes parents sont des artistes alors ils voulaient un nom spécial, m'expliqua-t-il.
-Lui aussi, il est artiste, en matière de blagues, d'ailleurs, t'en as pas une à raconter à Hélèni ? le pressa Yumi.
-Ah si, si. Pourquoi est-ce que Bruce est si instruit ? Parce que Bruce Lee évidemment ! rigola-t-il.
Je ris de bon cœur, au grand étonnement des autres.
-Et bien, s'ils ne finissent pas ensemble ces deux-là, maugréa Ulrich.
Je fus un peu piquée qu'il parle déjà de ça, il ne connaissait en rien mon passé difficile avec les garçons et se permettait de presque nous mettre en couple Odd et moi. Je ne savais pas ce que ce garçon valait véritablement et, il avait beau être sympa, je savais que je me méfierais toujours. Mon regard se posa sur Jérémy, qui, la tête renfrognée, n'avait pas prononcé un mot.
-Ça va Jerem' ? C'est Aelita ? Je suis sûr qu'elle sera là demain, le réconforta Yumi.
-Aelita, c'est la copine de Jérémy, et Yumi, celle d'Ulrich, me glissa Odd.
-Odd ! On n'est pas en couple ! s'énerva Ulrich.
-Et je peux savoir ce qui se passe avec Aelita ? demandai-je à Odd.
-Elle a retrouvé sa mère il y a quelques temps après des années d'absence et elle est partie vivre en Suisse avec elle. On ne sait pas si elle reviendra étudier ici, elle ne nous a rien dit, me raconta-t-il.
-Et son père ? questionnai-je.
-Il est mort, me répondit Jérémy du tac-au-tac.
Son histoire me renvoyait fort à la mienne, sauf que je doutais que mon père soit mort. Je mordis dans ma tartine au fromage.
-Et toi, pourquoi as-tu quitté la Côte d'Azur ? me demanda Odd en retour.
Je fus surprise par sa question.
-Comment sais-tu que je vivais à la Côte d'Azur ?
-En fait, on s'est déjà rencontrés. Sur la jetée, m'expliqua Ulrich.
-Ah oui, c'est pour ça que vos visages ne me sont pas inconnus. Sinon, ma mère préférait exercer son boulot d'infirmière en ville. Et je suis née à La Réunion.
-La Réunion, vraiment ? fit Yumi, surprise.
-Oui, c'est magnifique là-bas. J'y retourne parfois pour voir mes grands-parents maternels et mes tantes.
-Et ton père ? continua Odd.
-D'après ma mère, il est mort quand j'étais petite.
Les autres le regardèrent avec compassion.
-Oh, je suis désolé Nini, s'excusa-t-il.
Son pote Ulrich le dévisagea :
-Nini, vraiment, t'es sérieux ?
-Ben oui, on a tous un surnom ici. Jérémy, c'est Einstein parce que c'est une grosse tête ou Jerem', Aelita c'est Princesse, parce que c'est la princesse d'Einstein, Yumi, c'est Yu', Ulrich, c'est Rick, et notre pote William qui est à l'armée, c'est Will, et moi c'est Robby, expliqua-t-il dans le plus grand des sérieux.
-En tous cas, pour Yumi et Ulrich, vous ne vous êtes pas foulés, rigolai-je.
J'enchaînai :
-Et sinon, vous avez quoi comme options ?
-Ulrich, Jérémy et Aelita sont en scientifique, Odd est en littéraire et je suis en ES. Et toi ? répondit Yumi.
-En littéraire, comme Odd.
Je me sentis heureuse de pourvoir rester avec Odd, c'était le seul avec lequel il n'y avait pas d'ambiguïté.
Soudain, un gros bonhomme un peu crado s'approcha de nous :
-Alors les jeunes, pas trop dur de rentrer ? lança-t-il, joyeux.
-Toujours plus dur que d'en sortir, rigola Odd.
-Lui, c'est Jim, le prof d'EPS et surveillant de l'internat des garçons, me souffla Yumi.
-Il a l'air spécial.
-Tu l'as dit, c'est le roi du disco, m'informa Ulrich.
-Sérieusement ?
-Oui, mais il y a longtemps, parce que là, il a bien pris trente kilos, m'avoua Odd.
Nous rigolâmes de bon cœur et après le dîner, nous retournâmes dans nos chambres.
-Je suis désolée de prendre la place d'Aelita, m'excusai-je en pliant une blouse.
-Ce n'est pas ta faute si tu es dans cette chambre. On ne sait même pas si Aelita va revenir, on verra demain matin si elle est à la cantine et puis voilà. Mais sache que tu peux rester avec nous, tu n'es pas comme les autres, tu as une histoire, un passé, comme chacun d'entre nous, me consola-t-elle.
-Tu sais, ça n'a pas été facile pour moi, j'ai fait pas mal d'écoles avant d'arriver ici. On disait à ma mère que j'étais trop turbulente, ils n'ont jamais essayé de m'aider pour résoudre le problème, parce que pour eux, le problème, c'était mon comportement. J'ai toujours été un peu rebelle et brute de décoffrage, mais bon, quand la vie t'impose ses coups durs, tu réagis d'une certaine façon et ça peut péter, expliquai-je.
-Et tu as des souvenirs de ton père ? me demanda-t-elle.
Je secouai la tête :
-Pratiquement aucun, tout comme de mon enfance à La Réunion avant de déménager à Nantes, puis en Auvergne et enfin à la Côte d'Azur. Je n'ai aucun souvenir de ses funérailles, d'ailleurs, je pense que dès que je pourrai, je ferai une recherche sur lui, décidai-je.
Elle m'observa de ses yeux pleins de compassion. Yumi était une très gentille fille mais avec du caractère.
-Pourquoi avez-vous déménagé autant de fois ?
-À chaque fois, il s'est passé des évènements qui on fait qu'on a dû prendre un nouveau départ. Mais à chaque fois, ça a été un échec, j'espère que cette fois c'est la bonne.
Elle me prit la main et je la laissai faire :
-On va t'y aider, assura-t-elle.
Après, je pus découvrir les douches de l'internat. J'étais encore en train de prendre ma douche quand une voix haut perchée m'interpella :
-Hé la nouvelle ! Il est vingt-et-une heures et trente-six minutes, c'est mon tour !
Encore cette huître de Sissi, pour ne pas changer.
-Tu attendras ton tour comme tout le monde, Sissi. Dans cinq minutes, j'ai fini, répliquai-je agacée.
Celle-là, il n'aurait pas fallu qu'elle m'ennuie trop longtemps, j'avais horreur de ce genre de personnes qui se croient tout permis parce que leur père est proviseur. Et elle pouvait me faire convoquer, je n'en avais rien à faire. Qu'elle le fasse seulement. Son père n'aurait pas tardé à savoir que le problème venait de sa fille et pas des autres. Je bouillonnais de l'intérieur, il ne fallait pas m'énerver, les séjours en internat de la dernière chance me connaissaient.
Après une bonne nuit de sommeil, Yumi et moi descendîmes retrouver les autres à la cantine. Je fus étonnée par la quantité de nourriture qu'Odd pouvait ingurgiter.
-Si tu as besoin d'aide pour terminer ton petit déj, je peux t'aider, suggéra-t-il.
Je ris de bon cœur :
-Non merci, je le terminerai bien toute seule, Robby.
-Aelita ne reviendra pas, déclara Jérémy d'une voix résignée.
-Elle t'a envoyé quelque chose ? s'informa Yumi.
-Non mais je le sens, c'est tout, fit-il en baissant la tête.
Les autres firent de même. Je sentis que la tristesse était palpable et nous nous levâmes pour nous rendre en classe. Notre premier cours était celui d'histoire, donné par Mme Ménard, une dame de la soixantaine, blonde avec un chignon sévère. Je m'assis près de Yumi, Odd et Ulrich s'étaient installés ensemble et Jérémy resta seul. La prof prit les présences en regardant sa liste, ce qui me permit de mettre un nom sur les différentes têtes de ma classe.
-Guillaume Abbas ?
-Présent, répondit un jeune homme bronzé.
-Aziz Belkacem ?
-Présent.
-Jérémy Belpois ?
-Présent.
-Caroline Cheyère ?
-Présente, fit une jeune fille brune et frêle.
-Odd Della Robbia ?
-Présent.
-Anaïs Fiquet ?
-Présente, répondit une rousse à lunettes.
-Yumi Ishiyama ?
-Présente.
-Heidi Klinger ?
-Présente, répondit une blonde aux cheveux ondulés.
-Hélèni Kostas ?
-Présente, répondis-je soutenue par le regard intrusif d'Odd.
-Alizée Martineau ?
-Présente, soupira une fille aux longs cheveux noirs et raides comme des baguettes.
La prof continua et on arriva très vite à la fin.
-Ulrich Stern ?
-Présent, maugréa ce dernier.
-Et enfin, Aelita Stones ?
Personne ne répondit, ce qui interpella la prof.
-Aelita Stones ? Quelqu'un sait où elle se trouve ? insista-t-elle.
-Elle ne reviendra pas, Madame, elle vit en Suisse avec sa mère, expliqua Jérémy.
-Très bien, sur ce, nous allons aborder la montée de l'extrême droite et d'Hitler en Allemagne, prenez de quoi noter, décida-t-elle sèchement.
-Oh là là, on vient à peine d'arriver que j'ai déjà envie de partir, soupira Odd.
-Tu l'as dit, ajoutai-je.
Soudain, la prof, qui était en train d'écrire le sujet au tableau, fit volte-face :
-Monsieur Della Robbia et mademoiselle Kostas, je ne vous dérange pas j'espère, s'énerva-t-elle.
J'avais envie de lui répondre mais je ne fis rien, je ne voulais pas déjà me mettre les profs à dos. Le reste de l'heure se passa dans le silence, avec pas mal de notes à prendre, ce qui ne m'enchanta guère.
Ensuite, nous fûmes séparés pour le cours de français et je me retrouvai seule avec Odd.
-Alors Nini, tu t'y fais ? s'inquiéta-t-il.
-Bien sûr mon gars, j'ai l'habitude du changement, je n'ai jamais connu que ça, rigolai-je en lui donnant une tape derrière la tête.
-Aïe ! Dis-donc, ton père c'est Rambo ? plaisanta-t-il.
Je baissai les yeux et il se rendit compte de la bourde qu'il venait de faire.
-Excuse-moi Nini, je ne voulais pas te faire de peine, fit-il d'une toute petite voix.
J'entendis à sa voix qu'il était sincèrement désolé.
-Ce n'est pas grave, tout le monde sait que je suis un peu rentre-dedans, et on me l'a déjà faite plusieurs fois.
Nous arrivâmes à la classe de français où un prof baba-cool de la quarantaine avec des cheveux longs attachés en queue-de-cheval nous attendait.
-Lui, c'est Mr Dechenaud, tu verras, il est sympa, en plus il a des toilettes sèches chez lui, me glissa-t-il.
Je pouffai de rire :
-Pourquoi tu me parles de ses toilettes maintenant ?
-Parce que c'est trop classe.
Je m'assis près de lui et le cours commença. Le prof nous parla d'un projet de fin d'année au choix et Odd ne put encore s'empêcher de soupirer.
-C'est chiant, j'ai pas envie de travailler.
-Pourtant Odd, tu auras le choix, tu peux travailler sur n'importe quel sujet, intervint le prof qui avait tout entendu.
-Mais je n'ai pas d'idée, protesta-t-il.
-Je suis sûr que ta voisine te donnera de l'inspiration, affirma le prof en me regardant.
-Et bien, c'est pas gagné, lui soufflai-je une fois le prof éloigné.
-Tu l'as dit, je sens que cette année va être longue.
La journée se passa tranquillement et nous nous retrouvâmes au dîner devant une assiette de pommes de terre froides, de haricots verts avec des tomates et une tranche de saumon fumé. Jérémy avait l'air encore plus abattu.
-Aelita m'a envoyé un message comme quoi elle restait en Suisse, annonça-t-il avec tristesse.
-Elle n'a rien dit d'autre ? demanda Yumi.
-Si, elle nous appellera à vingt heures sur Skype, on ira dans ma chambre.
Je changeai de sujet pour éviter des pleurs :
-Et sinon, comment s'est passée votre journée ?
-Jérémy n'a pas arrêté de penser à Aelita pendant le cours de chimie, ensuite, il y a Mathias Bonin qui a fait péter un tube gradué en labo, ce qui a provoqué de grosses taches brunes sur la veste de Hervé, raconta Ulrich.
-Oh ça va encore, si j'avais été là, ça aurait été tout le labo qui aurait explosé, railla Odd.
-Quant à moi, je suis tombée endormie pendant le cours de sciences sociales, même que Caroline a dû me réveiller, renchérit Yumi.
-Et vous deux ? demanda Jérémy en s'adressant à Odd et moi.
-Hélèni s'est tapée des barres quand je lui ai parlé des toilettes sèches de Mr Dechenaud, rigola Odd.
-Même pas vrai ! C'est un mode de vie très honorable, rétorquai-je.
Tout le monde acheva son assiette et après, nous montâmes dans la chambre de Jérémy. Je ressentis leur tension, leur appréhension. Qu'allait-elle leur apprendre ? Quant à moi, j'allais enfin pouvoir savoir à quoi ressemblait la fille dont tout le monde parlait. Tout d'un coup, Jérémy vit un appel entrant sur son écran :
-Aelita ? Comment vas-tu ? Tu m'as fait peur, s'inquiéta-t-il.
La jeune fille était très belle et je comprenais pourquoi Jérémy l'aimait tant. On voyait une forme d'intelligence dans son regard.
-Ça va, je suis juste un peu fatiguée en ce moment, répondit-elle d'une voix douce.
-Tu es sûre que tout va bien, Princesse ? s'assura Odd.
-Oui, je viens de rentrer au lycée à Montreux, ce n'est pas loin de chez moi. C'était trop compliqué de retourner à Kadic et prendre l'avion deux fois par semaine. Il y a des gens sympas, mais ça ne vaut pas mes amis de tous les jours, expliqua la jeune fille.
-Tu sais, on est tous un peu déboussolés, confia Yumi.
Soudain, Aelita remarqua ma présence :
-Et qui est la fille à côté de vous ? Je suis déjà remplacée ? ironisa-t-elle.
-On a oublié de te présenter Hélèni, elle est nouvelle et on l'aide à s'intégrer. Et puis, elle est super marrante et agréable, avoua Odd.
-Et toi, t'es super amoureux, le taquina Ulrich.
Odd rougit et cela me mit un peu mal à l'aise, surtout qu'il ne le contredisait pas du tout.
-Vous me manquez tous, vous savez, et j'aimerais vraiment être là, avec vous. Mais mettez-vous une seconde à ma place, ici je peux voir ma mère tous les jours alors que j'en ai été privée des années, se lamenta-t-elle.
-Tu sais, Aelita, tu n'as pas à t'inquiéter, je suis sûre que tout le monde te comprend, la rassurai-je.
Elle me sourit :
-Merci Hélèni, on aurait pu bien s'entendre si l'on s'était rencontrées.
-Ça viendra, j'en suis sûre, jurai-je.
Nous restâmes silencieux un moment et Aelita finit par se lancer dans un monologue.
-Bon et bien, je vais devoir vous laisser. Par où commencer ? Odd, tu as toujours été mon meilleur ami, celui qui me racontait des blagues et qui me remontait le moral dans les moments plus durs. Essaye d'être plus sérieux dans tes études et continue d'égayer les journées grises.
Ulrich, tu ne parles pas beaucoup mais quand tu prononces un mot, on connaît déjà l'impact qu'il aura sur toute la conversation. C'est ce qui fait que discuter avec toi est toujours intéressant, alors étudie, décroche ton diplôme et rend fier ton père, parce qu'un père, on en n'a qu'un.
Hélèni, on ne se connaît pas mais je suis sûre que j'ai un tas de choses à apprendre sur toi. Reste bien avec eux, c'est un bon groupe, et restez soudées avec Yumi, vous êtes les seules filles et vous aurez besoin de passer du temps entre filles.
Yumi, ma meilleure amie, que dire ? Tu as toujours été présente, tu es un petit bonheur, certes avec du caractère, et je te souhaite le meilleur pour la suite. Je vais terminer par le meilleur, Jérémy, mon amour. Sans toi, qu'aurais-je fait ? Je ne serais pas ici auprès de ma mère, et je ne serais pas celle que je suis devenue grâce à toi. Une femme, tu m'as fait devenir une femme, je t'en remercie. Alors, fais ce que tu aimes, même si ce n'est pas avec moi. Je t'aime Jérémy, ne l'oublie jamais.
Elle avait prononcé ces mots avec tant de douceur et d'amour que tout le monde en avait eu les larmes aux yeux, surtout Jérémy.
-Aelita, ma petite perle, on se reverra bientôt. Je t'aime Aelita, lui assura-t-il.
Tout le monde se dit au revoir et c'est ainsi que l'appel se termina. Cet appel ressemblait tellement à un message d'adieu que cela m'avait particulièrement touchée. Plus personne ne prononça un mot, la mine abattue.
Ce fut Ulrich qui brisa le silence :
-C'est bizarre, elle n'a rien dit pour William, pas un mot à transmettre, rien du tout.
Jérémy haussa les épaules :
-Tout le monde sait qu'elle ne l'a jamais vraiment porté dans son cœur.
-Oh, et puis, c'est pas grave, moi, je vais me coucher, décida Yumi d'une voix ferme.
-Moi aussi, l'imitai-je.
Une fois au lit, je pensai à Aelita. Au fond, nous étions liées par nos destins si particuliers.

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