A : Rumeurs

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Je remontais tout doucement la pente en cette fin novembre avec l'aide de Jérémy et commençais à préparer les examens. La disparition de William m'avait profondément choquée et je m'étais sentie si mal que j'avais complètement perdu les pédales. La pensée du suicide m'était à nouveau venue à l'esprit mais cela ne servait à rien. J'aurais fait encore plus de mal à mes amis, et qu'aurait fait Jérémy ? Lui aussi se serait senti coupable de ma disparition, et peut-être aurait-il agi de la même façon. Génial, toute la bande aurait fini par disparaître. Jérémy m'avait été d'un grand soutien : il m'aidait dans mes travaux quand je me sentais mal (j'avais d'ailleurs pas mal de beaux points), je pouvais lui parler, il m'écoutait toujours, et il m'avait même emmenée au restaurant pour un dîner romantique. Dieu, que je l'aimais cet homme ! Il était à moi, rien qu'à moi, et cela me donnait l'impression d'avoir un certain pouvoir sur les autres filles, qui n'avaient pas cette chance. J'adorais plus que tout quand il bravait l'interdit pour me rendre visite dans ma chambre. Pour mon plus grand bonheur, il terminait souvent sa visite par des câlins où en me faisant l'amour. La force de son amour m'avait permis de tourner la page et d'écrire un nouveau chapitre. Je me demandais si Odd se montrait si attentionné avec Hélèni. Je me demandais comment elle avait accepté de sortir avec lui. Il ne représentait en rien l'homme idéal : glouton, odorant des pieds, un peu beauf. Pourtant, son grand sens de l'humour plaisait aux filles. S'il avait réussi à entraîner Hélèni dans ses filets, cela voulait dire qu'il savait se montrer doux, patient et attentif. Mon amie était loin d'être une fille facile, d'ailleurs, son célibat prolongé en disait long sur sa mentalité. Pas mal de garçons se retournaient sur son passage, cependant, la belle ne leur parlait pratiquement pas. Avec Odd, ils pouvaient rester des heures à parler et à refaire le monde. Il commençait enfin à parler avec sérieux et maturité, cette fille l'avait transformé comme jamais.
Pendant les congés de Toussaint, j'étais retournée chez ma mère après l'enterrement. Alain s'était installé à la maison, ce qui ne me dérangeait pas. Ils avaient même prévu d'inviter Jérémy et sa famille à venir passer le Nouvel An chez nous. Je me réjouissais à l'idée d'avoir mon chéri près de moi, en Suisse, pour les Fêtes.
Ce samedi matin, je venais de me réveiller dans mon lit, dans la villa de ma mère, en Suisse. Il était dix heures, et personne n'était encore levé. Quelques bruits se firent entendre, sûrement encore en train de faire l'amour. Cette pensée ne me dérangeait pas du tout, les nuits torrides que je passais avec Jérémy me semblaient plus bruyantes. Ma mère n'avait pas oublié mon père, mais elle s'autorisait à être à nouveau heureuse avec l'homme qu'elle aimait. Et il lui rendait bien : il cuisinait pour nous, rendait service et partageait beaucoup de moments complices avec elle. Comme Jérémy et moi. Je repensai à cette enfance heureuse dans notre chalet. Le Noël où Papa et Maman m'avaient offert Mister Pück. Je devais avoir six ans, j'étais si heureuse que j'étais allée me blottir contre elle. Je songeai également à cette enfance brisée, quand ma mère a disparu et que nous avons fui avec mon père. Et puis Lyoko. Lyoko et le vide éternel qu'il signifiait. Emprisonnés dans ce monde virtuel, ne pouvant pas fuir vers le réseau. Et le supercalculateur éteint. Comme un long sommeil. Je ne me souvenais de rien entre l'extinction et la découverte du laboratoire par Jérémy. Quand je l'ai entendu me parler, j'ai su que j'étais sauvée. Sa douceur m'inspirait confiance. Toutes ces nuits à discuter d'un monde à l'autre nous avaient rapprochés. Il avait même essayer de me rejoindre sur Lyoko, c'était la plus belle preuve d'amour qu'il pouvait me donner. Et on s'est touchés, comme il en avait envie. Ensuite, on y a pris goût et on n'a jamais arrêté de se toucher et de s'embrasser.
Je me levai, enfilai un pull et un jeans, et je descendis à la cuisine pour préparer le petit déjeuner. Ma mère fit de même peu de temps après, laissant son ami aller se doucher.
Je la trouvais belle avec ses cheveux en bataille et son teint naturellement rosi.
-Alors Maman, bien dormi ? lui lançai-je avec un sourire.
Elle rougit légèrement.
-Oui, bien sûr, répondit-elle confuse.
Je me réjouissais vraiment à l'idée de passer les Fêtes avec elle. Cela faisait si longtemps que nous n'avions passé Noël ensemble. Et bien sûr, Jérémy n'était pas encore au courant qu'il viendrait avec ses parents.
-Ça me fait tellement plaisir de passer les Fêtes avec toi, ça fait si longtemps, m'extasiai-je.
-Ça fait plus de vingt ans, ma chérie. Et tout sera parfait, avec le feu d'artifice près du lac comme chaque année. Un Noël inoubliable, un nouveau départ, s'enthousiasma-t-elle.
-Et puis, maintenant, tu es heureuse aussi. On s'est retrouvées, je suis heureuse avec Jérémy, et Alain s'installe ici, décidément, c'est ton année, ajoutai-je.
-Non, c'est ton année, répliqua-t-elle tendrement en posant sa main sur mon épaule.
-Ah non, moi, ce sera l'année prochaine, quand j'aurai mon bac, rétorquai-je avec un sourire.
-Ça c'est vrai, et j'ai hâte de pouvoir te voir entrer à l'Université, ajouta-t-elle.
Alain arriva à son tour et s'installa près d'elle.
-Alors, ma grande, qu'as-tu prévu de faire aujourd'hui ? me demanda-t-il avec bienveillance.
-Etudier, étudier et encore étudier, les examens approchent.
-Ça tombe bien, parce que j'ai décidé d'emmener ta mère faire un tour en bateau sur le lac et de l'emmener au restaurant, avoua-t-il en lui prenant la main.
Alain possédait un petit bateau à moteur avec lequel il faisait parfois un tour sur le lac. Et quand il avait envie de profiter, il arrêtait le moteur pour mieux profiter.
-C'est une très bonne idée, de toutes façons, j'ai beaucoup de choses à faire.
Chose promise, chose dûe, il s'exécuta dans l'heure.
Je m'installai tranquillement à mon bureau pour travailler mes sciences. J'adorais ces cours, surtout pour les labos, j'aimais observer des choses concrètes. Deux heures plus tard, je décidai de téléphoner à Jérémy pour lui parler des Fêtes et il répondit dès la première sonnerie.
-Allô ma puce ? Comment vas-tu ? s'inquiéta-t-il amoureusement.
-Ça va bien, Alain s'est installé à la villa et il a emmené ma mère faire un tour sur son bateau, racontai-je.
-Génial, tu dois être contente alors !
Ça c'était bien vrai.
-Oui, et justement j'ai un truc à te proposer. Ma mère a suggéré que tu viennes avec ta famille pour les Fêtes, annonçai-je sur un ton enjoué.
-Trop sympa ta mère ! Je demanderai à ma famille s'ils veulent venir, en tous cas, moi, je viens ! s'enthousiasma-t-il.
-Ce sera le plus beau Noël de toute ma vie ! m'exclamai-je, heureuse.
-Tu le mérites amplement, je t'aime tellement, murmura-t-il presque dans un souffle.
-Moi aussi, mais je vais devoir te laisser, j'ai du travail. Passe une bonne journée mon amour.
J'eus à peine raccroché que mon PC sonna. C'était Odd qui m'appelait sur Skype. Que me voulait-il encore celui-là ?!
-Salut Princesse, j'espère que je ne te dérange pas. J'ai un gros problème, soupira-t-il.
-Quoi donc ? demandai-je un peu agacée.
-C'est Hélèni. Je lui ai dit par téléphone que je l'aimais mais on n'en a pas reparlé et je n'ose pas l'embrasser. J'aimerais lui offrir un cadeau pour lui montrer que je l'aime mais je ne sais pas quoi. Et pour Noël non plus, se plaignit-il.
-Je ne sais pas moi, offre-lui un foulard ou un bijou. Trouve un endroit propice pour vous embrasser, conseillai-je d'une voix assez sèche.
-Eh, c'est pas cool ! Je vais plutôt demander conseil à Jérémy, ça ira mieux, décida-t-il.
Il raccrocha et ce fut Hélèni qui m'appela ensuite, décidément, je ne serais jamais tranquille.
-Salut Aelita, comment ça va ? J'ai un souci avec Odd. Un jour il me dit au téléphone qu'il m'aime mais il ne m'a jamais embrassée. On n'en parle pas et ça me met mal à l'aise, du coup je ne sais pas quoi faire, se confia-t-elle d'une voix triste.
-Écoute Hélèni, Odd est mon meilleur ami, et je sais que tu ne le laisses pas indifférent. D'ailleurs, je suis sûre qu'il ira bientôt vers toi.
Je commençais vraiment à en avoir marre. Hélèni avait beau être une amie proche, j'avais pas mal de choses à faire.
-Mais moi, que dois-je faire ? insista-t-elle.
Je tortillai entre mes doigts une de mes mèches ondulées qui avait pas mal poussé.
-Fais-lui sentir que tu veux aller plus loin. Par des mots et par des gestes. Le connaissant, il le verra tout de suite, suggérai-je.
-Merci Aelita, je ne sais pas ce que je ferais sans toi, soupira-t-elle.
-De grandes choses, plaisantai-je.
Une fois qu'elle eût raccroché, je me concentrai sur mes devoirs. Ma mère et mon beau-père arrivèrent à la villa en fin d'après-midi. Ma mère avait profité de cette douce balade et paraissait ressourcée.
Quelques jours plus tard, je rentrais déjà au lycée.
Dès que je passai le portail pour retrouver mes amis, l'ambiance me sembla pesante. J'avançai vers eux, tous avaient la mine triste depuis la mort de William. Un groupe d'élèves se trouvait sur mon chemin et me dévisagea lentement. Je les entendis discuter du sujet.
-Il paraît que sa copine l'avait largué, dit une petite brune de seconde.
-Non ! La vraie histoire, c'est qu'il avait eu un rapport avec la meilleure amie de sa copine, qui elle, l'a largué après l'avoir appris. En plus que la fille était déjà en couple, minauda sa copine blonde en me regardant passer.
-Vous n'y comprenez rien ! Il a violé une fille et les poulets ont débarqué chez lui, du coup il est allé se crasher avec son scooter, intervint un gars plus jeune.
Je décidai de les ignorer et saluai mes amis. Jérémy me lança un regard plein de tendresse avant de m'embrasser.
-Ne les écoute pas, les rumeurs les plus folles sont en train de courir alors qu'ils ne savent rien, me consola Jérémy.
-Et puis, tu n'es pas la seule à vivre ça, ajouta Yumi.
Soudain, des élèves s'attroupèrent autour d'eux pour leur demander des explications.
-C'est un simple accident ?
-Il s'est suicidé ?
-Il a rompu avec Yumi ?
-Quoi ?! Comment savez-vous tout ça ?! hurla cette dernière.
Un gamin de troisième haussa les épaules :
-Ton frère et son pote.
-Les fumiers ! pesta Yumi.
Un gars de première s'adressa à moi :
-Alors salope, ton mec ne te baisait pas assez ?! Il fallait que tu t'en tapes un autre et que tu lui fasses des crasses ?! Traînée, va.
Les autres furent indignés et moi, peinée, je ne le connaissais ni d'Ève ni d'Adam .
-Je ne te permets pas de me traiter comme ça ! D'où sors-tu de pareilles idioties ?! m'énervai-je.
-De lui-même, susurra-t-il avec un sourire mauvais.
Tout d'un coup, Jérémy intervint pour me défendre :
-Vous voulez connaître la vérité ?! Aelita est ma copine, on s'aime et non, elle n'a pas été voir ailleurs ! Il la harcelait, elle n'a jamais été consentante de quoi que ce soit, c'est clair ?!
-Et William et moi, on n'a jamais été un couple, ok ?! renchérit Yumi en jetant un œil à Ulrich qui approuva.
-Donc vous arrêtez de nous faire chier ou le dirlo s'en chargera, compris ?! termina Hélèni.
-Ça c'est sûr ! Ouste ! Sinon c'est un jour de renvoi par perturbateur ! approuva le proviseur d'une voix tonitruante, qui venait de sortir à ce moment.
Le groupe se dispersa et il s'approcha de nous.
-Ça ne doit pas être facile à vivre, vous étiez assez proches. Sissi a dur, elle aussi, confia-t-il en désignant sa fille assise sur un banc en train de pleurer.
Nous décidâmes d'aller la réconforter, elle faisait un peu pitié. Nous remarquâmes qu'elle avait changé. Elle s'habillait désormais plus sobrement, un jeans droit avec un gros pull rouge et ses cheveux bruns tombaient sur ses épaules. Elle s'était peu maquillée.
-Salut Sissi, on est désolés, s'excusa Ulrich.
Elle s'essuya avec son mouchoir.
-Elisabeth. Appelez-moi Elisabeth. Sissi c'est de l'histoire ancienne, affirma-t-elle.
-T'es sûre ? demanda Yumi.
-Je sais que ça peut paraître bizarre mais oui, c'est mieux ainsi.
Elle semblait comme avoir pris dix ans depuis le mois dernier.
-Je ne savais pas que tu étais si proche de William, lança Odd avec un léger sourire.
-Pour tout vous dire, il y a deux ans, il m'a fait ouvrir les yeux. Je pensais que je ne pouvais aimer que Ulrich mais j'ai découvert que non. Il m'a embrassée et on est sortis ensemble. Il a dit qu'il avait abandonné l'idée d'une relation avec Yumi. Mais après deux semaines de relation, j'ai tout arrêté parce que je pensais trop à Ulrich, j'ai été bête. C'est de ma faute tout ça. J'ai rompu alors qu'on était heureux, expliqua-t-elle.
Nous fûmes estomaqués.
-Vous êtes sortis ensemble ?! s'exclama Ulrich, étonné.
Elle dissimula son visage, honteuse.
-Oui.
-En tous cas, il n'a pas hésité à revenir vers moi, rétorqua Yumi.
-Il était si malheureux quand je l'ai quitté. Et puis j'ai commencé à m'habiller différemment pour attirer l'attention d'Ulrich mais ça n'a pas marché, se lamenta-t-elle.
-Tu n'étais plus toi-même, et je peux te dire que les gars préfèrent les filles naturelles qui ne cherchent pas à changer leur identité. Je sais que tu n'es pas comme ça, assura Ulrich.
Yumi ne réagit pas.
Ulrich ressentait-il quelque chose pour Sissi ? Peu probable à mon avis, ce n'était pas son genre de fille. Bien trop douillette.
-Je pense que la mort de William m'a complètement changée. J'ai pris conscience d'un tas de choses et je me rends compte que j'ai été une personne égoïste et méchante, avec des gens qui ne le méritaient pas. J'aurais dû laisser leur chance à d'autres personnes.
-Comme moi par exemple, rigola Odd.
Hélèni lui donna une tape sur la tête, peu amusée par l'attitude de son ami.
Yumi posa une main sur son épaule :
-Tu sais, on ne t'en veux pas. Et tu peux rester avec nous si tu veux.
-On est là pour te soutenir, approuvai-je.
Elle regarda Yumi avec un air d'incompréhension :
-Mais, pourquoi es-tu si gentille avec moi alors que je t'ai traitée n'importe comment concernant Ulrich ? Et Aelita et Hélèni, je me suis moquée de vous à votre arrivée .
-Parce que si nous étions dans la même situation, on aimerait bien que quelqu'un nous soutienne, répondit Hélèni.
Elle sourit légèrement :
-Merci de faire tout ça pour moi.
Après, nous décidâmes de monter nos valises. J'avais à peine achevé de la déballer que l'on frappa à la porte. C'était les filles.
-Ça va ? Tu as l'air surprise de nous voir ! s'inquiéta Hélèni.
-Non, c'est juste que je m'attendais plus à voir Jérémy, répondis-je en souriant.
-Il y a les éducateurs qui voyagent dans les couloirs, ça m'étonnerait qu'il vienne à cette heure-ci, affirma Yumi.
-Et toi, tu tiens le coup ? lui demandai-je.
Elle hocha la tête :
-Oui, après tout, ce ne sont que des rumeurs.
-N'empêche que ton frère a tout raconté à tout le monde et William n'a pas manqué de raconter des salades, soupirai-je.
-C'est un sale traître ce gosse, maugréa-t-elle.
-Si tu veux, je peux m'en charger, proposa une Hélèni prête à faire une prise de karaté.
-Non merci, rigola Yumi.
Nous nous dépêchâmes pour descendre dîner et Sissi prit son repas en notre compagnie. Ulrich et Odd faisaient leur possible pour lui remonter le moral mais Yumi voyait ça d'un très mauvais œil. D'ailleurs, elle n'hésita pas à m'en parler avec Hélèni juste avant le coucher.
-J'ai l'impression qu'il se rapproche de Sissi, vous ne trouvez pas ? déclara-t-elle, suspicieuse.
-Je crois plutôt qu'il se sent mal à l'aise avec ce qu'elle a dit tout à l'heure, du coup, il essaye de faire bonne figure, la rassurai-je.
-Tu te fais sûrement des idées, ils sont copains et c'est tout, ajouta Hélèni.
-C'est ça qui m'inquiète justement. Pour nous aussi, il dit qu'on est juste amis, mais je sais qu'il y a autre chose entre nous. Quand il a su que William m'avait embrassée, il est devenu hyper jaloux. Et là, c'est à mon tour d'être jalouse, expliqua-t-elle nerveusement.
-Bon, il ne l'a pas embrassée, donc tu n'as pas à t'en faire, répliqua gentiment Hélèni.
-Non, j'espère. Et bien alors, bonne nuit Aelita.
-Bonne nuit les filles.
Je me couchai et le lendemain matin, nous fûmes tous convoqués dans la cour où Mr Delmas devait parler.
Il monta sur le perron, micro à la main et se lança dans un monologue.
-Chers élèves, c'est avec grande tristesse que je suis navré de vous annoncer la mort de William Dunbar. Comme vous le savez pour la plupart d'entre vous, William a obtenu son bac en juin dernier. C'était un élève assidu, parfois turbulent et blagueur, mais toujours là pour aider les autres. Il avait entamé des études aux États-Unis à l'armée. Malheureusement, peu avant la Toussaint, il a eu un accident de scooter auquel il n'a pas survécu. Si vous voulez lui rendre un dernier hommage, il repose au cimetière de Guermantes. Et j'en profite pour vous demander d'arrêter de propager toutes ces rumeurs qui ne font que du mal aux principaux intéressés. Merci de votre attention.
On sentait qu'il en avait gros sur le cœur. Cela jeta un froid parmi les élèves qui finirent par se disperser.
Nous nous regardâmes d'un air accablé, et Sissi pleura encore. Ulrich posa une main sur son épaule.
-Bon, c'est pas ça mais on a cours de philosophie dans dix minutes, bougonna Yumi en leur lançant un regard noir.
-Oh ça va, relax. Ne me dis pas que tu as envie d'écouter Mme Taillard nous parler de Socrate et de Nietzsche, quand même ?! soupira Odd, déjà blasé.
Nous nous dirigeâmes vers le local où la prof nous accueillit avec son enthousiasme habituel, malgré le décès de son ex-élève. Il s'agissait d'une dame proche de la retraite, assez petite et bien en chair, les cheveux châtains courts et des lunettes sur le nez.
-Bonjour jeunes gens ! Aujourd'hui, nous allons parler de Dieu et de votre position par rapport à son existence, annonça-t-elle.
Elle nous fit signe de nous installer en rond pour que tout le monde puisse se voir.
-Alors, qui veut s'exprimer ? lança-t-elle.
J'entendis Odd faire une réflexion à Hélèni.
-Odd, peut-être ? proposa la prof.
Il se retourna, interloqué.
-Euh, ben moi, je ne crois pas en Dieu, déclara-t-il.
-Peux-tu expliquer ton choix ?
-Parce qu'il n'existe pas. Par contre, je crois au virus de la patate folle, affirma-t-il d'un air faussement sérieux.
Toute la classe éclata de rire.
-Ce n'est pas une réponse.
-Moi, je crois au karma, par contre, je préfère ne pas me prononcer quant à Dieu, intervint Yumi.
-Bien, Mademoiselle Ishiyama. Et toi, Aziz ?
-Je crois en Allah.
-Et moi, je pense que l'on ne serait pas là si Dieu n'existait pas. C'est trop gros pour être une coïncidence, ajouta Alizée.
La prof la regarda attentivement.
-De plus en plus intéressant. Aelita ?
Je ne m'attendais pas à être interrogée. Je n'étais pas sûre de moi. Je me raclai la gorge.
-Et bien moi, je ne sais pas si Dieu existe ou pas. Mais s'il existe, il doit forcément être la première cause du monde. Le tout et le rien.
Jérémy parla lui aussi :
-Je suis du même avis qu'elle.
-Pareil, renchérit Ulrich.
-Moi aussi, acheva Hélèni.
-Je vois que pas mal d'entre vous sont agnostiques, ne savent pas. Jean d'Ormesson a la même vision des choses, même s'il est né dans une famille catholique, constata la prof.
-Tu vois Odd, elle parle de Jean d'Ormesson et pas de Socrate, glissa Hélèni.
-Je vois que le temps passe. Pour le prochain cours, je vais vous demander de vous interroger sur cette question : "Y a-t-il quelque chose après la mort ?" .
Drôle de question. J'avais eu tout le temps de me la poser lorsque j'étais coincée sur Lyoko. Je ne savais pas si l'au-delà ressemblait à Lyoko. Ça aurait été bien. J'aurais pu avoir le privilège de connaître l'autre monde de mon vivant, ce que personne ne pourrait jamais faire. C'est d'ailleurs une des seules choses que l'être humain ne sera jamais capable d'accomplir. Et ce, malgré les progrès scientifiques et techniques. Nous pouvions imaginer un monde ensoleillé, un été perpétuel, des étendues de prairies couvertes de coquelicots à perte de vue, des pins sylvestres descendant sur la mer. Où il était permis de se déplacer où bon nous semble, de flotter dans les airs sans jamais tomber ou encore se coucher sur l'herbe une éternité.
C'était l'idéal. C'était bien. Mais la vie était belle aussi. J'avais enfin failli savoir mais mon tour n'était pas encore venu. Peut-être devrais-je accomplir de grandes choses. Peut-être que la vie m'avait rappelée pour mes amis. Pour Jérémy. Cependant, en dépit de ce que j'avais subi et de mon enfance volée, j'aimais la vie. Mes amis me faisaient aimer la vie. Jérémy me la faisait croquer à pleines dents. Je ne pouvais pas savoir si cette vie était mieux qu'un potentiel au-delà en lequel je ne croyais pas forcément. Une seule chose était certaine : de l'autre côté, il y avait mon père.

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