En rentrant du lycée à l'appartement, je n'adressai pas un mot à ma mère. Je lui en voulais trop et je lui réservais une petite discussion à l'arrivée. Elle ne paraissait pas de mauvaise humeur, cependant, elle se raidit sur son volant voyant que je ne disais rien. Je la toisai : elle paraissait sévère avec son teint hâlé et ses boucles brunes autrefois qu'elle colorait au henné qui leur donnait de beaux reflets blonds vénitiens. Un moment donné, elle explosa :
-Bon Hélèni, qu'est-ce que tu as ?! Tu n'as pas prononcé un mot depuis mon arrivée ! Tu es grognon ?! Tes amis t'ont laissée tomber ?! Tu sais, tu peux tout me dire, je suis là pour toi, m'assura-t-elle.
Je sentais la colère monter en moi. Comment osait-elle me dire ça ?!
Je me tournai vers elle.
-Tu es là pour moi ?! N'empêche que ça ne t'a pas vraiment dérangée de laisser Cassi s'affaiblir et puis mourir, ripostai-je violemment.
-Je ne savais pas que c'était si grave ! répliqua-t-elle sur un ton de reproche.
-Ah ben non, t'étais trop occupée avec tes patients que pour prendre soin de ta propre fille, susurrai-je sur un ton mauvais.
Elle était si énervée qu'elle manqua de faire une sortie de route. Elle s'arrêta sur le bas-côté pour que l'on s'explique.
-Oui, je travaillais. Je travaillais pour que vous ne manquiez de rien, pour vous nourrir, vous vêtir, vous payer vos loisirs, vous faire plaisir, pour vos études, rétorqua-t-elle avec tristesse.
-Seulement, tu as tout foiré et Cassi est morte à cause de toi et de tes idées, je ne pourrai jamais te pardonner ! m'emportai-je, furieuse.
-Retire immédiatement ce que tu viens de dire ! Cassi n'aurait jamais dit ça à sa mère, elle était d'une gentillesse ! me sermonna-t-elle.
Je voyais qu'elle avait de la peine mais je ne pouvais rester une seconde de plus dans cette voiture.
-T'as raison, je vais être gentille, je vais gentiment sortir et te laisser tranquille sinon tu vas finir par avoir un accident ! criai-je en bondissant hors de la voiture.
-Hélèni ! Reviens ! Excuse-moi ! pleurnicha-t-elle.
Trop tard, j'avais déjà claqué la portière. Je me fichais éperdument de ses excuses bidon, sachant que ce n'était rien par rapport au mensonge de toute une vie.
Je me mis à courir sous la pluie froide d'octobre. La lumière baissait au fur-et-à-mesure que j'avançais, et bientôt, je me retrouvai seule dans le noir, dans un petit bois non loin d'une ville. J'avais horriblement froid en dépit de ma veste imperméable mais malgré ça, je ne voulais pas reprendre un bus pour retourner chez moi. Ma mère m'avait envoyé des messages, me menaçant d'appeler la gendarmerie pour signaler ma disparition. J'éteignis mon téléphone. Je n'avais pas peur de rester seule dans un bois, je m'y sentais plus en sécurité que seule en ville. Je sortis une pomme, un paquet de biscuits et ma bouteille d'eau de mon sac. Ça ferait l'affaire pour le dîner. Après avoir mangé, je me fis un petit lit de feuilles mortes en-dessous d'une grosse pierre que j'avais trouvé et qui permettait de m'abriter de la pluie. J'aurais donné n'importe quoi pour avoir du feu mais je devais me contenter de ce que j'avais.
J'eus beaucoup de mal à trouver le sommeil et je m'endormis vers deux heures du matin.
Je fus réveillée par les rayons du soleil qui baignaient mon visage ainsi que le chant des oiseaux. La pluie avait laissé place à un ciel azur et un grand soleil. Je m'assis pour réfléchir. Devais-je encore rester un peu ou rentrer chez moi ? Ma mère allait m'envoyer les flics qui ne seraient pas tendres avec moi et de toutes façons, elle avait pas mal de choses à m'expliquer à propos de mon père. Je décidai de retourner vers la ville pour prendre un bus. Encore heureux que j'avais assez d'argent sur moi pour retourner. Lorsque je rentrai dans l'appartement, il était huit heures du matin, ma mère dormait sûrement. Mais je la découvris, assise sur le canapé, les yeux cernés, accompagnée d'un gendarme qui semblait fort proche d'elle. Je l'examinai : grand, cheveux grisonnants, musclé, barbe de trois jours.
-C'est à cette heure que tu rentres ?! Je t'ai envoyé un tas de messages ! s'énerva-t-elle.
-Calmez-vous, Louisa, je veux dire Madame Rivière, ce qui compte, c'est qu'elle soit rentrée, la rassura-t-il.
Quelque chose m'échappa : ils se connaissaient ? Après tout, cela ne m'aurait pas étonnée vu tout ce qu'elle me cachait depuis des années.
-Où as-tu passé la nuit ?! J'étais morte d'inquiétude !
-Dans un bois, et j'ai dormi ! répondis-je.
-Et bien pas moi ! répliqua-t-elle alors que le gendarme essayait de la calmer.
-Vous vous connaissez ? demandai-je curieuse.
Ma mère me regarda sincèrement :
-Oui, et je voulais te l'apprendre autrement. Je te présente Philippe Chabert, mon ami, m'annonça-t-elle.
Je tombais des nues, elle m'avait encore caché quelque chose.
-Tu attendais quoi pour m'en parler ?! m'énervai-je, furibonde.
-Je voulais t'en parler une fois rentrées !
-Et bien, on y est. Alors, comment vous êtes-vous rencontrés ? questionnai-je, sceptique.
-Louisa était de service chez une patiente ce jour-là et lorsqu'elle est arrivée pour lui prodiguer ses soins, son fils l'avait trouvée morte. Les pompiers et la gendarmerie étaient sur les lieux et on a immédiatement accroché, me raconta Philippe.
-Et vous avez des enfants ?
-Oui, j'ai un fils de ton âge et un autre de vingt-cinq ans, affirma-t-il.
Voilà qui me semblait plus intéressant, enfin des gens avec qui je pourrais sûrement parler de tout et n'importe quoi ou raconter des blagues.
Il prit ma mère par la main, comme en l'attente de quelque chose.
-Excuse-moi Maman, je n'aurais pas dû réagir comme ça et partir toute une nuit, m'excusai-je avec sincérité.
Je n'en oubliais pas moins la petite discussion que l'on devait avoir à propos de mon père.
Lorsque Philippe fut parti, ma mère voulut aller se coucher mais je l'en empêchai.
-On doit discuter, annonçai-je sèchement.
-Quoi encore ?! me demanda-t-elle sur un ton de reproche.
-De quoi notre père est-il mort ? questionnai-je afin de la piéger.
-Tu le sais très bien, il a eu un accident, me répondit-t-elle nerveusement.
-Non mais la vérité. Je n'ai même pas assisté à son enterrement, protestai-je.
Elle se tut, ne savant que dire ni quoi faire, tremblante.
-Il n'est pas mort, je me trompe ?! ajoutai-je, narquoise.
Elle sourcilla légèrement avant de me répondre :
-Non, il est vivant.
-Très vivant, condamné pour braquage alors qu'il avait deux filles de trois ans, marié, père de deux autres enfants, rétorquai-je avec un sourire mauvais.
Elle baissa la tête.
-Vous n'avez plus de contacts j'espère ?! Tu savais qu'il avait d'autres enfants ?!
Elle secoua la tête :
-Non, il ne m'a plus jamais donné signe de vie. Et j'ai vu son Facebook.
Je sentais la rage monter en moi. Comment avait-elle pu me mentir comme ça ?
-Pourquoi nous as-tu menti ?! C'est lamentable, répliquai-je.
Elle me regarda, les yeux embués de larmes :
-Pour vous protéger de cette abominable vérité, dit-elle simplement.
-Et bien, moi, j'aurais préféré savoir, affirmai-je.
-Toi, toi, toujours toi. Tu n'étais pas seule, et je savais que Cassi aurait eu plus de mal à encaisser, s'énerva-t-elle.
-Je n'en reviens pas que tu m'aies caché tant de choses. D'abord mon père, ensuite ce gendarme. Mais qui es-tu ? Tu es censée être ma mère, ma confidente, et je ne sais rien de toi, lui reprochai-je.
-De toutes façons, tu te mets toujours dans des états pas possibles, protesta-t-elle.
-Parce qu'il y a de quoi ! On me fait croire que mon père est mort dans un accident alors qu'il est en taule pour des crimes odieux, et après, hop, comme par magie, je le retrouve avec une femme et j'apprends que j'ai des demi frères et sœurs ! m'écriai-je hors de moi.
-Je ne voulais pas gâcher ton enfance avec des histoires d'adultes, m'avoua-t-elle embarrassée.
À ce moment-là, j'explosai :
-Mais mon enfance, elle a été gâchée ! Je n'ai pratiquement pas connu mon père, j'ai perdu ma sœur jumelle à cause d'une maladie et en plus, un connard a essayé de me violer ! Tu trouves ça réussi ?!
Elle paraissait vraiment mal à l'aise.
-Non, bien sûr que non, mais je ne savais pas. J'ai fait une erreur et quand je me suis rendue compte de la bêtise que j'avais faite, je m'étais déjà enfoncée dans le mensonge et je n'arrivais pas à en sortir. Merci d'avoir crevé l'abcès et je m'excuse pour tout, expliqua-t-elle.
Je ressentis beaucoup de sincérité dans ses paroles et j'avançai vers elle.
-Faute avouée est à moitié pardonnée, souris-je.
Je la pris dans mes bras avant qu'elle n'aille se coucher. Quant à moi, j'avais envie d'appeler Odd, d'entendre le son de sa voix, je ne savais pas pourquoi.
Je saisis mon téléphone et composai le numéro.
-Allô Nini ?
Je fus contente qu'il me réponde.
-J'ai parlé à ma mère. Mais ça a dérapé hier du coup je suis partie et j'ai passé la nuit dehors, racontai-je.
-Dehors ?! Tout va bien ?! s'inquiéta-t-il.
-Oui, rassure-toi. Je ne pouvais plus la supporter alors je suis partie.
-Et maintenant, ça va ?
-J'ai découvert que ma mère sortait avec un gendarme dans mon dos, mais sinon, tout va bien, répondis-je avec une grimace.
-C'est pas vrai ! Dans ton dos ?! s'indigna-t-il.
-Oui, je l'ai découvert en rentrant chez moi ce matin après ma nuit dehors. À mon avis, ils se voient depuis pas mal de temps, expliquai-je en pleurant.
-Oh, non ! Nini, ne pleure pas ! Ça me fait mal de t'entendre pleurer comme ça, protesta-t-il.
Ses paroles me touchèrent profondément, je me sentais aimée, très fort.
-Arrête ! Tu vas me faire pleurer encore plus ! rigolai-je entre deux larmes.
Il se tut un instant et puis, reprit la conversation.
-Hélèni ?
-Oui ? demandai-je, curieuse.
-Je t'aime, murmura-t-il doucement.
Je ne m'attendais absolument pas à ça, je ne savais que répondre, je l'aimais beaucoup mais j'ignorais encore s'il s'agissait d'amour ou d'amitié.
-Quoi ?
-Je t'aime, depuis le premier jour. Quand je t'ai vue au bord de la jetée, j'ai su que c'était toi, la femme de ma vie. Tu es tellement belle avec ta crinière de lionne et tes charmantes lunettes rondes. Tu égaies mes journées, tu es marrante, on peut parler de tout avec toi. Je suis conscient que tu as vécu des choses très difficiles, et je veux être là pour les affronter avec toi. Tu veux bien, Nini ? insista-t-il.
Odd m'avait troublée dès le début mais là, il faisait fort. Pourtant, je me sentais prête à faire un bout de chemin avec lui.
-Oui, je veux bien. Tu es un mec génial, je ne peux pas te refuser ça, répondis-je avec un sourire.
-Alors, à bientôt, ma belle.
-Bisous Robby.
Une fois l'appel terminé, je réfléchis à ce qu'il venait de me déclarer. Il m'aimait. Étais-je une fille aimable ? Peut-être pas au premier abord mais je lui avais livré toute mon histoire.
Je repensai à mon père et une idée me vint en tête. Je devais entrer en contact avec lui, malgré tout ce qu'il avait fait. Je décidai de me créer un profil Facebook afin de pouvoir lui parler en privé. Je m'inscris sous ma vraie identité, je voulais qu'il sache que j'existais toujours. Je n'avais aucune envie d'être clémente avec lui, c'est pourquoi je lui envoyai un message un peu trash.
" Alors "Papa", c'était sympa en prison ? Maman et moi ne te manquons pas trop ?"
Par chance, il était connecté, et il me renvoya un message.
"Hélèni ?! Et Cassi ?!"
Je tapai nerveusement sur le clavier.
"Cassi est morte d'une leucémie il y a huit ans, mais bon, comme tu étais trop occupé avec ta pouf pour prendre des nouvelles de tes propres filles, tu ne pouvais pas savoir."
Ça me démangeait depuis des années de lui mettre en pleine face.
"Quoi ?! Ma fille est morte ?! Et je t'interdis de traiter Valia de pouf."
Vu comme il la défendait, elle comptait plus que nous à ses yeux.
"Oui, ta fille est morte. Et Maman ne s'en remettra jamais, mais bon, tu t'en fiches, tu as ta petite famille et ta petite vie bien paisible maintenant."
Il m'énervait et pourtant, je voulais continuer la discussion.
"Je vais rentrer à La Réunion pour aller me recueillir."
Alors là, il se trompait grandement.
"Ça ne servira à rien, on ne vit plus à La Réunion depuis quinze ans. On a vécu à Nantes où elle est décédée, ensuite en Auvergne où j'ai manqué être violée à l'internat, après à la Côte d'Azur et maintenant en région parisienne. Donc, elle n'a pas de tombe, ses cendres sont avec nous, partout où l'on va."
Sympa de partir tant d'années et de revenir après, il n'en était pas question.
"Tu te plais bien au lycée ? Tu as beaucoup d'amis ? Un copain ?"
Comme quoi, mon agression ne semblait pas importante à ses yeux.
Je n'avais pas envie de lui répondre mais je me forçai.
"C'est agréable, j'ai des amis et un copain, il s'appelle Odd et il s'intéresse à moi, lui."
J'avais de moins en moins envie de lui parler.
"Tu veux dire que je m'en fiche de ne plus t'avoir vue depuis quinze ans ?"
Je n'aimais pas la tournure que prenait cette conversation malsaine.
"Oui, tu t'en moques éperdument. Je te dis que j'ai été agressée, tu ne relèves pas. Ma sœur est morte, donc elle est forcément enterrée à La Réunion. Et maintenant, tu fais semblant de t'intéresser à moi ?! Mais tu me dégoûtes ! Je n'ai plus envie de parler avec toi, n'essaie même pas de me répondre !"
Je devais couper court, absolument, sinon j'allais devenir folle. Je ne voulais plus jamais entendre parler de lui, il nous avait fait trop de mal. Je me déconnectai, et décidai de ne pas en parler à ma mère, elle aurait fait une crise. Il fallait que je la laisse vivre son amour avec son gendarme et basta. Elle n'avait pas besoin de savoir que je discutais avec lui. Autant ne jamais le revoir, pour encore nous torturer. Je préférais ne pas avoir de père, il avait simplement été un géniteur et rien d'autre. D'ailleurs, je n'ai jamais compris ce que ma mère lui avait trouvé. Peut-être le fait qu'il soit étranger, du coup, elle aurait été séduite par son accent, ou autre chose. Bref, je n'en savais rien. Il était à présent midi, et ma mère n'était toujours pas levée. Je dus préparer le déjeuner toute seule. Malheureusement, je n'étais pas douée en cuisine alors je décidai de préparer des macaronis à la sauce carbonara, et je mangeai seule, sans appétit.
Quelques jours passèrent, jusqu'au moment où je reçus un message de la part de Yumi. William était décédé dans un accident de scooter. J'avais beau ne pas bien le connaître, ça m'a fait un choc. Il avait beau avoir été un goujat, jamais je n'aurais souhaité sa mort. Il fallait que j'aille à son enterrement afin de soutenir Yumi. De tous, c'était elle qui en avait le plus besoin. Je me rendis au salon où ma mère lisait pour lui demander la permission.
-Maman, il y a William qui est décédé dans un accident, annonçai-je.
-Le jeune homme de Guermantes ? Je l'ai lu dans les journaux, tu le connaissais ? s'informa-t-elle, surprise.
-Vaguement, mais mes amis le connaissent depuis des années, il était élève à Kadic. Je peux aller à l'enterrement samedi matin ?
-Oui, par contre, je travaille donc tu vas devoir prendre le bus, accepta-t-elle.
-Ça va, pas de soucis, je prendrai le bus.
Je me demandais si Odd viendrait aussi, il habitait si loin d'ici. Par contre, je ne lui poserais pas la question, il me troublait déjà assez ainsi. Je consultai l'article sur la mort de William mais il était réservé aux abonnés, pas de chance.
Pauvre Yumi, c'en était fini du triangle amoureux. Je pensai à Aelita, qui avait failli mourir par sa faute, comment allait-elle réagir ? Et Ulrich qui le détestait tant ?
Quelques jours plus tard, je fus fixée. Je pris deux bus pour Guermantes, où je retrouvai Yumi, Jérémy et Aelita devant l'église avant l'enterrement, qui m'attendaient depuis un bon bout de temps. Odd et Ulrich n'étaient pas encore arrivés, et j'ignorais s'ils viendraient. Je m'avançai vers mes amis d'un pas décidé.
-Salut les gars, ça va plus ou moins ? Odd et Ulrich ne sont pas encore là ? lançai-je avant de les prendre dans mes bras.
Yumi secoua la tête :
-Non, ils ne viendront pas. Odd n'a pas assez d'argent pour revenir et Ulrich a dit qu'il travaillait pour le lycée.
-Pour le lycée ? m'étonnai-je.
-Il a dit que son père allait encore péter un câble s'il ne travaillait pas pendant les vacances, mais je crois qu'il n'avait pas envie de venir, expliqua-t-elle d'un air détaché.
-En même temps, entre lui et William, ça n'a jamais été le grand amour, marmonna Jérémy.
-C'est pas une raison pour ne pas soutenir ses amis, insista Yumi.
Je me tournai vers Aelita :
-Et toi, comment te sens-tu ? lui demandai-je inquiète.
-Moi, ça va, même s'il n'y aura pas de procès, je me dis que cette histoire est définitivement terminée, et je tourne la page, sourit-elle gentiment.
Le corbillard arriva, et les parents, éplorés se précipitèrent pour caresser le cercueil. Un garçon plus âgé, probablement son frère, tenait la main de sa mère.
-Vous croyez que l'on devrait tout leur raconter ? interrogeai-je, dubitative.
Aelita secoua la tête, pleine de bons sentiments :
-Non, il ne faut pas qu'ils apprennent cette abominable vérité, ils sont déjà si désemparés, ce serait comme leur planter un poignard dans le cœur. Laissons-leur une belle image de leur fils et n'en parlons plus.
J'admirais la bonté de cette fille, si naturelle, décidément, elle m'impressionnait.
On amena le corps à l'intérieur de l'église et tout le monde prit place. Beaucoup de monde assistait à l'enterrement, principalement des jeunes du coins, il semblait très apprécié partout où il avait vécu. Les jeunes pleuraient, les plus âgés aussi, y compris ses grands-parents, qui se demandaient sûrement pourquoi on leur avait enlevé leur petit-fils avant eux. Je regardai à la gauche. Yumi versa une larme, une seule, qui voulait dire tellement de choses différentes et contradictoires. Le curé commença la messe, et bientôt, chacun caressa le cercueil à son tour. Ensuite, son père prononça un discours.
"William, voir son enfant partir est une chose terrible pour des parents. On n'oubliera jamais ta naissance, les anniversaires. Chaque jour, ta chambre, ta place à table, ton bureau, ton fauteuil, seront vides à jamais. Il nous arrive encore de t'appeler sur ton téléphone, s'attendant à t'entendre décrocher énergiquement, mais le répondeur nous ramène à la réalité. On se dit que tu vas débarquer à la maison le sourire aux lèvres et on se rappelle que tu ne reviendras jamais. Les souvenirs resteront toujours. Au revoir mon garçon."
Il termina en larmes, et Yumi décida de prendre sa place.
"Will, même si ça n'a jamais été tout rose entre nous tous, ta bande de potes de Kadic, tu étais pourtant un des plus marrants, avec Odd bien sûr. Ulrich ne t'a jamais détesté, seulement, il ne supportait pas que quelqu'un d'autre que lui me convoite, surtout que tu ne te cachais pas. Je me rappelle de la fois où tu courais après une fille, et que pour la séduire, tu avais collé des affiches d'elle partout au collège."
Quelques personnes rirent légèrement.
"Tu nous manqueras beaucoup, tu étais si jeune pour mourir."
Yumi revint à sa place, et après la messe, le cortège démarra afin de rejoindre le cimetière. Le soleil brillait, et les arbres orangés à rouges renvoyaient leurs belles couleurs. La pluie de la semaine avait laissé place au beau temps, comme si elle avait voulu nous libérer le temps de la mise en terre.
Devant Yumi et moi, Jérémy serrait très fort la main d'Aelita, il la soutenait coûte que coûte.
Nous arrivâmes au cimetière où on avait creusé la tombe. Le cercueil fut placé délicatement à l'intérieur, quelques personnes lancèrent des fleurs et sa mère tomba à genoux, criant et pleurant la mort de son fils. Je comprenais parfaitement sa douleur, j'avais vu ma mère réagir de même lorsque Cassi est décédée.
-Je ne peux m'empêcher de penser qu'il aurait pu vivre s'il n'avait pas dérapé, soupira Yumi.
-Tu penses que c'était volontaire ? questionnai-je, perplexe.
-Je ne sais pas mais je me sens coupable de ne pas l'avoir aimé, avoua-t-elle.
-Et moi donc, c'est moi qui ai porté plainte, si ça se peut, c'est parce que j'ai porté plainte qu'il s'est tué, renchérit Aelita.
Jérémy prit son visage entre ses mains et lui caressa les joues :
-Mais mon amour, tu n'es coupable de rien, tu as toi-même failli mourir à cause de lui.
Elle hocha la tête et il la serra contre son cœur.
Pendant ce temps, on avait terminé de recouvrir le cercueil et tout le monde se dirigeait tout doucement vers la sortie. Nous fîmes de même avant de faire un câlin collectif et de se séparer pour retourner à nos domiciles respectifs.
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Code Lyoko - Et Maintenant
FanficDepuis l'extinction du supercalculateur, bien des choses ont évolué. Tout le monde est désormais au lycée et ne va pas tarder à entamer sa Terminale, la dernière année que nos héros passeront ensemble. Une année qui ne sera pas de tout repos car Ael...