J'étais assis, dans une salle, assez sombre. Seule une petite ampoule qui pendait au plafond illuminait la table sur laquelle mes mains étaient croisées. Un micro était devant moi, ainsi qu'un verre d'eau. James se tenait debout derrière moi, les bras croisés, son oreillette dans son oreille. J'attendais la venue des policiers.
Après avoir plus ou moins repris connaissance, les policiers ont débarqué chez moi. Ils étaient trois, portaient chacun un gilet par balle. Il m'emmenait au commissariat, pour me poser des questions sur le meurtre du jeune adolescent. Il savait que je n'étais pas à l'initiative du crime. Ils avaient juste besoin de m'interroger, car moi aussi, j'ai vécu ça, en moins pire.
- Monsieur Pearson, bonjour.
Une voix venant de mon côté droit me fit sursauter. Je tournai la tête, et vis un des policiers qui était venu chez moi, accompagné d'une femme, d'une cinquantaine d'années. Cette dernière était habillée très classe, et tenait une mallette dans sa main droite.
- Bonjour.
Les deux vinrent s'asseoir juste devant moi. Leurs traits paraissaient détendus, mais au fond, je savais que quelque chose clochait.
- Qui est cet homme, derrière vous ?
La femme montra du doigt James, qui ne bougea d'un poil. Je n'avais pas besoin de tourner la tête pour répondre.
- C'est... Mon garde du corps. Après tout ce qui s'est passé pour moi, j'ai eu du mal à reprendre une vie normale, j'avais peur tout le temps. Ma psychiatre nous a donc conseillé un garde du corps.
Ma voix était faible, peu audible. Je pouvais les voir se concentrer sur ma voix lorsque je parlais, pour ne pas louper quelque chose.
- J'en conclus donc que tu es allé voir une psychiatre. Est ce que tu la vois toujours, Adam ?
Cette femme devait sûrement être une détective. Elle était sérieuse, souriait très peu, mais essayait de me mettre en confiance. Le policier, lui, se contentait d'écrire ce que je disais.
- Oui. Le lundi, ainsi que le mercredi.
Elle baissa ses lunettes, et me regarda pendant quelques secondes, sans rien dire. Mes mains commencèrent à trembler. Le policier releva la tête, surpris par ce silence qui venait de plomber la petite salle sombre.
- Et pourquoi vas-tu voir une psychiatre, Adam ?
Elle remit ses lunettes, l'air de rien. Je sentais ma bouche tremblée, mes yeux commençaient à me piquer. J'avais la respiration qui accélérait, la chaleur montait très vite dans mon corps. Elle savait pourquoi.
- Eh bien... Je pense que vous le savez, n'est ce pas ?
Elle leva un sourcil.
- En effet, je sais tout sur ton sujet, enfin, presque tout. Mais j'ai besoin que tu me parles, Adam. J'ai besoin que les mots sortent de ta bouche.
Je sentis une larme couler le long de ma joue. Je l'essuyai le plus vite possible. Je ne voulais pas montrer mes faiblesses à des inconnus, même si c'était déjà raté.
- Car je me suis fait kidnapper.
- Par qui, Adam ?
Je levai un sourcil, en colère. Comme ci, je le savais ?! Cela faisait plusieurs mois que tout, c'était passé, que j'avais déjà raconté ce que j'avais dû vivre pendant une semaine, et on me demande encore par qui je me suis fait kidnapper ! J'essayai de rester calme.- Malheureusement, je ne sais pas. Autrement, je l'aurai déjà dit aux policiers.
- Très bien.
Elle sortit de sa mallette un fichier, un fichier classé non résolu. De se ficher, elle en sortit une feuille, où je pouvais distinguer une photo de moi, ainsi que toutes mes coordonnées. À la suite de cette feuille, il y avait un grand paragraphe, de plus d'une page, écrit à l'ordinateur.- J'ai devant moi ta déclaration de ce qui s'est passé pendant cette semaine. Une déclaration assez courte, assez vague. Une déclaration qui ne nous mène pas à grand chose, je vais t'avouer. Je vais donc te demander de tout me raconter, dans les moindres détails, du soir où tu t'es fait kidnapper, jusqu'au matin où nous t'avons retrouvé.
Encore. J'avais encore besoin de faire face à la réalité, comme ci cette dernière n'était pas assez dure comme ça. Je n'en avais pas envie, et je pouvais désormais sentir plusieurs gouttes d'eau couler le long de mon visage. Mais je devais le faire. Je devais raconter tout ce qu'ils m'avaient fait, tout ce que j'avais vécu, pour espérer les retrouver.
- D'accord. Je peux tout vous raconter.
XXX
1er octobre 2017
J'étais assis à table, avec mes parents, accompagnés de quelques amis à eux. Même s'ils étaient beaucoup plus vieux que moi, je m'entendais bien avec. Nous rigolions, ils se servaient quelques coups à boire, j'en profitais pour voler quelques gouttes de champagne de temps à autre. Il était près de minuit, dix minutes avant le drame.
Plus le temps passait, et plus l'envie de fumer résonnait dans ma tête. Mes parents ne le savaient pas, mais de temps en temps, je fumais des cigarettes. Cela me faisait tourner la tête, et me permettait d'oublier pendant quelques instants les cours, les problèmes. En tant que jeune fumeur, la cigarette me provoquait des choses que les fumeurs ne pouvaient pas comprendre.
Je me levai discrètement de table, alors que tout le monde était en train de discuter de politique. C'était le moment parfait pour moi pour quitter la table.
- Tu vas où mon chéri.
Je mis ma veste, l'air de rien, tout en regardant ma mère, qui tenait son verre de champagne dans sa main.
- Je vais promener Buddy, je crois qu'il est malade, il a pissé dans ma chambre tout à l'heure. Je n'ai pas envie qu'il le refasse, alors je l'emmène vite fait faire un tour.
- Très bien ! On t'attend pour le dessert.
Je fis un sourire à ma mère, et sortis à l'extérieur. Dehors, il ne faisait pas vraiment froid. Seulement un petit vent, peu désagréable. À peine arrivée dehors que mon labrador me sauta dessus, tout excité.
- Oui, on va aller se promener mon beau.
Je lui mis son collier, et pris sa laisse, avant de partir en direction du portail. Quand je ne voyais plus la grande baie vitrée de notre salle à manger, je sortis mon paquet de cigarettes de ma poche, et m'en allumai une. Mon chien était tout excité, et courait dans tous les sens. Il faisait nuit dehors, et aucun éclairage public allumait la route.
Je commençai à marcher, sans trop me poser la question où est ce que j'allais. Bien sûr, mon chien allait très bien, et n'avait pas uriner dans ma chambre. C'était juste une excuse pour sortir dix minutes dehors, et de profiter de ma cigarette.
- Buddy ! Vient là mon chien.
Ce dernier accourut vers moi, et m'évita à la dernière minute, afin d'aller pisser contre un poteau.
- Connard.
Je continuai de marcher, quand tout à coup, les phares d'une voiture éclairèrent la route, mouillée à cause de la pluie qui était tombée durant la journée. La voiture avançait à allure réduite, et j'appelai mon chien pour qu'il vienne à mes côtés.
- Buddy ! Viens ici.
Ce dernier ne m'écouta pas, et partit en direction de la voiture, qui venait de s'arrêter sur le bas-côté de la route. Inconsciemment, je suivis sa direction, la cigarette entre les lèvres.
- Buddy ! Buddy !
Arriver à la hauteur de la voiture, qui était en fait un van, j'arrêtai de courir. Il y avait une femme, à l'intérieur, qui regardait droit devant elle. Je ne pouvais pas distinguer sa tête, à cause de la pénombre.
- Buddy ? Tu es où ?
J'avançai vers l'arrière du van, et l'envie de vomir me coupa la respiration. Mon chien était là, devant moi, couché dans une mare de sang, une balle entre ses dents. Je sentais les larmes couler, mais je ne pouvais pas bouger, trop terrifié parce qu'il se passait.
- Oh mon...
Je sentis un énorme coup derrière ma tête, et tombai en avant. Je ne comprenais pas ce qui se passait, et essayai de me retourner, pour faire face à celui qui m'avait fait ça.
- Qui êtes-vous ?! Laisser moi !Il m'attrapa les deux jambes, et la femme sortit de son van. Elle marcha sans aucune pitié sur le corps de mon chien, et attrapa mes bras. Je ne pouvais distinguer leur visage, à cause de la pénombre, mais aussi à cause de leur masque. Un masque blanc, simple, mais terrifiant.
- À l'aide ! Lâcher moi ! Au secours !
Je criai de toutes mes forces, même si cela me faisait mal à la tête. Au fond de moi, je savais ce qui ce passait, mais je ne pouvais pas me l'avouer. Je criai fort, mais personne ne pouvait m'entendre. Nous n'avions pas de voisins, et j'étais à plusieurs mètres de ma maison. Pour me taire, l'homme me donna un autre coup derrière la tête, et je sentis mes yeux se fermer.
Le policier releva la tête vers moi, quand je venais de finir de parler. Mes mains tremblaient, et je pouvais désormais sentir la présence de James derrière moi. Cela me rassurait, mais pas assez. Je savais que mes parents se trouvaient derrière ce grand miroir, qui ne me donnait pas accès au reste. Ils avaient tout entendus, pour la première fois.
- En effet, nous avons plus de détails, maintenant. Qu'est-ce qu'ils t'ont fait les six jours suivant.
Là aussi, je n'avais pas envie d'en parler, car je n'en avais jamais parlé. Je n'avais jamais abordé ce sujet, ni même avec mes parents, les policiers, ou encore Anna. J'ai vécu sept jours d'enfer, mais il fallait que je parle.
- Eh bien... Quand je me suis réveillé, j'étais dans une cave, humide, rongé par la moisissure, attaché à quelque chose. À chaque fois qu'ils descendaient dans la cave, ils portaient le même masque qu'avant. La plupart du temps, ils descendaient le matin, tôt, et redescendaient le soir, assez tard. Les deux premiers jours, ils n'ont rien fait. Ils restaient juste plantés devant moi pendant cinq bonnes minutes, et remontaient. Bien évidemment, j'ai essayé de m'évader, par tous les moyens. Mais c'était impossible.
Je pris une grande inspiration, et essuyai les larmes qui continuaient à couler. Il fallait que je dise la suite, même si James était là, et même si mes parents m'entendaient.
- C'est à partir du troisième jour que tout a bousculé. Le soir, ils m'ont dénudé, de force. Je ne pouvais rien faire, j'étais trop faible. Ils ne m'avaient pas nourri depuis deux jours, seulement donner de l'eau. Je dormais très peu les nuits, trop effrayé à l'idée qu'ils descendent. À partir de ce soir-là, ils m'ont violé. Les deux m'ont violé, cinq fois au total. Tous les soirs, ainsi qu'un matin. Ces connards me violaient. Je ne pouvais rien faire. Ils ne parlaient pas, se contentaient de faire ce qu'ils avaient à faire, avant de remonter.
Des sanglots essayaient de sortir de ma bouche, mais je les retenais, tant bien que mal. Je repris une dernière respiration, avant de reprendre.
- Un matin, ils m'ont assommé, encore. Et je me suis réveillé, dans un lit d'hôpital. Je n'ai rien voulu dire à mes parents de ce qui c'était passé, car j'avais honte, mais aussi, car j'essayai de reprendre une vie assez normale. Mais maintenant, j'imagine qu'ils savent tout.
Je baissai la tête, honteux. Le policier ferma l'ordinateur dans lequel il avait tout écrit, et la femme rangea ses affaires, sans faire un bruit.
- Vous pouvez maintenant rentrer chez vous, monsieur Pearson. Nous allons travailler durement sur l'enquête, pour retrouver vos ravisseurs. Vous êtes quelqu'un de fort, Adam. Sachez-le.
Je levai la tête en direction du policier, qui commençait à ouvrir la porte.
- Attendez.
La femme et lui se retournèrent vers moi. Je devais avoir les yeux rouge sang tellement j'avais pleuré. Je tremblai encore, à cause de tout ce que j'avais dit. J'avais l'impression d'avoir revécu cette nuit d'horreur.
- Vous pensez que ce sont eux, pas vrai ? Le meurtre de l'adolescent, ce sont aussi eux ?
La femme baissa les yeux, en signe de réponse, avant de sortir de la salle. Quand je me retrouvai seul dans cette dernière, James posa ses mains sur mes épaules. Je fermai les yeux, et me levai avec difficulté de mon siège, avant de venir blottir ma tête contre son cou, versant le peu de larmes qui me restaient.

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Garde du corps [BXB]
RomanceTout semble aller pour le mieux dans la petite vie d'Adam, 17 ans, jeune adolescent dynamique, aimé par ses parents, et par le peu d'amis qu'il possède. Jusqu'au soir où sa vie d'adolescent normal bascule dans l'enfer, lorsque ce dernier est kidnapp...