Chapitre 21

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Andrew. Andrew Preston. Pendant plus d'une minute, je n'arrête pas de lire ce prénom, suivi de ce nom. Mes yeux s'attardent aussi sur la date, à côté. 1998-2017. Cette année, il aurait eu vingt ans. Il m'avait toujours parlé de la peur d'atteindre la vingtaine. Selon lui, dix-huit, nous étions toujours des gamins. Mais à partir de vingt ans, nous sommes adulte. Nous avons des problèmes, des responsabilités. Il en avait peur.

Je me sentais assez coupable, de ne pas avoir amené des fleurs. Pour moi, venir sur la tombe de quelqu'un, la moindre des choses est de ramener un petit bouquet de fleurs, pour prouver à la personne que nous l'oublions pas, et que même si elle n'est plus là, elle garde toujours une place importante dans notre cœur. Même si Andrew nous a quittés, il y a presqu'un an, il a toujours une place importante en moi. Il reste, et restera toujours mon meilleur ami.

Je me rappellerai toujours de cette soirée-là. Cette soirée où tout a bousculé. Juste un appel, pour que je m'effondre en larmes. Juste un appel nous annonçant la mort d'Andrew, qui m'a totalement brisé. Quelques mois après, je replongeai dans l'horreur, avec le kidnapping. Peut-être que Dieu ne me voulait pas heureux. Peut-être voulait-il que je rejoigne mon ami.

Cela faisait une dizaine de minutes que je me tenais, droit comme un pic, devant la tombe. Le vent s'était levé, mais le froid ne me dérangeait pas. Ca faisait longtemps que je ne lui avais pas rendu visite, avec tout ce qui a pu se passer, j'étais débordé, et je n'avais pas la force de sortir de chez moi. C'est vrai que, d'un côté, en ce moment même, j'avais peur. J'étais seul, dans un cimetière immense, avec aucune personne autour de moi. J'étais seul, dans un cimetière immense, avec aucune personne autour de moi. Sauf Andrew.

Tout à coup, je sentis une présence, derrière moi. Et il ne me fallut pas plus de quelques secondes, pour me rendre compte qu'il s'agissait de James. Son parfum vint me titiller les narines. À écouter les sons de ses chaussures sur le gravier, il se tenait à même pas un mètre de moi, derrière. Il ne parlait pas. Je n'avais pas envie de lui parler, non plus. Mais j'en avais le besoin.

- Tu as mis une puce sur mon téléphone pour me retrouver, c'est ça ?

Il mit quelques secondes à répondre, comme à son habitude. Et s'il avait fait ça ? Non, c'est certes, mon garde du corps, mais pas à ce point-là.

- Tout simplement la géolocalisation de ton téléphone.

Je hochai simplement la tête, sans en dire plus. Je me demandai ce que Jordan avait pu dire à ses collègues, quand je suis parti en furie de l'appartement. De plus, je ne savais même pas qu'il était pompier. Avec sa carrure, tout s'explique désormais.

Je continuai à regarder droit devant moi, sans même que James ne pose une question. Il restait là où il était. Je savais qu'au fond, il voulait savoir ce que je faisais seul, dans un cimetière, en fin d'après-midi, alors que deux malades mentaux sont à mes trousses. C'est vrai que dit comme ça, ça fou les jetons.

- La tombe que tu vois, c'est celle d'Andrew. Si je te dis son nom, bien sûr, tu ne dois pas connaître. C'était mon meilleur ami. Un ami qui me soutenait, qui était toujours là pour moi. J'ai fait les quatre cent coups, avec lui. Il était comme mon frère. Comme mon grand-frère, car il était âgé de deux ans de plus que moi. Mes parents l'aimaient beaucoup, aussi. Ce fut la toute première personne a qui j'ai dit que j'étais homosexuel. Sa seule réaction : je t'emmène dans une boîte gay dès ce soir, et on va te trouver quelqu'un.

Sans même m'en rendre compte, j'avais des larmes qui coulaient le long de mes joues, et des petits rires sortaient de ma bouche. Le soir où nous sommes sortis en boite, pour me trouver quelqu'un, il s'est battu, car un homme s'était mis à me toucher de partout. Andrew a vu ma détresse, et est venu à mon secours. Il s'en est voulu pendant des semaines, de m'avoir emmené dans ce club. Mais je savais qu'il avait ça pour moi, pour mon bien.

- Puis un soir, le téléphone a sonné. Je m'étais engueulé avec lui, dans l'après-midi. À cause d'une simple histoire de bouteille d'alcool. Nous avions une soirée le soir même, et il ne voulait pas m'aider à payer une bouteille. Une putain de bouteille. Nous nous sommes engueulés, et j'avais raccroché en lui disant que je ne voulais plus entendre parler de lui. Il m'avait vraiment mal parlé. Il m'avait dit que j'étais qu'un con. Mais surtout, il avait employé le mot "pédé". Sale pédé. Et c'est là que j'ai vrillé, totalement. 

Garde du corps [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant