Chapitre 23

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Le vent froid me tapa le visage, depuis maintenant plusieurs heures, mais je n'en prêtai pas attention. La nuit était déjà tombée, mais je n'en prêtais pas attention. J'étais seul, vers un endroit assez isolé, mais je n'en prêtais pas attention. Je ne bougeai pas mon regard de la rivière, ce dernier étant comme aspiré par les multitudes de gouttes d'eau qui se trouvaient devant moi.

Lorsque James est rentré de son rendez-vous, l'air dépité, j'ai tout de suite compris. Mon père avait bel et bien appelé sa patronne, et lui avait fait part de la relation que j'entretenais avec mon garde du corps. J'ai appris que cela était conformément interdit, et que cela méritait la sentence la plus horrible pour moi : le renvoi.

Sur le coup, je ne savais pas quoi dire. Je l'ai regardé, les larmes aux yeux, avant de quitter la chambre. Il ne m'a même pas retenu. Je suis resté toute l'après-midi vers ce cour d'eau, sans rien faire. Mon téléphone a vibré de nombreuses fois pendant toute la journée, mais je ne l'ai jamais déverrouillé. Je savais que les appels étaient mélangés entre James, mes parents, et peut-être Anna. Je n'avais pas la force de répondre.

Qu'est-ce que j'allais faire sans lui ? C'est la question que je me suis répétée pendant des heures. J'ai essayé de trouver des solutions : nous pourrions quand même se voir après les cours, pendant ses temps-libres. Je pourrai passer quelques week-ends avec lui, dans son appartement. On pourrait quand même former un couple, mais si nous ne serions plus ensemble tous les jours. Puis la dure réalité m'a frappé. Il n'est pas né ici, à Seattle. Il est né dans le Colorado, et irait sûrement revoir ses proches là-bas, pour recommencer de zéro, et commencer sa carrière de médecin.

Un petit monde qui s'écroule autour de moi. Entre mes parents, lui, et mes ravisseurs, rien n'allait. Absolument rien. Des idées noires m'avaient même traversé l'esprit, durant la journée. Tout arrêté, là, maintenant. Arrêter de me battre. Arrêter d'essayer de reprendre une vie normale. Tout abandonner, et se sentir mieux loin de tout. J'aurais pu me rendre chez moi, et prendre l'arme de mon père. J'aurais pu aller acheter des médicaments, et les avaler un à un, jusqu'à que la mort ne m'emporte. J'aurais pu prendre une corde, et tout arrêter sur la branche d'un arbre. Mais je n'ai pas pu.

Je n'ai pas pu car j'ai pensé à mes deux kidnappeurs. La joie qu'ils auraient eue. Leur proie se serait suicidée, car n'aurait pas supporter la pression. Je ne pouvais pas faire ça. J'ai aussi pensé à Anna. Elle a toujours été là pour moi, s'est battue à mes côtés. Pourquoi devrais-je lui infliger ça ? Mais j'ai surtout pensé à James. Même si notre couple devait s'arrêter, il m'a promis de toujours rester là. Il me l'a promis. Et je le crois.

La nuit commençait sérieusement à me rendre nostalgique, et je ressentais désormais le besoin de rentrer, et de passer mes derniers instants avec mon petit-ami. Il ne m'avait pas dit quand il partirait, mais ça ne serait que tarder. D'ici une semaine, il ne sera plus là, pour veiller sur moi. Il sera loin, et ne pensera peut-être déjà plus à moi. 

Sur mes mots, je commençai à me relever, quand une voiture apparut au loin, et se dirigea vers moi. Là, où j'étais assis était dans un coin assez reculé, et personne ne venait ici d'habitude. Je pensais tout d'abord à James, qui m'aurait retrouvé grâce à ma géolocalisation, mais la voiture qui se dessinait de plus en plus n'étais pas une range rover noir. Mes parents ne possédaient pas cette voiture, et Anna non plus. Mon cœur commençait à battre de plus en plus vite.

À quelques mètres de moi, la voiture s'arrêta. La personne au volant éteignit les phares, et je n'arrivai toujours pas à distinguer qui s'y trouvait. L'individu mit quelques secondes avant de descendre. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour reconnaître cette tête. Cette tête qui, d'un côté, me rassura, mais qui me donnait aussi envie de courir loin d'ici.

- Enfin, je te trouve. Ça fait des heures que je tourne en rond.

Sa voix était grave, et je pouvais sentir qu'il était énervé. Mais moi aussi, je l'étais. Je répondis alors sèchement, sans trop lui donner de l'importance.

- Tu n'avais pas qu'à me chercher, Jordan.

Ce dernier se mit à rire, nerveusement, et posai son fessier sur le capot de sa voiture. Je me tenais toujours debout, face à lui, pour lui prouver qu'il ne me faisait pas peur. Même si je n'avais pas envie de cette discussion, je savais qu'au fond, elle pourrait me fixer une bonne fois pour toute.

- Le message d'Anna m'a prouvé que tu m'en voulais beaucoup. Je cherchais alors à comprendre pourquoi ?

Ce fut à mon tour de rigoler nerveusement. J'avais l'impression qu'il cherchait une petite raison pour que nous nous énervions l'un contre l'autre.

- On a déjà eu cette conversation, il n'y a même pas 24 heures.

- J'essayai juste de comprendre. Je n'ai pas l'habitude de courir après des gens, donc ça m'énerve encore plus d'être ici, alors tu vas me donner des explications.

- Je t'ai demandé de venir ici ? Non. Je t'ai demandé de me courir après ? Non. Je t'ai simplement dit que je ne voulais plus de nouvelles de toi, mais là, c'est toi qui te ramènes, et qui cherche les embrouilles.

Le ton commençait à monter, et Jordan se fit craquer les doigts, sous le coup de l'énervement. Même de loin, je pouvais voir sa mâchoire se serrer, signe d'énervement. Même si je faisais comme ci, il ne me faisait pas peur, c'est vrai qu'au fond, j'avais peur qu'il s'emporte.

- Je ne t'ai pas donné de nouvelles pendant deux semaines, il est où le problème ?!

- Le putain de problème, c'est que tu promets des trucs, et tu ne les tiens pas ! Tu sais très bien ce qui s'est passé ces semaines dernières, ose me dire que tu n'as jamais écouté les informations ! Où peut être étais, tu trop occuper à te gratter les couilles au lieu de faire quelque chose de ta vie.

- Je te demande pardon ?

Il décolla ses fesses de sa voiture, et s'approcha de moi, lentement. Il était rouge de colère. Mais là, j'avais besoin de tout relâcher, et lui montrer qu'il m'a fait beaucoup de mal. Même si je ne le connais pas beaucoup, dire des choses, et ne pas les tenir, ça fait mal.

- Me gratter les couilles ? Je suis occupé, Adam ! J'ai un travail, et en plus de ça, je suis bénévole en tant que pompier ! Alors désolé si je n'ai pas pris des nouvelles, mais à ce que je sache, je ne te dois rien, ni en noir, ni en blanc.

Sans même m'en rendre compte, je m'approchai de lui, à mon tour. Je ne savais pas d'où je prenais cette assurance, mais je ne me reconnaissais pas.

- Alors tu les expliques comment tes paroles : je veux être comme un grand frère pour toi, Adam.

Il me regarda droit dans les yeux, sans détourner son regard d'une demie-seconde.

- J'avais quelques verres dans le nez, on peut dire des choses stupides, sous l'emprise de l'alcool.

J'avais envie de le frapper, de lui cracher dessus. Mais j'avais aussi envie de m'insulter : avoir fait confiance à un type comme ça. Il n'en valait même pas la peine, même pas la peine d'être regardé. Il m'a fait plus de mal qu'il m'a fait de bien, et n'a pas été présent pour moi. C'est une ordure.

- Va bien te faire foutre, Jordan.

Je le bousculai, et partis dans la direction opposé de ce dernier. Au début, il ne dit rien. Il restait là où il était, et je me faisais souffrir pour garder au maximum les larmes qui voulaient passer la barrière de mes paupières. Puis, au bout de quelques secondes, j'entendis ses pas se diriger vers moi.

- Je voulais vraiment compter pour toi, Adam.

Je ne voulais pas le répondre, et lui fis simplement un doigt d'honneur comme réponse. Je l'entendis s'arrêter, pour repartir de plus belle. N'allait-il pas me laisser ?

- Adam, vraiment. C'est stupide ce que j'ai dit. Même si j'avais quelques verres dans le nez, je l'ai dit sincèrement. Certes, je n'ai pas été là pour toi, quand tu en avais besoin, mais j'allais prendre de tes nouvelles, je te le promets... 

Toujours aucune réponse. Je me contentai de marcher, malgré le peu de luminosité qui éclairait mon chemin. Il était toujours derrière moi, et d'un seul coup, je l'entendis s'arrêter.

- Mon père est décédé, Adam.

Ce fut à mon tour de m'arrêter, mais tout d'abord, je ne lui fis face. Ses mots retentissaient dans ma tête, sans même s'arrêter. Il reprit, quelques secondes après.

- Il est décédé, le lendemain de notre soirée, avec Anna. Il a eu un accident. Quand j'ai appris pour tes kidnappeurs, je n'ai pas eu la force de t'envoyer un message, mais je suis passé à l'église. J'ai brûlé un cierge pour ma mère, mon père qui l'avait rejoint, et pour toi. Même s'ils ne te connaissaient pas, et même si ça peut paraître stupide, je leur ai demandé de veiller sur toi. Quand je t'ai vu à l'appartement de ta grand-mère, j'étais content, vraiment. Mais mon enthousiasme n'était pas partagé, et c'est ce qui m'a fortement blessé. Même si j'ai été un con..

- C'est moi qui ai été un con, Jordan.

Je retournai les talons, pour lui faire face. Je le voyais assez pour distinguer quelques gouttes qui roulaient le long de ses joues. Je me sentais stupide. Je n'avais même pas cherché à comprendre, que je lui avais pris la tête.

- J'aurais dû chercher à comprendre pourquoi je n'ai pas eu de tes nouvelles. À l'inverse, je t'ai pris pour cible, et je t'ai parlé comme un chien. Si j'ai agis comme ça, c'est parce que je m'étais attaché à toi, et tes promesses m'avaient fait du bien..

- Et c'est pour ça que je ne veux plus te faire de promesses, pour ne pas te faire souffrir. Ce n'est pas mon but.

Il s'approcha de moi, et me prit dans ses bras. Au début, j'étais réticent, mais me laissais entraîner par la suite. Au moins un problème de résolu.

- Mais tu peux toujours compter sur moi. Je vais aller voir Anna, pour m'expliquer aussi, et tous les trois, nous pourrons repartir sur de bonnes bases. Je te ramène quelque part ?

- Non, je préfère rentrer à pied, mais merci.

Il secoua la tête, comme signe de réponse, et il m'ébouriffa les cheveux. Il repartit par la suite en direction de sa voiture.

- Au fait Jordan.. Désolé pour ton père.

Il me fit un signe de loin, et monta dans sa voiture. Il repartit en direction de la grande route, me laissant seul en plein milieu d'un chemin. Au fond, je me sentais bien, désormais. Du moins, assez bien. L'histoire avec Jordan m'avait énormément touché, et savoir que tout est plus ou moins rentré dans l'ordre, cela me fait beaucoup de bien.

J'avais conscience qu'en rentrant à l'hôtel, j'aurais une discussion avec James, concernant le futur. J'imaginai déjà ses valises sur le lit, et lui assis sur le lit. Mais ça, se fut avant que quelqu'un ne me prenne par-derrière, me couvrant la bouche avec ses mains, gantées. Je n'arrivai pas à crier, tellement ce dernier serrait fort sur ma gorge. Puis trou noir. 

Garde du corps [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant