Pourquoi t'es partis ?

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Pourquoi t'es partis ?

Il se répétait cette question depuis déjà un mois. Un mois de larmes, un mois de solitude, un mois de souffrance. Un mois de mutisme, de poings en sang à force de frapper dans les murs et dans les arbres. Un mois de non-vie. Pendant un mois il avait regardé son nom gravé sur la pierre chaque matin. Pendant un mois il s'était forcé à manger et à boire. Pendant un mois il avait déambulé comme un robot à travers le camp. Pendant un mois il avait séché ses lames avant de remouiller ses joues presque aussitôt.

Mais putain pourquoi t'es partis ?

Il frappe dans l'arbre derrière lui. Encore et encore. Jusqu'au moment où le sang apparaîtra sur ses mains. Ce n'est pas nouveau cette douleur. Il l'a connaît bien maintenant. Il est habitué à souffrir. C'est devenue sa routine. Il frappe encore une fois, une douleur aiguë se répandant dans son corp. Mais elle n'est pas pire que celle qui martyrise son coeur depuis un mois.

Pourquoi t'es partis ? Pourquoi tu m'as laissé ? Je suis rien moi sans toi, alors pourquoi t'es partis ?

Les souvenirs revenaient les uns après les autres, toujours plus violent, toujours plus précieux, toujours plus fort.
Ses cheveux blond en désordre, ses yeux sombres, son sourire charmeur, ses grandes mains, son corps fin et musclé. Son boitillement. Son rire. Sa façon de parler.
Et les veines bleu qui sont venus gâcher sa beauté et ses pensées. Qui sont apparues sur son bras. Son cou. Son visage. Ses yeux qui se sont assombris à en devenir noir.
Avant de s'éteindrent.

Pourquoi tu m'as laissé Newt ? Putain, pourquoi ?

Ses poings étaient en sang. Le tronc de l'arbre était devenu rouge. Mais ça lui faisait du bien. Ça lui coupait ses idées. Il s'empêchait de penser pour ne pas raviver sa peine. Il s'empêchait de rester plus d'une minute sans rien faire, de peur de le voir surgir de nouveau dans sa tête. Mais rien n'y faisait, il le voyait sans arrêt. En train de fixer la mer appuyé contre un rocher. En train de rigoler avec Minho. En train d'aider Frypan à la cuisine. En train de le regarder avec un grand sourire, lui disant à quel point il est heureux d'être là. C'était ça le plus dur. Imaginer un monde où il serait encore vivant. Un monde où il serait définitivement heureux.
Il se retourna et se laissa glisser le long de l'arbre, ses jambes le lâchant. Il tomba, les genoux repliés contre son torse, la tête ballante reposant contre le tronc couvert de sang.

- Pourquoi t'es partis ...

Sa voix n'était plus qu'un soupire. Il était épuisé. Moralement et physiquement. Il était à bout. Tout comme lui l'avait été au moment où le couteau c'était enfoncé dans sa chaire. Au moment où ses yeux s'étaient éteint. Au moment où il avait prononcé son dernier mot, un faible "Tommy". Il sentait encore son coeur se briser en le voyant tomber à ses pieds. Il sentait encore les larmes qui lui brûlait les yeux mais qui refusait de couler. Il voyait encore sa vision devenir flou. Il entendait encore le son devenir un faible bourdonnement.
Tout revenait à la surface. Les pires comme les bons moments. 

"NE ME MENS PAS"

Ça faisait mal. Bordel que ça faisait mal. Il le revoyait encore le plaquer contre le mur, la haine se lisant dans ses yeux noirs. Il le sentait encore maintenir son col fermement avant de le relâcher et de partir en s'excusant, le regard hagard et perdu. Il se voyait encore le rejoindre au bord de cet immeuble. C'était à ce moment là que Newt lui avait avoué sa tentative de suicide et en même temps sa contagion.
Il sentait encore son coeur s'effondrer en voyant les veines courir sur son avant bras.
Et il s'entendait encore lui faire la promesse qu'il le sauverait.

L'image de Newt dans son débardeur orange apparut alors dans son esprit. Il s'autorisa un sourire. Un sourire de nostalgie. Le seul véritable sourire qu'il ait esquissé depuis un mois.
Le bloc lui manquait. Les moments avec Newt là-bas lui manquait. Sa vie d'avant lui manquait.
Le moment où Newt l'avait nommé coureur. Celui où il l'avait sauvé de Ben. Ou encore celui du feu de camp.
A ce souvenir, une larme roula sur sa joue. Il ne prit même pas la peine de l'essuyer, la laissant tracer un sillon d'eau salé sur son visage.
Newt qui le défendait devant Gally. Newt qui disait qu'ils avaient tout essayés pour s'échapper. Et Newt qui lui serrait la main, lors de son arrivée au bloc.
Un Newt souriant, joyeux, qui plaisantait avec lui. Un Newt affectueux et protecteur. Un Newt qui lui avait donné un surnom. Son surnom.

"Tommy"

Il voulait se souvenir de chaque fois où Newt avait prononcé son surnom. De toutes les fois où il lui avait souris, remercié, soutenus. Il voulait encore voir la forme que prenait les lèvres du blond quand elle formait le mot "Tommy". Il voulait entendre sa voix, son rire, même ses cris.
Il avait besoin de lui.
Une autre larme coula. Suivie de plein d'autres.
Il pleurait comme il n'avait encore jamais pleuré.
Et comme à chaque fois où il craquait, sa main s'aventurait dans la poche de son jean pour en sortir une feuille de papier froissée. Il connaissait par coeur ce qui était écrit dessus. Chaque mots. Chaque virgules. Et heureusement d'ailleurs, car ses larmes avaient dilués une bonne partie de l'encre. Son regard s'attardait à chaque fois sur sa signature, tout en bas de la feuille. Il ne lui restait plus que ça de lui. C'était le dernier souvenir concret qu'il ait pu garder.

"Cher Thomas"

C'était dur, beaucoup trop dur. C'était beau aussi. Écrit avec le coeur. C'était Newt. Tout simplement Newt. Beau et dur à la fois.
Et bon dieu qu'il regrettait. Il regrettait tout. En particulier son baiser avec Teresa. Il aurait tout donné pour que ce soit Newt plutôt qu'elle.
Il aurait tout donné pour que Brenda amène le remède plus rapidement.
Il aurait tout donné pour que Newt soit encore en vie et qu'il soit à ses côtés à cet instant.
Il regrettait tout.
Il n'avait même pas pu lui dire au revoir. Il n'avait même pas pu lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur. Il n'avait même pas pu lui donner une dernière étreinte.
Il n'avait même pas pu ramener son corp.
Il replia la lettre d'un geste rageur et enfonça sa tête dans ses mains.
Il n'en pouvait plu. C'était trop difficile de vivre sans lui, sans son sourire, sans ses blagues à deux balles, sans son accent anglais, sans ses "Tommy".

- Pourquoi t'es partis ? T'étais ma raison de vivre et t'es partis !

Sa voix était rauque. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas parlé. Il s'était muré dans le silence et dans la solitude. Il ne vivait plus. Il n'était plus qu'un pantin désarticulé sans aucun but dans la vie. Il savait que ses amis s'inquiétaient. Il savait qu'ils se faisaient tous du soucis pour lui, mais il n'en avait rien à faire. Lui, il voulait Newt. Juste Newt.
C'était certainement égoïste de sa part. Lui qui était encore en vie grâce à ses amis. Lui qui avait vu plusieurs personnes se sacrifier pour qu'il vive. Mais voilà, celui qu'il voulait plus que tout n'était pas là. Celui qui lui manquerait à tout jamais. Celui que personne ne pourra jamais remplacer. Pas même Teresa. Pas même Brenda.
Il avait comprit beaucoup de choses. Mais il les avaient compris trop tard. Bien trop tard.
Le sang qui est sur le tronc de l'arbre coule sur son dos, mais il s'en fout. Qu'est ce qu'un peu de sang sur un t-shirt quand on a perdu la personne la plus importante à notre vie ?

- Je t'aimais moi putain ...

Il ne savais même pas à qui il s'adressait, mais tant pis. Personne n'était là pour le lui faire remarquer.

- Je t'aimais ...

Trop tard. Il s'en était rendu compte trop tard. Il ne pouvait plus rien faire, c'était irréversible. Il ne pouvait plus rien faire à part se raccrocher à ses souvenirs. Il savait qu'il ne ferait jamais complètement le deuil. Il savait que ce premier mois n'était qu'une entrée en matière de ce qu'il allait vivre. Il savait que ça allait être encore plus dur par la suite. Il savait aussi ce que Newt lui aurait répondut si il lui avait dit "je t'aime" alors qu'il était encore en vie.
"Moi aussi Tommy"
Thomas redresse la tête et regarde l'horizon, des larmes coulant encore sur ses joues. Ses yeux se sont perdus dans l'immensité qui s'étend devant lui.
Tout comme ils se sont perdus dans les yeux de Newt la première fois qu'il l'a vu. Et cette question reviens encore une fois. Toujours plus vive. Toujours plus forte.

Pourquoi t'es partis ?

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