28. Aqualung and Lucy Schwartz, Cold

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   Le regard de Valéry s'égare. Ses lèvres se dissocient. Son poul, lui, est soudain indissociable. Il détourne les yeux du vide et regarde Roland, par-dessus ses épaules.

- Valéry ? Appelle la femme, de l'autre côté de la ligne.

- Je suis encore là, répond Valéry encore perdu.

- Mon chéri, j'ai eu le tribunal juridique, ainsi que la police. Ton père a été arrêté ce matin. Il a été vu en train de te faire du mal, en présence d'un témoin, et interpellé pour violence. Le tribunal a besoin de ton témoignage. Il ne pourra plus te faire de mal, mon chéri. Cette fois il va être mis en prison pour de bon.

   La respiration du jeune homme s'accentue. Les battements de son cœur reviennent en boucle à ses oreilles.

- Pourquoi est-ce que tu appelles ?

- Mon chéri... tremble la femme, surprise par la réaction de son fils.

- Tu es partie quand j'étais petit et tu m'as laissé avec mon père. Tu nous as abandonné ! Tu l'as laissé me frapper, tu... Tu as juste fermé les yeux ! Alors pourquoi tu appelles ? Pourquoi maintenant ?

   Le tonde Valéry devient colérique lorsqu'il crie presque ses derniers mots. Roland s'avance vers lui et pose sa main gauche sur l'épaule tremblante du garçon. Un silence résonne.

- C'est toi le témoin, n'est-ce pas ? Reprend-t-il.

- Oui...

- A quoi bon ? Tu n'as jamais été témoin de quoi que ce soit ! Tu es juste partie.

- Valéry, s'il-te-plaît. Je ne suis peut-être pas la mère parfaite mais je suis partie en pensant te protéger.

- Me protéger ? Crie Valéry, en me laissant seul avec un homme aussi violent ?

- À l'époque il l'était avec moi. Il te frappait parce qu'il était en colère contre moi, pleure la femme. J'ai cru qu'en partant, tout irait mieux.

- Tu aurais pu me prendre avec toi ! Et puis, tu avais tout le temps de te rattraper. Pourquoi maintenant ? Tu as eu douze ans pour venir. Alors pourquoi maintenant ? Tu sais combien de temps je t'ai attendue ? Combien de temps j'ai espéré que tu me sauves ? Maintenant c'est trop tard. Ironique, non ? Les actes qu'on croit les plus justes sont souvent les plus monstrueux.

   Une larme tombe de ses yeux. Cette même larme qu'il a contenu pour le jour des retrouvailles avec sa mère. Maintenant qu'il est face à ce jour, cette larme s'écoule sur sa joue. Mais les retrouvailles ne sont pas celles qu'il avait rêvé. Elle sont plus dures. Plus éprouvantes. Il rattrape la larme au coin de sa bouche, du bout de la langue et inspire, dans un bruit assourdi par le chagrin.

- La police devrait aussi s'intéresser aux violences faites par la mère.

- Valéry, je t'en prie. Je sais que, comme moi, tu veux ton père derrière les barreaux.

- Je viendrai. Mais je ne le fais pas pour toi. Je ne veux pas te voir.


   Valéry repose son téléphone sur la petite table. Il se laisse tomber sur le lit. Roland vient s'asseoir à ses côtés. Il contemple les larmes de Valéry tomber une à une, en silence. Il prend le temps d'écouter ses sanglots. Tout deux restent ainsi, sans s'adresser un mot. Pas même un regard. Juste présents l'un pour l'autre.



Le miroir des sièclesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant