24. Sleeping At Last, Light

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   Valéry s'assied sur son lit. Il regarde Roland, allongé sur le sien, du coin de l'œil. Ce dernier paraît serein. Ses paupières sont closes. Le creux d'un sourire semble vouloir redessiner ses lèvres. Il respire paisiblement. Valéry avait peur de l'avoir enlevé à une vie agréable à Paris, mais il se rend compte que le jeune homme arbore un air heureux. Peut-être était-il aussi triste avec sa tante que lui l'était avec son père.

   Valéry se redresse et ramène ses jambes contre son torse. Il entoure ses genoux de ses bras. Il se mord les lèvres, pensif. Puis il repose son regard sur Roland. Après tout ce que son père lui a appris, crié et ancré dans la tête, il se sent monstrueux de regarder ce garçon. Ce geste inconnu lui est incontrôlable. Comme une dépendance à s'assurer d'une connexion visuelle avec lui. Une dépendance qui lui procure une sensation de bien-être. Pourtant cette attitude le rend malade, sans trop savoir pourquoi. Son cœur se comprime et se serre dans sa poitrine. La nausée lui ronge les boyaux. Son ventre se contracte de nœuds. Ses pensées s'emmêlent. À peine une pensée lui traverse l'esprit qu'elle est aussitôt détrônée par une autre. Il serre d'avantage ses mains, moites. Il essaye de reprendre un souffle aussi lent que possible mais le sang que pompe son cœur avec agitation est indomptable.

   Valéry se lève de son lit, sans épandre un bruit. Sur la pointe des pieds, il rejoint Roland. Il reste debout à le dévisager. Roland s'éveille. Il se tait, respirant au rythme de Valéry. La curiosité s'accroche à son souffle. Il attend un signe de sa part. Voyant la contenance qu'émet Valéry, il s'assied et afferme sa posture. L'aîné l'imite et lui fait face. Il croise les jambes sur le matelas.

- Je... commence-t-il.

« Serait-il possible que je... » se dit-il.

   Valéry élève ses mains vers le visage de Roland. Il touche sa peau du bout des doigts. Chaque parcelle de sa peau frissonne. L'extrémité de ses phalanges goûte à la délectation d'effleurer la douceur de son écorce. Il entrouvre ses lèvres et laisse ses yeux s'assoupir.

- Je veux juste...

« Le pourrais-je ? Une fois seulement ? Si je dois connaître ce qu'est être un monstre, alors juste une fois. Juste aujourd'hui. Que mes maux se taisent, juste cette fois. »

- Est-ce que je...

« Est-ce que je le peux ? Te laisserais-tu faire ? Pourquoi cette envie me prend soudain ? Pourquoi le monstre s'empare-t-il de moi ? »

- Peux... Sans peur...

« Assouvir ma luxure et laisser le monstre me contrôler, me posséder. »

   Valéry rapproche son visage de celui de Roland. Attiré au sien. Il n'a pas l'assurance de se défaire de la puissance de son aimant.

   Valéry regarde une dernière fois les yeux de Roland. Il prend alors le choix de la concupiscence.

   Il s'abandonne.

   La vue le délaisse et ses paupières capitulent. Ses lèvres frôlent celles de son aimant. Un frémissement parcourt son être. Le battement de son cœur qui palpite, fait écho dans sa tête. Un vertige lui murmure aux oreilles. L'émoi s'empare de lui. Il goûte pour la première fois au plaisir de la chair. Valéry resserre l'étreinte de leurs lèvres, avec maladresse. Dans la délicatesse d'un baiser, leurs deux corps s'allongent. Roland dépose ses mains le long de ses jambes et s'appuie de ses coudes contre le matelas. Il laisse Valéry le couronner.


   Assis sur lui, Valéry le délaisse soudain. Il se retire de sur Roland tout en essuyant ses lèvres sur son poignet. Haletant, il se dégage de sa posture et s'assied au bout du lit. Il se hâte à s'éloigner le plus possible de Roland. Encore essoufflé, le revers de la main devant la bouche, il détourne son regard du jeune homme.

- Je suis désolé, souffle-t-il.

« Pourquoi le monstre me contrôle-t-il ? Pourquoi l'ais-je laissé faire ? Mon père avait raison. Je suis malade. » panique-t-il.

- Je suis désolé, répète-t-il à voix haute.

   Ses mains tremblent sous l'émotion.


   Roland suffoque. Ses narines n'arrivent plus à contenir tout l'oxygène que le garçon inhale. Il se relève sèchement et quitte la pièce. La porte claque derrière lui.



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