Choc

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Il fallait juste que j'ai ce déclic, celui que me ferait me souvenir. Parce que c'est comme si cette soirée, cette journée d'horreur où j'ai trouvé le corps de Cyril n'avait pas existé. C'est comme si, là, alors que je parlais avec Max, tout s'était déclenché. Par petits flash dans ma tête et maintenant je comprends, je comprends pourquoi ils avaient mal de m'entendre parler de Cyril comme si rien n'était arriver. Pourquoi Théo m'avait frapper, pourquoi Jordan m'en avait voulu. Pourquoi ils me parlaient plus. 

Pourquoi les messages restaient sans réponses. Et au fond, une partie de moi avait conscience qu'il n'était plus là, je savais que je n'aurais jamais de réponses. C'était inscrit au fond de ma tête, imprimé quelque part, il fallait juste que je l'admette. 

J'renifle, toujours dans les bras de Max. Il caresse mon dos, il m'apaise comme il peux, tandis que son coeur à lui reste brisé. Je tente de prendre la parole, mais alors que j'ouvre ma bouche, j'me résigne. A quoi ça sert ? C'est trop douloureux, ça fait si mal, tellement mal qu'aucuns mots ne pourraient rien changer. Alors il vaut mieux, attendre, laisser passer. Juste un temps, juste un peu, pour que tout ça redescende. Pour que nos larmes cessent et que nos mains ne tremblent plus. Pour que nos coeurs tentent de guérir. Rien ne peux faire plus mal que de se rendre compte de la mort. Se dire que ça y est, c'est terminé. Terminé. Cette sensation est affreuce, ce mal être profond me pique. 

Ma tête tourne, j'ai mal au coeur. Parce que, dès que je ferme les yeux, je revois Cyril dans cette foutue baignoire. Je revois son sourire, j'entends presque son rire, mais je vois ses poignets mutilé dans cette eau rouge. Et j'suis repris de sanglots. J'arrive plus à m'arrêter, j'peux plus. J'peux pas me dire que je n'le reverrais jamais. J'y arrive pas, il peut pas, il a pas le droit d'être mort, c'est.. C'est pas juste. Mais si il y avait une justice dans ce monde, ça se saurait, n'est-ce pas ? 

J'arrive pas à me calmer, et Max le remarque, lentement, il cesse de caresser mon dos pour passer sa main dans mes cheveux tandis que, au creux de mon oreil, il chuchote des choses, pour me rassurer, pour m'aider. Mais j'arrive pas à entendre, j'arrive pas à écouter. Parce que Cyril est mort. Mort. Mort. MORT. 

Il est mort. Je réalise que je suis en train de chuchoter ça depuis maintenant plusieurs minutes, parce que Maxime pose ses mains sur mes épaules puis m'écarte de lui. J'ai froid, maintenant. Il me regarde, infiniment peiné, infiniment désolé, infiniment brisé. Je veux retourner me loger tout contre lui, juste pour me sentir en sécurité, juste pour qu'il me rassure, pour qu'il continue à me bercer, qu'il caresse mon dos et qu'il me parle avec sa voix réconfortante. Mais alors que je vais pour le reprendre dans mes bras, il me repousse. 

J'm'apprête à lui demander pourquoi, à m'excuser, à dire un truc, n'importe quoi, mais c'est lui qui prend la parole. 

"-Tu sais, Valentin, tu dois continuer à vivre, tu dois continuer à sourire, à rire, à manger, boire, t'amuser, danser, chanter, rêver. Tu dois continuer à aimer, continuer à faire n'importe quoi, à parler, à t'exprimer. Valentin, ne te renferme pas sur toi même, ne te cache pas, si ça va pas, viens me voir, reste pas tout seul, ne reste jamais seul. N'oublie pas Cyril pour autant, dis toi qu'il a fait partie de ta vie, et que c'était fantastique. Respire, laisse le temps te guérir. La vie ne s'arrête que pour celui qui s'éteint, toi, tu es toujours là. Alors, par pitié, vis. Vis pour lui."

J'inspire profondément, prenant bien en compte tout ce qu'il vient de me dire, parce que, comme toujours, il a raison, mais c'est pas facile. C'est pas facile de vivre sans la personne qu'on a le plus aimé. C'est pas facile de sourire quand on est triste. Mais j'vais essayer. J'pense que au bout d'un moment, j'y arriverais, au moins pour Max. Et pour honorer la mémoire de Cyril. 

Je sèche mes larmes comme je peux, reniflant légèrement, puis j'me lève. 

"-Merci, Maxime.. 

-Mais Valentin attends, on n'a pas finit de discuter.. 

-Ben, c'était pas ça, la vérité ? 

-Si.. Si mais, tu veux pas en parler, comment tu te sens ?"

J'le regarde, un  peu blasé sûrement, mais comme j'veux pas être méchant, j'répond. 

"-Pas trop bien. J'ai connu mieux, Max. Je viens de pleurer vingts minutes sur ton épaule alors je.. Enfin tu vois.. 

-Alors attends, je reformule ma question, est-ce que tu te sens de rentrer chez toi ?"

Non, pas du tout, si je rentres chez moi je vais faire une connerie, c'est certain, c'est une évidence, malgré ce qu'il m'a dit, parce que j'ai beau essayer d'y mettre toute la volonté du monde, pour moi le deuil ne commence qu'à partir de maintenant alors forcément, c'est compliqué, donc j'répond : 

"-Ouais t'inquiètes pas Maxime, ça va aller."

C'est marrant, c'est comme si j'disais tout le contraire que c'que je pensais, mais j'veux pas embêter Maxime plus longtemps. 

"-T'es sûr hein ? Tu peux rester un peu, si tu veux.. 

 -Non, ça va aller, il est quelle heure ? 18h ? J'vais rentrer Max, t'en fais pas pour moi, si ça va pas je t'envois un message de tout façon. On fait comme ça ?"

Il me regarde un moment, avant de juger que je suis assez grand pour savoir ce que je fait, et il me laisse partir. J'vais pour lui faire une poignée de main, mais finalement, je le prend dans mes bras, une dernière fois, pour le remercier. Je l'embrasse sur la joue, et je m'en vais. 

Je marche dans les rues de Angers afin de retourner chez moi lorsque, une idée me traverse l'esprit. J'passe au Leclerc du coin, faire quelque courses. 

Quand j'rentre chez moi, j'me dépêche de me déssapper dans la salle de bain et me glisse sous l'eau brûlante de la douche. Là, seul sous le jet, j'me laisse aller. Mon coeur est lourd, bien sûr. Mais j'ai trop pleurer chez Maxime, alors je n'ai plus de larmes, et ça m'énerve, parce que j'ai l'impression de n'avoir pas de coeurs, incapable de verser ne serait-ce qu'une petite perle salée. Et ça me frustre alors que pourtant, ho, pourtant, si les larmes ne coulent plus, c'est parce que la douleur est trop grande. Lorsque je sors de la douche, le miroir est couvert de buée, tandis que mon corps est rouge. L'eau était vraiment chaude. C'est pas bon du tout pour le corps, et je suis tout ankylosé. Tellement que je peine à bouger, mais j'y parvient finalement. Je m'habille, enfin, j'enfile plutôt un pyjama, et je vais me poser devant la télé. 

Jusqu'à ce que le souvenir de mes achats me reviennent en tête, et que j'aille chercher la bouteille de vodka, acheté plus tôt. 

Ce soir, je trinque seul, avec le fantôme de Cyril, et mon deuil. 

HurtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant