Aimer le tien me tue

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Non, cette autre femme je ne la connaissais pas.
Elle ne pouvait être moi.
Ma filleule Darla me fit un dernier câlin avant de se faufiler dans les bras de sa mère, Carole, ma meilleure amie. Cette dernière devait s’occuper des derniers préparatifs du mariage de sa sœur pendant que je m’installai dans la chambre d’hôte. Demain ce sera le grand jour, tout le monde frôlait le paroxysme du plaisir mis à part moi. Le jour J, à moins d’un miracle ne serait pas un chapitre de ma vie. Pas que j’étais mal foutue bien au contraire j’étais trop bien équipée, un peu trop car j’attirais tous les hommes même ceux qu’il ne fallait pas.
Psychologue, j’offrais mes services dans divers établissements scolaires où j’aidais ces enfants à se reconstruire suite à un divorce de leurs parents ou à ne pas sombrer quand la marée haute envahissait leur demeure.

Quand à mon cabinet il était le confessionnal d’une pénurie d'hommes ayant eu le courage d’avouer et le refuge de ces dames trahies, blessées, anéanties. Oh oui, j’ai vu un nombre impressionnant de femmes faire couler leur mascara sans se soucier de ce qu’elles pouvaient ressembler sans. J’ai vu leur doute, leur perte de confiance, leur méfiance du sexe opposé et surtout je les ai vu prête à tout pour faire flotter ce Titanic coulé depuis bien des lustres. Ce qui m’avait toujours impressionné c'était leur rage commune contre l'autre. Peu importait l’âge, le niveau social ou l’éducation reçue la haine qu’elles avaient contre elle était la même.
Quand il m’arrivait de leur demander leur ressenti vis-à-vis d'elle, la rancune qu’elles déversaient dans leurs dires feraient piètre figure si l’on retournait la question à cet ange de Dieu chassé du ciel. L'insalubrité de leur âme n’avait d’égal, surtout qu’elles m’avaient comme pilier, je les encourageais de pied ferme à redresser la bride de leur mariage quitte à la faire souffrir et il a été facile pour elles de trouver des plans pour la détruire que faire des compromis pour sauver leur idylle.

Oh oui, j’ai vu des enfants retrouver leur joie de vivre, des couples se donner une nouvelle chance, mais également des navires toucher le fond pour ne jamais remonter la surface qu’importe les moyens utilisés. S'il y a une chose que je n’ai jamais vu c’était son état d’âme. Je ne m’en étais jamais soucié car elle ne pouvait être partie intégrante d’une inéquation. Son ressenti n’a jamais effleuré ma pensée jusqu’au jour où, au théâtre de ma vie, j’ai joué son rôle.
Vu le nombre de relations que j’ai rescapés des noyades, j’imagine que le nombre d’elles à en souffrir était tout aussi impressionnant. Car pour bien me faire comprendre leur univers, le metteur en scène de ma vie me confia le rôle le plus sadique qui puisse être. J’étais en première loge pour chacune des scènes.

J’ai toujours été une femme frivole je l’avoue. Les aventures d’une nuit étaient ma passion. D’ailleurs je ne voyais pas en quoi un mec pouvait m’être utile sinon à la détente jusqu’à ce que je tombe sur lui.

Un homme marié.

J’étais la psychologue de sa fille et elle m’aimait aussi fort qu’elle aimait le chocolat. J’étais la confidente de sa femme, sa conseillère dans ses crises matrimoniales. Pour faire simple j’étais la meilleure amie de sa femme et la marraine de sa fille.

Hypocrite
Pute
Sans vergogne
Traitre

Oui, je méritais tous ces qualificatifs et bien plus encore.

Comment ai-je fait ? 
Comment ai-je pu oser ?

Vous vous demandez comment, sachez que moi aussi je me le demande. J'ignore comment j'arrive à regarder Carole se plaindre de son couple pendant que je suis la cause de son malheur. Le pire c’est d’écouter la petite voix tremblante de Darla qui m’appelle en cachette lors des disputes pour me demander que faire car elle ne veut plus que son père quitte la maison.

À l'Ombre d'Une Pergola Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant