Partie 1Une femme.
Voilà ce que le miroir lui renvoyait.
Geneviève tournoya sur elle-même, et la pièce se mit à scintiller : sa robe pailletée, se confondait à sa silhouette. Telle une sirène, elle prit une profonde inspiration et traversa les coulisses. Son rêve caché, devenait réalité, et elle avait intérêt à ne pas flancher.
Elle s'assit devant le piano et s'aperçut qu'on lui permettait de jouer sur le merveilleux Bechstein pareil à celui sur lequel elle jouait à Paris. Ses partitions étaient posées sur le pupitre et elle réprima un frisson. Le point du non-retour. Si ses parents la voyaient, elle serait déjà bonne pour la pension. Ils ne voulaient pas d'une artiste sous leur toit. Et ils avaient tout à fait raison. Enfin sur certains points.
« En Haïti, on ne doit pas étudier pour le plaisir en sachant que ce que tu fais ne te rapportera rien ! » disait son père lorsqu'il avait appris que sa fille passait ses après-midi, après ses études en Comptabilité, devant un piano dans une petite salle à Paris.Mais elle ne s'en souciait pas. De retour en Haïti quelques mois plus tôt, elle ne pouvait plus retourner à Paris dû à quelques problèmes de papier que son père se battait à résoudre. Ce moment de répit forcé l'enchantait. Elle vivait un rêve.
Elle ferma les yeux et plaqua avec fougue les premiers accords de sa partition, tandis que les rideaux se levaient lentement. La douce mélodie enveloppa les invités et emplissait l'espace improvisé qui leur servait de théâtre. Geneviève se sentait heureuse. La musique l'emportait dans un univers où elle pouvait oublier ses chagrins, sa double vie, ses peurs. Elle jouait comme elle le faisait à Paris. Tandis que ses doigts couraient sur le clavier, ses propres peines s'évanouirent au son de cette o combien douce mélodie.
Elle ne se souvint de la présence du public que quelques secondes après avoir effleuré la dernière touche: elle avait laissé ses mains suspendues quelques secondes et les laissa tomber sur ses cuisses. Le public applaudissait, acclamait avec tant de frénésie qu'elle eut le souffle coupé. Elle ajusta son masque, et se leva tout sourire. On envoyait des roses sur la scène et elle les ramassait tout en veillant à ce que ces yeux restent cachés.
Pourquoi y tenait-elle autant ?
Ben tout simplement parce qu'il fallait vivre caché pour goûter à ne serait-ce qu'une infime partie du bonheur.
Le rêve.
Voilà ce qu'elle venait de vivre.Couchée dans son bain mousseux, Geneviève se servait une autre coupe de vin rouge avant de continuer à jouir de ce moment de plénitude. Elle ressassait les dernières heures en boucle dans sa tête. La vie pouvait être belle. Loin de ses parents, elle s'était installée, depuis sa venue, dans leur maison de vacances dans le sud, à deux (2) heures maximum de la capitale. Sa mère voulait l'y accompagner, mais elle avait catégoriquement refusé prétextant vouloir étudier, préparer son projet en paix. Non sans geindre, sa mère avait capitulé.
Sa route était toute tracée : être comptable, s’unir à l'un des prétendants que sa mère lui présenterait, et lui donner plein de petits enfants.
Une vie monotone, dénuée de sens.
Son téléphone sonna. Non sans se plaindre, elle sortit de l’eau, traversa la toilette, et courut vers le petit salon.
-Allô Mère. Comment vas-tu?
-Ma fille! Je vais très bien ! Tu n'as pas oublié notre dîner ? Je tiens à te présenter à quelqu'un.
-C'est qui encore ?
-Tu verras. Soit à l’heure, et soit chic. Bisous mon bébé.Et elle raccrocha.
Geneviève souffla. Encore un autre homme qu'il lui faudra supporter tout au long d’un dîner. Elle regarda le piano et s'assit sur le petit tabouret, nue. Les premières notes emplissèrent la pièce, et les larmes coulèrent. Qui était-elle vraiment ? Pourquoi ne voulaient-ils pas son bonheur ?
Elle se leva, lasse, et marcha comme une âme en peine. Elle voulait vivre sa vie. Elle voulait jouer des heures devant une multitude de personnes. Elle voulait écrire, des poèmes exotiques, des romans. Elle voulait peindre des couchers de soleil. Elle voulait aimer Jacob, cet homme qui la courtise depuis quelques mois déjà.
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À l'Ombre d'Une Pergola Tome 3
Short Story« Le cœur, l'autre et la découverte... » Sous la Pergola se racontent tous les types d'histoires et cela fait un bon bout de temps. De temps à autre, un personnage passe, y laisse son empreinte et un peu de sa vie. Débordante d'imagination, la Pergo...