Coupable

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Qu'étais-je censée lui répondre? Cette fois, je fus tentée de ne plus envoyer de messages, histoire de mettre fin à ma souffrance mais je détestais ne pas avoir le dernier mot. Je persistais désespérément à croire qu'il me restait une dernière carte à jouer. Les derniers mots qu'il m'avait écrits dansaient devant mes yeux voilés par les larmes.

-Je ne pourrai plus jamais te faire confiance, avait-il dit.

Je savais bel et bien que cela ne laissait plus rien à espérer. Pourquoi était-ce moi la fautive? Je n'avais fait que lui rendre la monnaie de sa pièce vu toute la peine qu'il m'avait causé. Je l'avais aimé, ou plutôt l'aimais-je toujours mais ça ne m'avait pas empêchée de faire ce que j'avais fait. Et s'il y avait une chose que je ne regretterais jamais, c'était de l'avoir trompé. Croyez-moi si vous le voulez, j'avais pris un plaisir immense à le faire.

Nous étions ensemble il y avait de cela plus de six mois. Fallait croire que je nageais en plein bonheur. Les romans que je lisais durant mon adolescence relataient ces amours qui faisaient perdre la tête au point de ne plus vivre que pour l'être chéri. Foutaises, les avais-je toujours traitées. Pouvait-on réellement aimer une personne à ce point? Ce n'était que pure folie. On ne les écrivait que pour ces célibataires invétérés qui ignoraient tous des soi-disant plaisirs d'une vie à deux. Et voilà que le destin m'avait fait ravalé mes paroles.

Il m'était venu lors d'une soirée chez une amie. Elle était tenue à ce que je vienne car m'avait-elle expliqué, je me complaisais trop longtemps dans la solitude de ma chambre et l'ennui de mon travail. C'était juste une fête, m'étais-je répétée, je pouvais la supporter pour avoir enfin la paix. En plus, ça me servirait à me changer les idées. J'étais bien loin de savoir que c'était ma vie entière qui allait subir une révolution.
Elle me l'avait présenté: un ami qu'elle avait perdu de vue. Un heureux hasard l'avait mis à nouveau sur sa route deux jours auparavant, le pourquoi de sa présence ce soir. Je me souviens, comme de cette présente minute, du regard qu'il avait posé sur moi. Ses yeux avaient exprimé la subjugation la plus totale si bien que j'avais dû baisser la tête, embarrassée.

-Je suis heureux de te rencontrer.

Je crois n'avoir jamais entendu une voix aussi séduisante que la sienne. Ces simples mots étaient parvenu à mon cerveau embrumé telle une promesse. Avais-je été ivre sans avoir bu une seule goutte d'alcool? Qu'avais-je répondu? Aujourd'hui encore je l'ignorais. Je savais juste que nous avions passé la soirée à discuter. De quoi? Des nouvelles tendances. De qui? De lui et moi.

Nous avions ensuite dansé. Inutile de m'attarder sur les différentes émotions qui m'avaient traversé durant ce bref instant d'intimité, c'était clair que j'avais été chamboulée. Et dire que j'étais rentrée chez moi à pied ce jour-là, j'aurais dû m'allonger là sur la piste et m'adonner à l'ivresse dans laquelle j'étais déjà. Je lui avais laissé mon numéro et chose tant attendue il m'avait appelée dès le lendemain, et le jour suivant, et les jours d'après.

Quand étais-je tombée amoureuse? La même nuit? Quelques jours après? En un mois? Tout ce que je savais, c'était que bien avant que je comprenne ce qui m'était arrivé, j'étais raide dingue de lui.  Il ne pouvait plus se passer un jour sans que je l'entende. Appels, messages, rencontres...il fallait que je m'assure qu'il m'avait constamment dans la tête autant je l'avais moi. De l'introvertie, j'étais passée à la fille qui savait dispenser des mots doux, à savoir où les avais-je déterrés. Les romans avaient peut-être dû bon.

Si j'essayais de résumer cette époque de ma vie, je le ferais par un seul mot: BÉATITUDE. Je n'étais censée ignorer pourtant que rien dans la vie n'était donnée gratuitement. Je devais payer pour tous ces instants où j'avais cru que rien dans le monde ne saurait troubler cette paix heureuse que je vivais. Je ne l'avais compris qu'une semaine auparavant.

J'avais été chez lui comme chaque samedi où je passais la journée, n'allant pas travailler. Nous étions dans le salon, sur le grand canapé faisant face à l'appareil où était diffusée notre série télévisée préférée. J'étais couchée, la tête reposant sur ses cuisses, savourant un calme parfait. Il tenait son portable et je ne m'étais nullement inquiétée de ce qu'il en faisait. Soudain, nous avions entendu frapper à la grande barrière de la cour et il s'était levé pour s'enquérir de l'identité de notre importun. Il avait commis l'erreur de laisser son téléphone déverrouillé sur le coussin à mes côtés. Je sursautai violemment lorsqu'un nouveau message le fit vibrer.

Pourquoi l'avais-je pris? Pourquoi avais-je pris connaissance de ce qui s'était dit? Mue par une force que je ne saurais définir, j'avais lu ces mots venus d'une certaine Clara.
J'ai trop envie d'être avec toi. Je déteste le samedi. Tu me manques trop mon amour.
Je fus incitée à prendre connaissance des messages antérieurs et ce que je lus m'avait laissée déboussolée un bon moment. Ils sortaient ensemble depuis un peu plus d'un an, les photos d’une fête qu'ils avaient organisée le mois dernier pour célébrer leur anniversaire m'en informèrent. Je redéposai doucement l'objet révélateur et me recouchai. Qu'avais-je ressenti? Rien. Lorsque survenaient ces évènements censés te faire pied, je ne pleurais ni m'énervais, je restais juste là sans bouger, comme tétanisée.

Des voix me parvenaient du dehors, mon prétendu petit-ami discutait avec un voisin, m'avait-il semblé. J'avais passé le reste de la journée avec lui comme prévu sans rien laisser paraitre de mon émotion. Ce n'était qu'une fois chez moi que j'avais laissée libre cours à mes pleurs et à mes jurons, à croire que l'information n'était arrivée qu'à ce moment dans mon cerveau: j'avais été dupée durant six mois.

Je comptais le lui faire payer. Ainsi m'étais-je retrouvée dans le lit d'un collègue et l'en avais-je renseigné. En quoi avait-il payé ce qu'il m'avait fait? Seul l'orgueil féminin saurait répondre à cette question. Et désormais, il se faisait passer pour une victime. Qu'il en soit ainsi, nous en étions quittes. Qu'il prétendait être affecté ou l'était-il réellement, je voulais qu'il sache qu'il n'y avait pas que lui à pouvoir tromper en ce bas monde.

J'avais un message à répondre; quinze minutes s'étaient déjà écoulées depuis le sien. Que je n'aie plus de remords car ces mots, ils demandaient à être libérés.

-Je ne te le demande pas, ainsi tout devait finir entre nous.












Sumaya Nolexta Castel

À l'Ombre d'Une Pergola Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant