L'homme pieux et le Sodomite

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L’homme Pieux et le Sodomite : Le procès
Lorsque l’évêque rentra dans la grande salle, les neuf hommes qui s’y trouvaient se levèrent instinctivement. Il prit place dans un silence froid, scrutant tour à tour les visages se trouvant face à lui.

La chaleur du mois de Juillet semblait ne pas exister ici, dans le confort de la grande salle. C’était une grande pièce circulaire. Elle servait de salle de réunion au corps pastoral de l’église de la Douce Bénédiction. Les chaises, toutes peintes en or, étaient arrangées de manière à épouser la forme de la chambre. Ici, les pasteurs se réunissaient et discutaient des affaires ecclésiales. La grande salle inspirait confiance et honnêteté. Nul n’entrait ici s’il n’avait foi dans le ministère du Christ.

Brisant le silence qu’il faisait volontairement durer depuis plus de cinq minutes, l’évêque, le très respecté homme de Dieu, pasteur Farand, débuta en ces termes :
-Pasteur Daryl Nord, merci d’être venu, avancez donc, ordonna-t-il.

Un homme dans la trentaine vint se placer au milieu de la salle pendant que les huit autres pasteurs reprenaient place. La taille moyenne, barbu, un visage défait, une mine renfrognée, Daryl offrait l’impression d’un homme fatigué, las de toute chose, voulant être n’importe où, mais pas là. Posant les mains sur la petite chaire placée pour l’occasion, et, altière, il dévisagea chacun des hommes composant le comité de cette église.

Savez-vous pourquoi nous vous avons convoqué, Pasteur Daryl ?
J’ai reçu le mail avant-hier soir, donc oui, Evêque Farand, je suis parfaitement au courant de la raison de cette convocation.
Le ton était sarcastique.
Bien, je n’irai donc pas par quatre chemins. Dites-nous, Comment avez-vous fait la rencontre du dénommé Lesbani ?

Daryl sourit, d’abord timidement, puis largement. Son sourire était sincère et pourtant fortement animé de mépris. Il méprisait ces hommes-là, ceux assis en face de lui, sous leurs vestes et longs cravates, croyant posséder toutes les vérités possibles. Il se résolut néanmoins à répondre :
Au restaurant Culin’Art. C’était le 21 Avril dernier. Dans la soirée.

Un pasteur, dans la soixantaine, - Stilma se prénommait-t-il - prit alors la parole :
Nous aimerions bien connaitre certains détails. Vous y étiez pour faire quoi ? C’est lui qui vous a approché ? Pourquoi avoir accepté de lui parler ?

Daryl avait conscience de son cas et ne souhaitait nullement l’aggraver. Polémiste de son état, il était passé pro dans l’agitation. Mais il n’était pas là pour ça, pas aujourd’hui…

-Ma femme se trouvait aux Etats-Unis d’Amérique pour le mariage de sa petite sœur et j’avais pris l’habitude d’aller manger là-bas.
Il marqua une pause. Scrutant une fois encore le regard de chaque homme se trouvant dans la pièce. Tous semblaient crispés, mal à l’aise et visiblement nerveux. Daryl ne put s’empêcher d’émettre un autre sourire, puis poursuivit :
Lesbani m’a approché un soir, comme je vous l’ai dit, c’était le 21 Avril dernier.
Que vous a-t-il dit ce soir-là ? Lui demanda cette fois l’évêque.
Que j’avais des lèvres pulpeuses et qu’il rêvait de me croquer… à pleine dents !

Un tumulte s’éleva alors dans la salle. Daryl demeura de marbre. Son visage marquait l’amusement. L’évêque tant bien que mal réussit à faire revenir le calme. Daryl poursuivit sans qu’on lui posa cette fois de question.

-Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai pas eu un haut-le-cœur lorsqu’il me fit cette avance. Je lui avouai que j’étais un homme de Dieu, que j’avais beau être agréable à ses yeux, mais que je n’étais point un gay, et que je n’avais point envie d’expérimenter cet aspect-là de ma sexualité. Lesbani était reparti vers sa table, non sans s’être excusé d’abord, visiblement peiné. Ce n’est qu’ensuite que j’appris que Culin’Art était réputé pour être un bar de gays.

À l'Ombre d'Une Pergola Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant