Il regarda la petite boîte. Il avait les yeux rougis, cette fois ci non pas à cause de l'alcool mais à cause de l'amour qui déchirait son cœur. La petite boîte descendait ostensiblement dans la terre, luisant dans le feu d'un soleil qui allait bientôt faire sa toilette. Il pleurait, à chaudes larmes. Une douleur vive, une plaie béante dont chaque descente de la boîte c’était comme le fer qui se remuait plus dans la blessure. Les premières vagues de remords ne tardaient pas à arriver. Ses genoux s'affaissèrent et touchèrent le gravier, il poussa un hurlement qui creva l'atmosphère déjà lourd de sanglots retenus. On lui prit par les épaules. Il était devenu un vulgaire pantin balloté par les larmes. De sales larmes qui essayaient de laver sans y parvenir le passé d’un bandit impitoyable. Un passé qui avait eu des ricochets sur son présent. Douleur vive. La boite avait fini de descendre. C’en était fini de sa petite fille.
-Viens Paul, c'est fini. Rentrons à la maison.
-Com... Comment cela a... a... a-t-il pu arriver ? demanda-t-il en s’agrippant au poignet d’un individu qui essayait de le porter. Comment ? dit-il plus faiblement avant de sombrer dans un gouffre qui venait de s’ouvrir sous ses pas. Le puits de la démence qui l’attirait depuis le soir du tragique évènement.***
Le déboire et la débauche, ce sont de mots figurés dans le dictionnaire qu'il connaissait la signification par cœur. Ayant été abandonné très jeune par sa mère qui se faisait battre par son taré de père alcoolique, il avait connu assez tôt la rue et ses règlements. Passé un petit bout de temps sur le banc de l'école, il avait laissé tomber, sachant d'instinct que tous ces madjigridjis n'allaient en rien lui servir. Les gens comme lui finissaient rarement derrière un bureau, la cravate au cou. Il comptait sur lui-même et sur sa grande connaissance des rouages de la rue pour s'offrir l'avenir auquel il aspirait. Il avait connu des tas de choses en vivant en plein cœur du ghetto: la mort, le vol, le viol, la prison, la théorie des gangs, les fouilles et la drogue.
La drogue, ah oui, cette échappatoire lucrative, il n'aimait pas en prendre mais savait que ce genre de business rapportait gros, assez pour se payer le « big dream » qui trottait depuis toujours dans un coin de sa tête. Motivé par la thune, il avait foncé tête baissée dans le monde sournois de la poudre blanche. Heureusement la chance lui avait souri. Il s'était fait aimer du patron au point qu'il avait arrêté les missions périlleuses dans les couloirs crapuleux du ghetto et avait obtenu sa place à la droite du grand boss. Devenu le gestionnaire de l'économie de ce dernier, il était parvenu à se faire en un rien de temps des montagnes d'argent qu’il plaquait quelques part dans le plancher de sa maison. Populaire, tueur, dealer, Paul Arastole était devenu le grand baron de la drogue de la quatrième avenue, éclipsant au passage son patron qui, prévoyant, avait déjà vu en lui un imminent danger. Son futur ennemi. Coriace en plus.
Paul, pour avoir vécu tant d'années dans la rue, avait un flair de chien pour sentir venir le malheur à des kilomètres. Et dans la nuit du treize novembre, un vendredi soir, la quatrième avenue s'illumina dans une belle répétition de balle, un concert de mitraillette qui a fait des dommages collatéraux qui ont défrayé la chronique du lendemain. Les forces de l’ordre n’avaient même pas pu ramener leurs culs tellement cette zone marquée au cramoisi sur les cartes de la PNH parlait le Bagdad et respirait l’Afghanistan.
Cet affrontement entre gang avait duré trois jours et ce fut comme la troisième guerre mondiale. Des cadavres jonchaient, des mouches piaffaient, du sang souillait le sol déjà boueux. Des maisons déjà en piteux état furent canardées jusqu'à devenir de véritables passoires en bloc. Des bandits étaient tombés mais le clan de Paul, quoiqu’ayant subi de lourdes pertes, il s’est vu devenir garant de tout le secteur du Sud. Moro fut assassiné sauvagement, Paul lui avait extirpé le cœur avec un couteau de boucher filmé par un de ses acolytes. Cela allait faire le tour de la toile et tous les autres caïds allaient le respecter et le craindre. Sa manœuvre d’intimidation sanglante avait eu les effets désirés. Il était devenu alors le salopard le plus craint dans tout le secteur. Ayant assez d'argent pour s'acheter toute l'île et sa politique de pouffiasse, il s'était laissé tenter aux plaisirs qui tuent: chicha, weed, barbituriques et sexe. Débauche et déboire. Il était devenu l'excrément ignoble de la moralité humaine…
VOUS LISEZ
À l'Ombre d'Une Pergola Tome 3
Nouvelles« Le cœur, l'autre et la découverte... » Sous la Pergola se racontent tous les types d'histoires et cela fait un bon bout de temps. De temps à autre, un personnage passe, y laisse son empreinte et un peu de sa vie. Débordante d'imagination, la Pergo...