Chapitre 1

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Je me passai les mains sur le visage et frottai vivement. La crasse refusait obstinément de partir. J'avais passé tellement de temps sans prendre de douche qu'elle devait être incrustée dans ma peau. Je couvris ma main du savon bon marché du distributeur et me barbouillai le visage avec avant de frotter vigoureusement. J'ouvris le robinet à fond, fermai les yeux et passai mon visage sous l'eau.

Mes mains me brûlaient et ce n'était pas uniquement dû à la force avec laquelle j'avais frictionné ma peau. Les coupures sur mes paumes devaient réagir avec le savon. Mais depuis toutes ses années, j'étais habituée à la douleur. Ce n'était pas un petit picotement qui allait me gêner. Quand j'eus fini d'enlever le savon de mon visage, je me redressai et me penchai par dessus le lavabo pour me rapprocher du miroir. J'avais découvert quelques jours plus tôt que j'avais des problèmes de vue. D'après Christian je devais être myope. En tout cas, ce qui était certain était que je ne voyais pas correctement les contours de mon visage sans être collée au miroir.

J'observai mon reflet un long moment encore après avoir conclu que j'avais enlevé toute la saleté possible. On devinait une peau blême, livide, sous les rougeurs dues aux frottements. J'avais toujours eu un visage assez rond, mais la privation de nourriture lui avait donné une forme étrange. Mes pommettes saillaient sous ma peau. Mes yeux marrons étaient ternes, même si, d'après Christian, ils n'avaient jamais autant brillé que ses deux dernières semaines depuis que nous nous étions enfuis. Mes cheveux étaient la partie qui me déstabilisait le plus. J'avais toujours eu l'habitude de les porter courts, coupés au menton, mais 4 ans sans coiffeur... Ils avaient eu le temps de pousser. Je glissai mes doigts dans mes cheveux. Ils étaient d'un blond sale et m'arrivaient désormais à la taille.

Je soupirai. J'avais toujours l'impression d'être face à une inconnue. 4 ans sans croiser un seul miroir. 4 longues années. Les seuls moments où je m'étais faite une idée de ce à quoi je pouvais ressembler était lorsque j'avais croisé un reflet trouble dans de l'eau. Lorsque mon visage se reflétait dans les lunettes de Chubs. Lorsque Jack tentait de me faire sourire en m'assurant que l'uniforme bleu me seyait parfaitement.

Mon coeur se serra douloureusement et je fermai les yeux. Chubs, Jack, Liam. J'ignorais s'ils s'en étaient sortis. Je priais pour qu'ils aient pu s'en sortir. Ils avaient dû s'en sortir. Chubs était l'un des garçons les plus intelligents que je connaisse, même plus calé dans certains domaines que beaucoup de Verts. Jack avait toujours su contrôler son aptitude ; ils avaient même essayé de nous apprendre à Chubs et moi à nous servir des nôtres, sans grand succès pour ma part. Et Liam avait réussi à mettre sur pied la révolution des jeunes du camp de Caledonia, et comme il avait fait partie de la Ligue de Enfants, il devait être capable de se débrouiller tout seul. Alors s'ils étaient restés tout les trois, il était certain qu'ils allaient bien. En arrivant à ce constat, je relâchai ma respiration, expirant lentement par la bouche. Ma prise se desserra sur le bord de l'évier.

Des coups retentirent contre la porte. Je lâchai un cri de surprise et fis un bond en arrière, le coeur au bord des lèvres. D'une main fébrile, je dégageai les cheveux de mon visage et les remis en arrière. Ce n'était probablement que Christian qui me signifiait qu'il en avait marre de m'attendre. Au moment où j'ouvris la bouche pour lui dire que j'avais presque terminé, la personne derrière la porte parla.

-Madame ? Tout va bien ? Ca fait un moment que vous êtes là-dedans.

Chaque fibre de mon être se figea. Ce n'était pas Christian. C'était la voix d'un homme, résolument plus âgé que le Vert. Le propriétaire de la station essence. Non, non, non, non, non ! Il avait l'air de dormir derrière son comptoir quand j'étais passée. Mais il avait dû me voir quand même. En tout cas, il n'avait pas vu mon visage. Sinon, il ne m'aurait jamais appelée madame. Il aurait simplement contacté les autorités, j'imagine. Je fixai la porte, les yeux écarquillés, sans oser bouger. Réfléchis, Cassie, réfléchis. Qu'est-ce que je pouvais faire ? Si je répondais, il risquait de se rendre compte que ma voix était très jeune. Mais j'aurais pu avoir 20 ans, non ? La voix d'une fille de 17 ans ne pouvait pas être très différente de celle d'une fille de 20 ans, surtout à travers une porte.

Let the Sparks Fly {Darkest Minds} - Partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant