As Yet Untitled [ᴇɴ ᴄᴏʀʀᴇᴄᴛɪᴏɴ]

-19-

JEM
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J'accompagne Ash jusqu'à sa chambre, bien décidé à panser ses blessures. Si je savais quel est l'abruti qui nous a bousculés...!

Malheureusement je n'ai pas le temps de planifier ma vengeance puisque le spectacle qui nous attend au deuxième étage me détourne de mes pensées : des vêtements en lambeaux et quelques éclats de verre brisé sont éparpillés à travers le couloir et la porte de la chambre d'Ashley et Lucy est ouverte. Un « Crève sale pute » est inscrit en rouge sur le battant sombre.

Ash pousse le panneau de bois du bout des doigts, ignorant superbement l'insulte. Son attitude me laisse entendre qu'elle a connu pire. Pourtant, lorsqu'elle pénètre dans la pièce, elle ne peut retenir un hoquet de surprise et plaque une main sur sa bouche en avisant le désastre : des crayons jonchent le sol, brisés ; ses précieuses esquisses dispersées aux quatre coins de la pièce sont tachées d'encre noire, déchirées pour certaines et l'armoire a été renversée et les vêtements qu'elle contenait tailladés. Mais ce qui me déchire le plus le cœur c'est le regard éploré de la jeune rebelle lorsqu'elle avise l'état de sa guitare qui gît sur le sol, rayée, les cordes brutalement sectionnées, et de sa collection de disques et vinyles détruite. Cette pièce semble avoir essuyé une tempête violente mais ce n'est malheureusement pas le climat déréglé qui en est le responsable.

Je m'approche d'Ashley et, sans réfléchir, la serre dans mes bras. Sous le choc, elle ne réagit même pas. Ses poing sont serrés et ses joues rouges.
Furieuse mais impuissante, elle finit par rendre les armes et pose son front sur mon torse, se cachant les yeux de ses paumes. Elle refuse de regarder l'effroyable réalité. Elle ne supporte pas de voir tout son travail anéanti, toutes ses possessions les plus précieuses détruites et je la comprends. Je la serre plus fort contre moi.

Je l'imagine penchée sur ce petit bureau au pied du lit, un crayon à la main, les doigts tachés d'encre, et ne peux retenir une vague de haine en constatant que toutes ces heures de labeur ont été réduites à néant en à peine quelques minutes.

— Qui a bien pu faire ça ? m'emporté-je.

Elle tremble mais redresse tout de même la tête pour croiser mon regard et je réalise que ce que j'avais d'abord pris pour des sanglots étouffés n'est en réalité que la manifestation d'une rage sourde. Je lis dans ses yeux une détermination sans faille : ceux qui ont fait ça, quand elle les retrouvera, payeront. Pourtant, en dépit de sa volonté puissante de retrouver les coupables, la haine laisse peu à peu place à la désillusion et, résignée, elle souffle :

— Je ne sais pas.

Parcourant de nouveau la pièce du regard, elle semble sur le point de se laisser submerger par ses émotions. Sa cuirasse de rebelle endurcie que plus rien ne peut atteindre se fissure lentement, laissant apparaître la jeune fille torturée et éprouvée qu'elle est en réalité et que j'avais cru discerner à travers son chant, lors de cette fameuse soirée où elle m'a envoûtée, uniquement armée de sa guitare — désormais inutilisable — et de sa voix de velours.

Sa voix, justement, se brise lorsqu'elle reprend en se passant une main lasse sur le visage :

— Les menaces, l'intimidation, je pensais que c'était derrière moi ; que j'avais laissé tout cela à New York, mais visiblement j'attire les tyrans et les emmerdes comme un aimant.

Elle soupire alors que je tente de comprendre ses paroles. J'ai un peu de mal à croire qu'une fille comme elle, forte, fière et avec un caractère bien trempé, ait un jour été victime de violences psychologiques.

— Mais pourquoi toi ? fais-je, totalement impuissant.

— Ça fait longtemps que je ne me pose plus cette question. Ceux qui ont fait ça ne le savent peut-être même pas eux-même. Si ça se trouve c'est juste ma tête qui ne leur plaît pas.