As Yet Untitled [ᴇɴ ᴄᴏʀʀᴇᴄᴛɪᴏɴ]

-40-

JEM
______

Je n'en reviens toujours pas de la rapidité avec laquelle nos équipes peuvent travailler parfois. En à peine quinze jours, le mixage de notre duo avec Ash était terminé et déjà prêt à être mis en ligne et il ne manquait plus, à présent, à l'équipe de production que notre approbation pour diffuser le morceau.

— Alors Jem, qu'est-ce que tu en penses ? me presse Herman, son téléphone plaqué contre son épaule.

Il est en ligne avec son assistant qui a déjà obtenu l'aval du label et qui attend probablement le doigt en suspend au dessus de la touche « enter » de son clavier pour livrer en pâture à nos fans ce nouveau morceau inattendu. Je lui fais signe de se taire et écoute une nouvelle fois le mixage final. La voix d'Ash est sublime et nos timbres se mêlent vraiment à la perfection. Je suis fier du travail que nous sommes parvenus à accomplir avec ce titre alors je ferme les yeux et savoure l'instant, m'imaginant déjà l'interpréter sur scène aux cotés de ma talentueuse petite amie.

Malheureusement, Herman qui s'impatiente finit par me tirer de ma rêverie en me secouant l'épaule.

— Alors ? répète-t-il avec des intonations plus sèches cette-fois.

Je le laisse languir encore quelques minutes, prêtant une oreille attentive à l'instrumentalisation et à l'arrangement du morceau mais je ne trouve rien à redire. Nos équipes fournissent vraiment un travail incroyable.

— C'est parfait, finis-je par répondre après un long silence.

Herman pousse un soupir de soulagement bien audible et ses traits se détendent. De tous les membres du groupe, je suis probablement le plus dur à convaincre de la qualité d'un mixage. J'ai toujours l'impression que l'on peut mieux faire, qu'il manque quelque chose mais force est de constater que si l'on m'écoutait, jamais aucun morceau d'Apollo Faces n'aurait vu le jour. Fort heureusement, je peux compter sur mes amis pour réfréner mes ardeurs et mettre un terme à nos séances d'enregistrement lorsqu'elles s'éternisent et que plus rien de bon ne sort de nos cerveaux exténués.

— Et Ash, qu'est-ce qu'elle en pense ? j'ajoute innocemment.

— Elle doit m'envoyer un message dans une minute, répond mon producteur qui verrouille et déverrouille compulsivement son second smartphone, vérifiant toutes les demi-secondes ou presque que ledit message n'est pas arrivé.

J'étends mes jambes sur la table basse, devant moi, et réajuste le casque sur mes oreilles, relançant pour la dixième fois au moins le morceau qui ne devrait plus tarder à apparaître sur les plateformes de téléchargement. À mes cotés, Jake, Carter et Liam ont eux aussi les yeux rivés sur les écrans de leurs téléphones. Je sais d'ailleurs sans même le leur demander qu'au moins deux d'entre eux attendent le signal d'Herman pour promouvoir ce nouveau single sur leurs réseaux sociaux tandis que le troisième martèle la petite flèche de rafraîchissement de sa page web pour s'assurer que le morceau sera effectivement disponible à l'écoute au moment même de sa mise en ligne.

Il est très exactement 13 heures 56 lorsque la réponse d'Ashley fait vibrer le second smartphone de notre manager. Celui-ci perd alors une longue minute à lire le message vraisemblablement fourni de la chanteuse alors que son assistant s'impatiente bruyamment au bout de l'autre ligne. Finalement, le visage d'Herman s'éclaire et il s'empresse de coller à nouveau son oreille contre l'autre combiné.

Il aura donc fallu moins de vingt minutes à Ashley pour décider de passer de l'anonymat à la notoriété et sceller le destin de sa carrière. Vingt petites minutes qui témoignent de sa détermination à faire son entrée dans mon monde de la torture psychologique et des faux-semblants.