III -Un combat dans le jardin

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Angélique


Le monstre en face de moi s'approche encore et toujours à pas comptés, comme s'il se délectait de la terreur qu'il m'inspire. Mon cri finit par mourir dans ma gorge et mon instinct de survie prend le dessus. Enfin ! C'est pas trop tôt ! Je cours à perdre haleine vers la maison mais me rends compte avec horreur que toutes les portes sont verrouillées.

Deux choix s'offrent à moi. Ou me battre pour ma vie, ou fuir. Le monstre semble doubler de taille et forcir à vue d'œil tandis que des ailes reptiliennes apparaissent dans son dos et que des cornes s'enroulent de chaque côté de sa tête.

Je choisis la fuite. Sans hésitation.

La chose se rapproche un peu plus rapidement de moi maintenant qu'elle devine que je vais certainement lui filer entre les doigts. Je lui tourne le dos et fonce vers la rue. Comment les passants ne peuvent-ils pas remarquer qu'une jeune femme est coursée par un monstre ?

Je comprends rapidement.

A peine arrivée à la clôture, je rentre à pleine vitesse dans ce que je ne peux décemment décrire que comme un "mur invisible", une sorte de champ de force qui m'empêche de sortir de la propriété. Paniquée, je fais face au monstre qui se dresse désormais de toute sa hauteur devant moi, un sourire sadique déformant les traits de son visage difforme.

Pitié, je ne veux pas mourir.

Il attrape mon poignet et ce simple contact me brûle comme si une flamme vive avait mordu ma chair. Je siffle entre mes dents tant la douleur est cuisante, tandis que la créature porte mon poignet brûlé à ses lèvres. Une nouvelle fois, je cri à pleins poumons, quand soudain...

La créature détourne son attention de moi pour fixer un point derrière mon épaule. Je vois ses yeux s'agrandir de terreur. La chose tente de me tirer vers elle mais je résiste avec la force du désespoir. Je ne sais pas ce qui peut faire peur à un monstre pareil, mais je ne vais pas perdre mon temps à regarder. La seule chose à faire pour le moment est de libérer mon poignet de la prise de fer de mon kidnappeur monstrueux et de fuir le plus loin possible. Je m'échine à tenter de faire lâcher prise au monstre quand un éclair d'une blancheur aveuglante déchire l'air et frappe la bête de plein fouet. Le recul du choc la fait me lâcher et je prends mes jambes à mon cou sans perdre de temps.

C'est alors qu'un sifflement strident se fait entendre avant qu'une chose ailée ne se précipite à pleine vitesse sur la créature qui s'écarte à la dernière seconde. Je ne peux pas voir qui est mon sauveur ni à quoi il ressemble. Une aura d'une clarté incroyable m'empêche de le distinguer clairement. La seule chose que je vois, c'est la sombre créature qui ploie sous les assauts répétés de l'être lumineux. Mon ravisseur tente pourtant de répliquer, mais il faut se rendre à l'évidence : malgré sa taille et sa vitesse, il ne fait pas le poids.

Sous mes yeux ébahit se déroule un combat que je ne croyais possible que dans les films de science-fiction. L'être lumineux attaque avec des rayons de lumière si puissants qu'ils me brûlent la rétine tandis que son adversaire se protège avec une sorte de bouclier plus noir que la plus sombre des nuits d'hiver. Mon sauveur dégaine alors une longue épée rutilante qui semble pouvoir couper n'importe quoi et trace un arc de cercle. Mon ravisseur tombe sur le sol, tranché en deux, le tronc d'un côté, les jambes de l'autre.

Je crois que je vais vomir.

Un sang noir et visqueux rampe sur le sol et mon sauveur perd son aveuglante aura, mais je ne vois toujours pas son visage, il me tourne le dos. J'ai même l'impression qu'il fait tout pour que je ne puisse pas distinguer ses traits. En même temps, pour le moment, je me bats contre mon estomac qui souhaite ardemment faire ressortir mon déjeuner, donc je n'ai pas vraiment le temps de me pencher sur la question de l'identité de l'épéiste.

Finalement, mon estomac gagne le combat. Ce n'est pas très glorieux, mais entre la panique, la course et la mise à mort, j'ai pas mal de bonnes raisons de me sentir mal. Sans compter que je ne comprends absolument rien à ce qui vient de se passer dans mon jardin ! C'était quoi cette chose ? Comment se fait-il que toutes les issues étaient bloquées par des murs invisibles ? D'où sort une créature pareille ? Et non d'un chien, pourquoi un simple contact m'a brûlée comme dix enfers ?! Je ne comprends pas. Je ne comprends rien et ça m'exaspère ! Et si la créature revenait ? Et si cette fois elle réussissait son coup ? Et si la chose lumineuse n'avait pas été là ? Serais-je morte à l'heure qu'il est ? Sans doute. Je crois que je manque d'air. Je m'effondre au sol, le souffle court, paniquée et perdue, quand soudain, un visage familier entre dans mon champ de vision.

- Gaby ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu as vu ce qui vient de se passer ? Mon dieu, j'ai failli mourir ! Comment as-tu pu entrer ? Tu as vu la chose qui m'a sauvé ? J'ai manqué de me faire tuer par un monstre ! Je me sens mal...

Gaby prend ma tête entre ses mains avec délicatesse et vérifie rapidement que je n'ai rien avant d'enfin ouvrir la bouche.

- Tout va bien, ne t'en fais pas, tu as dû t'assoupir et faire un cauchemar, rien de grave. Viens, tu devrais boire un peu d'eau et te coucher, je vais prévenir tes parents que tu as fais une nouvelle crise, ok ?

Je secoue la tête énergiquement.

- Arrête, je n'ai pas rêvé ! Cette chose était là, elle m'a attaquée, elle m'a coursée, elle m'a même brûlée !

Il a un mouvement de recul que je n'arrive pas à analyser. Est-ce que je fais vraiment si peur que ça ?

- Montre-moi cette brûlure, dit-il finalement d'un ton qui n'accepte aucune hésitation.

Je lui dévoile mon poignet et ses yeux s'écarquillent. Je regarde à mon tour la blessure et reste bouche bée. Là où devrait se trouver de la peau calcinée et des cloques n'apparaît qu'un pentacle rouge et vert composé de symboles complexes.

- Qu'est-ce que c'est que ça... soufflé-je, incrédule tandis que la panique revient au triple galop.

Gaby se redresse et m'aide à me relever sans me répondre. Il a l'air soucieux, encore plus que ce matin, et n'ouvre plus la bouche jusqu'à m'avoir déposée dans mon lit et placé un sac de glace sur mon poignet encore brûlant. Il s'apprête à partir mais je le retiens.

- Gaby, attend, dis-moi ce qu'est cette chose, s'il-te-plaît.

Il me lance un dernier regard et s'en va sans un mot, l'air sombre. Il fait un vague signe de la main et je sombre dans un sommeil sans rêve.

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant