IV- Le prisonnier

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Gaby


Il lui en coûtera ! Devant le Père je le jure !

Mon entrainement et ma très longue vie auraient dû m'apprendre la patience et le pardon, mais il n'avait pas le droit d'envoyer ses sbires lui faire du mal à elle. Mais la véritable question n'est pas "pourquoi ?", mais plutôt "comment ?". Il ignore tout de l'existence d'Angélique, je m'en suis assuré. Dans ce cas, comment a-t-il bien pu savoir où elle se trouvait et ce qu'elle était ?

Il est enfermé ici depuis presque un siècle, jamais il n'aurait pu apprendre son existence et ce qu'elle représente pour moi et les miens. Je me dirige à grands pas vers sa geôle et fais signe au gardien de nous laisser seuls. Au fond de la minuscule pièce, dissimulé dans l'ombre, se cache mon prisonnier. Même sans le voir, je sais qu'il affiche un sourire narquois face à mon incapacité à garder mon calme. Je ne suis pas censé haïr qui que ce soit, seulement, certains êtres sont plus facilement détestables que d'autres. Je me sais capable de lui pardonner ce qu'il a fait, mais avec du temps. Beaucoup de temps.

- Que me vaut l'honneur de ta visite, Gabriel ? lance une voix moqueuse au fond de la cellule.

- Je pense que tu sais parfaitement bien ce qui m'amène.

Un petit rire sec se fait entendre dans l'obscurité.

- Et comment le saurais-je, dois-je te rappeler que tu me laisse croupir ici depuis presque cent ans ? Je vois mal comment je pourrais connaître les dernières exactions commises par mon peuple.

- Ne me prend pas pour un imbécile, Fenris,  tu sais parfaitement de quoi il retourne. Tu as envoyé l'un des tiens attaquer une mortelle.

Je sens que j'ai piqué sa curiosité.

- Et quelle importance une mortelle pourrait-elle bien avoir à tes yeux ?... Serais-tu amoureux ?

- Ne dis pas n'importe quoi, tu sais parfaitement que non, réponds-je fermement.

Je l'entends bouger dans le noir et bientôt, son visage où le temps n'a laissé aucune marque apparaît dans la lumière tamisée des geôles célestes. Il s'approche jusqu'à n'être plus qu'à un petit centimètres des barreaux enchantés qui l'empêchent et de m'atteindre, et d'user de ses pouvoirs de destruction. Le moindre contact avec ce métal provoquerait une douleur insoutenable, même pour lui. Après tout, nous n'avons pas intérêt à voir cet oiseau-là s'envoler.

Il prend finalement la parole, le regard scrutateur, tentant de chercher des réponses à ses questions dans ma gestuelle.

- Si ce n'est pas de l'amour, qu'est-ce que c'est ? Un archange ne peut nouer des liens avec un mortel qu'en cas de grande nécessité. Alors à moins que tu ais été rétrogradé, je ne comprends pas ce que tu fais à traîner avec une mortelle. Le Père aurait-il dissout son armée d'anges ?

- Cesse de raconter des âneries. Le pourquoi de la question ne te regarde en rien. Je veux savoir comment tu as fait pour communiquer avec l'extérieur.

Il affiche un sourire torve.

- Ca te rend fou de ne pas comprendre, de ne pas tout maîtriser... Pourquoi répondrais-je à tes questions ? Qu'ai-je à gagner à coopérer ? La liberté ? Une heure de temps libre ? Rien de tout cela j'imagine. Dans ce cas, je ne vois pas de raison suffisante pour te dire ce que je sais.

C'est à mon tour de sourire malicieusement.

- En effet, Fenris, tu ne me diras rien car tu ignores tout...

Il arque un sourcil et me dévisage.

- Dans ce cas, pourquoi venir m'importuner ? Ignores-tu que j'ai encore une éternité à écoper entre ces quatre murs ?

- Je voulais simplement m'assurer que tu n'avais pervertit personne ici. Maintenant que j'en suis sûr, je n'ai plus qu'à trouver qui a bien pu lancer ce démon à la poursuite d'une humaine.

Je le salue rapidement et m'éloigne d'un pas vif, quand le prisonnier m'interpelle à nouveau.

- Si tu veux savoir qui domine les Enfers maintenant que je ne suis plus là, j'ai peut-être un nom à te donner.

Je lève les yeux au ciel, certain que ce démon va encore se jouer de moi.

- Réfléchis, stupide tête blonde, si je ne suis plus là pour réguler les actions des miens, Lucifer et Lilith ont dû reprendre les rênes. Alors un conseil, s'ils en veulent à cette fille, laisse-les faire, sinon tu risque de déclencher une nouvelle guerre.

Je me retourne vivement.

- Les maîtres des Enfers n'ont pas reparut depuis des siècles, ils ne mettraient pas l'équilibre du monde en danger pour une simple humaine.

Il sourit à nouveau, fier d'avoir pu attirer mon attention.

- Sauf s'ils savent que tu tiens à cette humaine... ou si tu as oublié de me mentionner quelque chose...

Je le fusille du regard et me détourne de lui, regagnant la sortie. Une fois à l'air libre, je tombe sur mes deux frères, Raphael et Haniel, qui me semblent soucieux.

- Tu as encore perdu ton temps à essayer de parler avec ce monstre ? dit finalement Raphael. Tu sais que nous avons déjà essayé mille façons pour le faire revenir dans la lumière. Son âme est trop salie pour pouvoir être lavée.

Je soupire, un peu dépassé. Haniel s'approche et pose sa main sur mon bras en signe de réconfort.

- Ne t'en fais pas, mon frère, cette mortelle ne craint rien avec trois archanges pour veiller sur elle. Le Père ne permettra pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Nous t'aidons dans cette mission depuis sa naissance, nous n'abandonnerons pas maintenant que les forces du mal l'ont trouvée.

Je force un pauvre sourire avant de me redresser et de laisser mon attirail d'ange guerrier pour des vêtements plus communs, jean, baskets, chemise, et de retourner sur Terre, auprès de celle que je me dois de protéger par tous les moyens et contre n'importe quoi. Elle est trop importante pour que je la laisse aux mains des maîtres des Enfers. 

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant