XI- Au cœur de la tempête

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(pdv de Gabriel)


Je savais que c'était une mauvaise idée, mais elle ne m'a pas vraiment laissé le choix. Je ne peux décemment pas la laisser seule maintenant. Pas après la révélation de Fenris. Ce dernier regarde mon amie tomber inconsciente à ses pieds sans rien faire, amusé semble-t-il par la situation.

- Mais tu ne pouvais pas la rattraper ! Elle aurait pu se blesser, imbécile ! dis-je à ce stupide démon qui reste droit comme un i alors qu'Angi est effondrée sur le carrelage froid.

Il lève les mains en évidence en m'offrant une moue contrite.

- Tu m'as clairement fait comprendre que je ne devais pas toucher à la gamine pendant le voyage, sans compter que je trouve les réactions humaines vraiment trop drôles pour être entravées. Regarde ça, elle s'est étalée comme une crêpe et elle ne s'en souviendra même pas ! C'est dingue quand même, non ?

Je lève les yeux au ciel en espérant trouver assez de patience en moi pour supporter ce type encore quelques semaines et me précipite vers la jeune femme étendue au sol. Je vérifie rapidement qu'elle ne se soit pas blessée en tombant de la chaise et la prend délicatement dans mes bras pour la transporter jusque sur le sofa. Fenris me suit, les mains croisées dans le dos, comme s'il se promenait en ville par une belle journée d'été. Insouciant, comme d'habitude.

- Dis, tu ne pourrais pas faire un peu semblant d'être concerné par ce qu'il se passe ? lui dis-je finalement alors que Angélique est toujours inconsciente.

- Je dois m'assurer qu'elle reste à peu près en vie pendant une période encore indéterminée, mais ne compte pas sur moi pour jouer les mères poule, appelle tes frères pour ça, répond-t-il en haussant nonchalamment les épaules.

- Comment ça, "à peu près en vie" ?

- Dis, tu crois qu'elle survivra longtemps si elle tombe dans les pommes à la moindre contrariété ? demande-t-il en ignorant totalement ma question. Parce que sinon, ça risque d'être un peu coton de la garder sur pieds. Quoi que, si elle ne parle pas, ne pose pas de questions et ne traîne pas des pieds, ça pourrait être un avantage, ajoute-t-il en contant les différents "avantages" sur ses doigts. Ouais, ce serait même carrément mieux... Dis, tu ne veux pas qu'on l'assomme à tour de rôle histoire d'éviter qu'elle nous rebatte les oreilles avec des questions sans queue ni tête ?

- T'es sérieux, là ?

- Elle se réveille, ta belle au bois dormant.

Je lui lance une œillade noire. Il compte vraiment faire passer toutes mes questions à la trappe comme ça ? J'imagine que oui, après tout, notre situation est on ne peut plus claire : nous ne sommes pas amis, nous ne sommes pas alliés, je suis son geôlier, il est mon prisonnier. Mais tout de même, il pourrait y mettre un peu du sien !

Je détourne mon attention de lui pour me focaliser sur Angélique qui revient doucement à elle. Elle bat des cils plusieurs fois avant d'enfin poser son regard sur quelque chose de tangible. Mes ailes. Ah, oui, j'aurais peut-être dû laisser tomber l'attirail divin au passage... Elle s'apprête à dire quelque chose quand Fenris s'assoit sans délicatesse dans un fauteuil, couvrant sa voix encore faible et lointaine. Je retiens un soupire de lassitude tandis qu'il croise gentiment les jambes avec un sourire innocent à mon égard. S'il me demande du popcorn, je ne réponds plus de rien...

Je secoue la tête, dépité par son comportement de gamin des rues tandis qu'Angi se redresse, bien réveillée cette fois, et visiblement pas mal choquée. Logique, j'imagine. Elle regarde partout autour d'elle, complètement paniquée.

- Hey, Angi, tout va bien, ne t'en fais pas.

Ouais, je sais, j'aurais sans doute pu trouver mieux, mais je n'ai pas réfléchis et ai réagit comme je l'ai toujours fait envers elle : comme un grand frère protecteur. Mais de son côté, il semble que notre relation ait pas mal changée à ses yeux. Lorsque je tente de poser une main rassurante sur son épaule, elle recule hors de ma portée. Ce rejet m'est plus douloureux que ce à quoi je m'attendais...

- Tu croyais quoi, l'ami, qu'elle allait te sauter dans les bras en te remerciant pour tes années de service ? T'es pas con à ce point quand même, si ?

- Fenris, encore un mot et je te renvoie pourrir au fond de ta cellule, dis-je sans même lui faire l'aumône d'un regard. Angi, c'est toujours moi, tu n'as pas à être effrayée. Je suis là pour te protéger, et cet énergumène également.

Enfin, elle parle.

- Mais me protéger de quoi ? Qu'est-ce qui se passe, bon sang ! Pourquoi tout ça existe ! Ca ne devrait même pas être palpable, ça n'existe que dans les histoire pour les enfants !

- Eh bah dit donc, c'est pas une flèche cette gamine...

- Fenris, pour la dernière fois, ferme-la. Angi, tu vois bien que la réalité est bien plus complexe ! J'ai été envoyé ici pour garantir ta survie car tu es un être extrêmement important aux yeux de tous.

- Mais pourquoi ? Je n'ai rien de spécial, je ne suis pas incroyablement intelligente...

- Sans déconner...

- Fenris...

- Je ne suis pas riche comme Crésus, continue-t-elle sans prendre en compte la pique du démon, je n'ai rien qui puisse intéresser un ange ou un démon !

Je prends doucement ses mains dans les miennes et capture son regard.

- Angi, crois-moi sur parole. Si je te dis que de ta survie dépendent beaucoup de choses, tu dois avoir confiance. Depuis la nuit des temps, les anges et les démons se battent pour avoir un être tel que toi de leur côté. Cette lutte acharnée n'a rien d'un jeu et n'est pas due au hasard. Tu l'ignores sans doute, mais chacun de tes choix est d'une importance capitale pour ce monde. Si tu tombes aux mains de nos ennemis, ils se serviront de toi et de la puissance que tu renfermes pour mettre un terme à la Création. Si tu restes du côté de la lumière, tu permettras de sauver ce monde et ses habitants.

- Ouais, bienvenu au pays des Bisounours où les gentils sont habillés de blanc et les méchants de noir...

- Fenris, je ne déconne pas, encore un mot et je te bâillonne.

- Ne te gênes surtout pas ! Si tu pouvais aussi trouver de quoi me boucher les oreilles, je crois que j'ai entendu assez d'âneries pour le restant de mes jours. Sortir de prison pour t'écouter déblatérer la Bible, merci bien, mais je m'en passerai.

Pitié donnez-moi la force de ne pas le tuer...

- Bref, Angélique, tu es au cœur d'un conflit qui dur depuis toujours. Je t'ai protégé toute ta vie de ceux qui auraient pu te tirer vers le bas, mais maintenant, il est temps pour toi de découvrir ce que tu es réellement. Tu vas devoir me suivre. J'expliquerai à tes parents que l'heure est venue.

- Mes parents sont au courant ?

- Pas de tout, seulement, depuis le jour où ils t'ont adoptée, ils savaient que viendrai le temps pour toi de partir loin d'eux pour une durée indéterminée.

- Ouais, je penses que niveau chamboulement dans le cours des choses, on se pose là, alors autant lui dire toute la vérité, l'ami.

- Ferme. La. Immédiatement.

Fenris soupire et lève les yeux au ciel mais n'ajoute rien. Enfin !

- Gaby, pourquoi l'empêches-tu de parler ?

- Pour la simple et excellente raison que c'est un démon et que sa seule passion dans la vie est de détruire celle des autres.

Elle hoche la tête dans le vague, encore sous le choc.

- Mais alors, si je suis, comme tu le dis, au cœur d'un conflit "divin", je suis quoi ?

Je ne peux pas lui dire... Je ne dois pas lui dire. Si elle savait la vérité, si le secret s'ébruitait, elle serait encore bien plus en danger qu'elle ne l'est déjà.

- Tu es la dernière descendante des Filles de la Terre, lance alors le démon toujours confortablement assis dans son fauteuil.

Fenris, je vais te tuer.

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant