V- Questionnement

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Gabriel


Après l'attaque dont elle a été victime, Angi est restée chez elle une semaine durant et répondait à peine aux messages que je lui envoyais pour prendre de ses nouvelles. Elle s'est tout simplement retranchée chez elle et refuse de mettre le nez dehors. Autant dire que son absence ne passe pas inaperçue en cette période d'examens à la fac... Mais c'est loin d'être le plus important. Puisqu'elle n'est plus entourée de gens potentiellement témoins, il est de mon devoir de veiller sur elle en permanence. Aussi, quand elle me chasse en me disant d'aller en cours, je fais le pied de grue dans son jardin, dissimulé par les branchages, guettant la moindre anomalie. Et puis, très sincèrement, j'ai connu tous les auteurs sur lesquels nous travaillons du temps de leur vivant, alors je me passerais des heures d'amphi.

Ainsi, en moins de deux semaines, j'ai repoussé discrètement et définitivement neuf tentatives d'assaut contre Angélique sans qu'elle ne se rende compte de rien. De son côté, mon amie habituellement intarissable sur n'importe quel sujet, peine à décrocher un mot. Ses parents s'inquiètent, évidement. Mais ils ne savent pas à quel point ils ont raison de se faire du mauvais sang. Si les Enfers en ont après elle, il y a fort à parier que le retour de flamme se fera sur eux et Tim. Les démons ne sont pas à trois meurtres près. C'est donc sans surprise que j'ai empêcher un esprit maléfique de prendre possession de la mère d'Angi il y a deux jours et empêché son père d'avoir un accident mortel. Les êtres des Enfers sont mauvais joueurs et détestent perdre, surtout quand le gros lot est d'une importance aussi capitale. Je suis donc régulièrement obligé de demander de l'aide à mes frères ou à des anges de l'armée du Père pour assurer la sécurité de tous ceux qui pourraient craindre pour leur vie. C'est une bonne chose en vérité qu'Angi refuse de sortir. Moins de gens croisés égal moins de potentiels dangers.

Je me doute qu'elle a une foule de questions, je les vois briller dans ses yeux à chaque fois que j'entre dans sa chambre. Pourtant elle ne les pose pas, attendant sans doute que je craque et que je déballe tout. Elle va attendre longtemps, j'ai une patience... d'ange...


Angélique


Deux semaines que je suis enfermée dans ma chambre et que ma mère me supplie de lui dire ce qui ne va pas. Mais comment pourrais-je lui expliquer ? "Maman, j'ai été attaquée par un monstre dans le jardin et je ne pouvais pas m'enfuir et un être lumineux l'a démoli à grand coup d'épée dans les dents" ? Avec ça, j'aurai amplement gagné mon ticket pour l'hôpital psychiatrique...

Je passe des heures à regarder le pentacle sur mon poignet, cherchant ce qu'il signifie sur le net, mais je trouve tout et son contraire. Parfois c'est un signe de chance, parfois une malédiction, parfois c'est un traceur, parfois une dissimulateur de présence... Incroyable. Plus je cherche, moins les choses me paraissent claires. Déjà que c'était pas tip top, mais là, c'est le pompon...

Un soir, je décide que c'en est trop. Je prend mon portable et appelle Gaby. Il ne doit pas être loin, il a quitté la maison il y a à peine cinq minutes. Une sonnerie plus tard, il décroche. Il a l'air essoufflé.

- Je te dérange ? dis-je, un peu surprise. Je peux te rappeler, si tu veux.

- Non, non, vas-y, je t'écoutes, fait-il d'une voix un peu enrouée entre deux goulées d'air.

Suspicieuse, je garde le silence un moment, tentant de comprendre ce qu'il fait et où il peut bien être pour être dans cet état. Je renonce finalement et lui demande directement.

- Qu'est-ce qui te fais souffler ainsi ? Tu as arrêté un train avec tes seuls bras ou quoi ?

Il rit nerveusement et s'éclaircit la voix.

- Non, c'est rien, t'inquiète, je... j'ai couru pour rentrer chez moi, j'avais besoin de faire un peu d'exercice pour me vider la tête.

En jean... Mais bien sûr... Il me prend vraiment pour une buse des fois.

- Bon, je passe sur le fait que tu es encore en train de me mentir et en viens au fait : j'aimerais que tu me dises ce que tu sais à propos de ce dessin sur mon poignet. J'ai bien vu la tête que tu as fait quand tu l'as vu. Tu sais ce que c'est et tu ne me le dit pas. C'est pas très sympa.

Il soupire au bout du fil et reste silencieux un moment. J'entends alors un grand fracas et un grognement.

- Ne quitte pas un moment ! lance-t-il avant de me mettre en attente.

Putain c'était quoi, ça ?! Anxieuse et impatiente, j'attends presque deux minutes accrochée à mon téléphone comme à une bouée de sauvetage, me rongeant les sangs avant qu'il ne se décide enfin à reprendre l'appel.

- Voilà, c'est bon, on parlait de quoi déjà ? dit-il d'un ton badin.

- Mais de ça, crétin ! Qu'est-ce que c'était que ce boucan ?! Trente secondes de plus et j'appelais les flics ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! Pourquoi tu ne me dit plus rien depuis deux semaines ?! J'en ai marre de tout ce mystère ! Est-ce que tu vas bien au moins ?

Il répond, encore essoufflé :

- Oui, je vais bien, ne t'en fais pas. Est-ce que si je te retrouve demain pour te dire ce que je sais sur ce pentacle tu arrêtes de t'inquiéter pour rien ?

"Pour rien" ? Il est sérieux là ? Rongeant mon frein, je hoche la tête au téléphone avant de me rendre compte qu'il ne peut pas me voir faire au bout du fil. Quel idiote...

- Oui, ça marche. Demain sans faute, à huit heures, ne soit pas en retard.

Je l'entend rire discrètement avant qu'il ne confirme le rendez-vous. Dire que j'ai hâte d'être à demain est un doux euphémisme.


Gabriel


Je raccroche et brûle les corps des trois démons avec lesquels j'étais aux prises quand Angi m'a appelé. Elle pouvait difficilement mieux choisir son moment. Les trois me sont tombés dessus sans crier gare. Leurs maîtres ont dû comprendre que tant que je serais là, ils n'auraient pas le champ libre pour s'en prendre à Angi. A croire qu'ils nous pensent semblables à eux. S'ils sont tous égoïstes et très perso, les anges et archanges, eux, travaillent main dans la main. Mes frères et moi nous relayons depuis deux semaines pour garder un œil sur elle en permanence. Sans compter que s'ils m'avaient tué, ils se seraient retrouvés avec un plus gros problème sur les bras qu'un corps à détruire. Le Père n'aurait pas laissé passer un tel affront.

Je masse ma gorge douloureuse tandis que la plaie béante qui traverse ma jambe droite se referme. Être immortel à d'excellents côtés. Ils étaient assez bien organisés pour des démons de première classe. Pendant que l'un attaquait de front, un autre attaquait dans mon dos et m'enserrait la gorge. Le troisième est arrivé plus tard, sur le côté, pendant que j'étais occupé à répondre à peu près ce qu'il faut à mon amie au téléphone. Ces trois-là m'ont rappelé une chose importante : ne jamais baisser la garde. Je m'en souviendrais la prochaine fois.

Bon, j'ai à faire. Je vais devoir soigneusement préparer le discours que je vais servir à Angi demain matin. Pas trop de mensonge et juste ce qu'il faut de vérité pour calmer sa curiosité. Je sens que ça va être drôle cette histoire encore...

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant