(pdv d'Angélique)
Le silence tombe comme un couperet, lourd de l'espoir assassiné. Ma condamnation à mort ? Comment un simple pentacle gravé sur mon bras pourrait-il me mener droit dans la tombe ? Je cherche des réponses dans les yeux de mon meilleur ami qui semble tout aussi choqué que moi et ne me jette même pas un regard, perdu qu'il a l'air dans ses pensées. Je sais qu'il réfléchit à toute vitesse, mais je ne sais pas à quoi. Je lance alors un coup d'œil effrayé à l'inconnu assit en face de moi. Qui est-il ? Comment peut-il savoir et dire une chose pareille ? Et d'où sort-il, bon sang !?
Pour sa part, l'individu semble tout à fait à son aise et ne se départit pas de son sourire arrogant et narquois. Ma gorge se dessert juste assez pour que je puisse briser enfin ce silence écrasant.
- Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? Et toi, Gaby, pourquoi le crois-tu ? Une simple marque ne peut pas mettre ma vie en danger, c'est impossible. Il me suffit d'aller à l'hôpital et je...
Je suis coupée par le rire amusé de cet énergumène qu'a apporté Gabriel.
- Mais qu'est-ce que tu trouves drôle toi à la fin ! crié-je finalement, à bout de nerfs.
Il ne répond pas, se contentant de tenter de juguler un nouvel éclat de rire. C'est Gabriel qui se décide enfin à m'expliquer le pourquoi du comment de cette histoire à dormir debout.
- Angi, ce type est... comment dire... c'est un peu difficile à croire et je peux comprendre que tu me jette dehors après ça, mais je t'assure que je ne te prends pas pour une folle ou quoi que ce soit d'autre. Tout ce que je vais te dire est extrêmement sérieux, d'accord ?
Je hausse un sourcil suspicieux. Depuis quand une demande pareille est-elle rassurante ? Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que ce qu'il s'apprête à dire est une annonce des plus importantes. Vous savez, il y a des moments comme ça dans une vie, où l'on sent que l'on passe un tournant important. Je sens que c'est un de ces moments.
Gabriel prend une longue inspiration avant de se lancer sous le regard scrutateur et amusé de l'étrange et inquiétant personnage qui l'accompagne.
- Voilà, l'homme qui m'accompagne est de la même espèce que la créature qui t'a attaquée il y a deux semaines.
J'ai aussitôt un mouvement de recul et je sens la panique monter. Pourquoi Gaby a-t-il amené un monstre chez moi ? Pourquoi me dit-il un truc pareil aussi sereinement ? Je ne peux pas croire que mon meilleur ami me trahisse ainsi. Le sourire du monstre s'élargit encore face à l'horreur qu'il m'inspire désormais. Je tourne le regard vers lui et sens à nouveau cette attirance surnaturelle malgré ma peur panique. Gaby ne me ment pas. Ce type est dangereux, je l'ai senti tout à l'heure et je le sens à nouveau ici et maintenant.
Gabriel n'esquisse pas le moindre geste vers moi, sans doute conscient qu'aucun mot ne saurait me rassurer tant que cette créature sera sous mon toit.
- Je l'ai amené ici dans l'unique but de te protéger.
- Me protéger ?! Tu fais entrer un inconnu chez moi, un monstre sous mon toit, et tu oses me dire que c'est pour ma protection ?! Tu te fous de moi ?! explosé-je finalement.
Gaby soupire, il semble perdu et paraît hésiter à continuer.
- Disons que, maintenant qu'un... démon t'a marquée, tu n'es plus en sécurité nul part. Ils te suivront où que tu ailles et tenteront par tous les moyens de t'emmener avec eux. Je me suis donc dis qu'avoir un démon avec nous pourrait être utile à ta survie.
Je reste sans voix, choquée et déboussolée. Un démon ? Pourquoi m'emmener ? Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai bien pu leur faire, je ne suis même pas croyante ! Et comment un démon pourrait avoir envie d'autre chose que de me trucider ? C'est un peu leur gros kiff dans la vie de tuer, non ?
- Angi, tu te sens bien ?
Il est sérieux là ?
- Mais oui, bien sûr, tout va bien ! Tu me parles de démons, de ma mort probable et prochaine, de protection, d'enlèvement, mais je me sens au mieux de ma forme, sombre crétin !
Je vois du coin de l'œil le démon retenir un nouveau rire moqueur mais je ne fais même pas attention à lui.
- Angi, je sais que ça doit paraître difficile à croire, voire même complètement sans queue ni tête, mais je t'en supplie, tu dois essayer de comprendre que...
- Que quoi !! le coupe-je. Que tu trouves amusant de te servir de mes problèmes pour un blague stupide qui semble bien faire marrer ton copain derrière ? Arrête de te foutre de moi, Gaby, j'ai compris ! Si tu ne veux plus me voir, si tu me prends pour une folle, alors va-t-en, je n'ai plus rien à te dire !
- Angi, écoute-moi, s'il-te-plait...
- DEHORS ! crié-je en pointant la porte d'entrée du doigt, hors de moi, au bord des larmes.
Mon ex-meilleur ami échange un regard circonspect avec le type derrière lui qui a brutalement cessé de sourire, comme s'il prenait peur tout à coup. Auraient-ils peur de moi ? Je dois vraiment faire peur à voir. L'inconnu hausse les épaules avant de s'adresser à mon ami d'une voix lasse.
- Tu dois lui dire, Gabriel, avant qu'elle ne fasse n'importe quoi.
Gaby soupire une nouvelle fois et se lève, l'air sombre, comme si l'inquiétude le rongeait. Quoi qu'il s'apprête à faire, il n'en a clairement pas envie et cet énergumène lui force la main.
- Et je peux savoir depuis quand tu te préoccupe d'elle, lance mon ami à cet inconnu dérangeant sans se soucier un seul instant de ma présence.
- Mais depuis que de sa survie dépend mon immortalité, l'ami, dit-il dans le plus serein des calmes et souriant presque gentiment.
Attend, quoi ? Son "immortalité" ? Qu'est-ce que c'est encore que cette mascarade. Gabriel lève les yeux au ciel avant de reporter son attention sur moi, plantant son regard azuré dans le mien.
- Angi, si tu avais la preuve que ce que j'avance est véridique, tu me croirais sur parole ?
- Évidemment, je ne suis pas idiote à ce point.
Il hoche la tête avec gravité.
- Très bien, dans ce cas, tu ferais mieux de prendre une chaise.
Je reste debout, fière et droite, les bras croisés, attendant qu'il me montre ses fameuses "preuves".
- Sans blague, miss, dit alors le sombre inconnu, vous devriez vous asseoir, le choc risque d'être un brin... violent.
Je souffle et lève les yeux avant de m'asseoir sans délicatesse sur une chaise.
- C'est bon, vous êtes contents ? Maintenant, montre-moi ces preuves.
Gabriel semble tendu à se rompre mais finit par se rendre à l'évidence : je ne cèderai pas un pouce de terrain. Il s'éloigne un peu de la table, comme s'il craignait de la briser d'une simple pichenette. L'inconnu s'écarte de mon ami pour se ranger à mes côtés les bras croisés. Gaby prend une grande inspiration et je crois discerner des filaments lumineux courir le long de son corps. La lumière gagne encore en intensité si bien qu'il me devient difficile de regarder. Mais je veux voir. Je dois voir. Pourtant, alors que la luminosité semble atteindre son paroxysme, une main se plaque devant mes yeux, m'empêchant d'admirer la scène.
Lorsque la lumière baisse enfin, l'étranger enlève sa main de mes yeux. Je lui lance un regard noir qui ne lui fait ni chaud ni froid avant de découvrir l'inimaginable.
Devant moi se tient mon ami de toujours, celui pour lequel je n'ai aucun secret, celui qui a toute ma confiance et mon estime, un compagnon de route fidèle et protecteur, qui se révèle soudain être une toute autre chose. Un inconnu, lui aussi. Vêtu d'une armure scintillante, une longue épée soigneusement rangée dans son fourreau, une cape nacrée claquant derrière lui contre un vent que je ne peux sentir souffler, une pair d'ailes plus blanches que le blanc le plus pur s'ébrouant dans son dos, mon ami est métamorphosé. D'un jeune homme lambda qui affectionne les baskets usées et l'assemblage jean-chemise, Gaby est devenu un ange. Non. Ce n'est plus Gaby. C'est Gabriel. L'archange Gabriel. Face à cette révélation, mon esprit déraille et mon corps défaille. Je tombe inconsciente sur le sol.
VOUS LISEZ
Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]
ParanormalLa Terre se meurt. Les mortels n'y pourront rien. Manipulés ou par les Archanges, ou par les Démons, les mortels ne sont que des marionnettes entre les mains d'immortels. Mais une jeune femme pourrait bien changer la donne... Angélique, une jeune fi...