Chapitre 4

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Allongée face à la fenêtre, jambes repliées contre elle-même et observant les lueurs des rares voitures qui passaient en bas, à travers le rideau, Natasha combattait le sommeil. Elle ne devait pas dormir. Pas cette nuit. Elle ne savait que trop bien que le sommeil ramènerait tous ces souvenirs qu'elle travaillait si fort pour réprimer. Un cauchemar ne venait jamais seul. En faire un, aussi rares pouvaient ils maintenant être, voulait chaque fois dire que la nuit serait longue et pénible. Et surtout mouvementée. Elle ne devait pas dormir. Elle devait simplement attendre que Steve s'endorme, puis elle se relèverait et irait terminer la nuit sur le balcon. Il devait bien lui rester une clope ou deux dans son sac. Nathasha n'était pas une fumeuse aguerrie, loin de là, mais l'activité, tout aussi singulière et toxique pouvait-elle être, avait toujours eu l'effet de faire passer les heures, en ces nuits de torture où elle luttait pour rester éveillée.

La respiration de Steve, derrière elle, devint plus régulière. Elle devina qu'il glissait lentement vers le sommeil. Quelques minutes encore, et elle pourrait y aller. Elle ne voulait surtout pas le réveiller encore. Elle ne voulait pas lui partager tout ça. C'était son fardeau à elle. Lui, avait bien assez de ses propres cauchemars sans devoir endurer les siens. Il devait être assoupi depuis près d'une demi-heure lorsqu'elle jugea qu'elle pouvait se lever. Mais au moment ou elle s'apprêtait à replier ses jambes contre le rebord du lit, elle sentit quelque chose glisser vers elle. Un simple toucher. C'était si léger qu'elle crut d'abord qu'elle s'était endormie, et qu'elle rêvait. Mais elle reconnut bien quatre doigts qui glissaient dans le creux de sa taille, et un pouce qui faisait pression contre elle en faisant des allées et venues contre son dos. C'était tout. Mais c'était assez pour savoir qu'il ne dormait pas. Elle sentit les larmes monter à nouveau, et cacha son visage de ses mains, comme s'il avait pu la voir même si elle lui tournait le dos. Il ne retira pas ses doigts. Ne stoppa pas les aléas de son pouce. Mais demeura silencieux. Les mains toujours sur les yeux, elle finit par se retourner sans le voir. Sa main, à la fois si rugueuse et si chaude, demeura contre sa hanche et le mouvement de son tour sur elle-même ayant soulevé quelque peu sa camisole, elle sentit que le pouce caressait maintenant sa cicatrice. Celle qu'elle avait sur le bas ventre. Un souvenir d'une vie antérieure que lui avait laissé le soldat de l'hiver.

- Tu devrais dormir, tu sais... lui dit-elle à travers ses mains qui lui couvraient toujours le visage.

Elle lui devina un sourire. Le mouvement de son pouce s'arrêta. Hésitante, elle baissa ses mains, lui révélant pour la première fois son visage maculé de larmes. Il n'eut aucune hésitation.

- Je ne voulais pas que tu sois toute seule.

Sa voix grave et le souvenir de cette journée qui lui semblait être à des années lumières de là où ils étaient maintenant, où elle était allée le rejoindre aux funérailles de Peggy pour lui donner exactement la même réponse, la firent éclater en sanglots. Elle remonta ses mains pour couvrir son visage, puis l'entendit murmurer un « viens là... » et l'attirer contre lui. Elle colla son front à son torse alors qu'il la serrait dans ses bras, sentant sa main caresser ses cheveux à l'arrière de sa tête. Elle eut l'impression de pleurer vingt ans de larmes indomptées. C'était trop et pourtant, elle sentait que ce ne serait jamais assez. Il ne desserra jamais son étreinte. Elle le sentit appuyer son menton sur le dessus de sa tête. Comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. La chose à faire. Lentement, elle sentit que les battements de son cœur ralentissaient, comme s'ils cherchaient à se mettre au diapason avec ceux, plus calmes, de Steve. Elle en vint à se demander comment elle avait survécu à toutes ces nuits de cauchemars sans l'avoir à ses côtés.

Elle ne comprit pas c e qui la poussa à parler. Était-ce la douceur de son étreinte, le calme de sa respiration ou encore le rythme de ses doigts qui s'emmêlaient et s'entre-démêlaient à travers sa longue chevelure rousse, elle n'en avait aucune idée. Toujours était-ce qu'elle finit par prendre une grande inspiration, et sans bouger ni relever la tête, se mit à lui raconter ce qui avait été sa vie d'avant.

L'Entre guerres [COMPLET!]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant