Chapitre 3

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Il était tard. La nuit berlinoise était fraîche. Assis sur le balcon de sa chambre d'hôtel qui donnait sur la rue puis le parc, Steve griffonnait en silence. La rue était presque déserte, n'était-ce que pour quelques passants qui circulaient en bas, sortant d'un resto ou cherchant un bar pour finir la nuit. Il avait presque oublié ce que c'était. La vie. En quittant le gymnase, ils s'étaient arrêtés dans une petite épicerie que Steve savait encore ouverte à cette heure. Ils avaient ramassé quelques provisions et étaient venus manger sur le balcon, regardant le temps défiler lentement devant eux. C'était donc ainsi qu'ils faisaient, les gens normaux. Ceux qui ne devaient pas sauver le monde. Ceux qui n'étaient pas les visages les plus recherchés d'Amérique. Steve s'avoua qu'il les enviait de pouvoir vivre ainsi chaque jour, chaque soir, chaque nuit...

Natasha était assise par terre à côté de sa chaise, ses jambes allongées devant elle et le dos appuyé contre le mur, terminant leur deuxième bouteille de vin de la soirée. Ni lui, ni elle ne parlait. Mis à part les lointains bruits du quartier tranquille, seul le son du graphite dansant sur le papier agrémentait leur veillée nocturne. Steve termina enfin sa coupe de vin, qu'il avait posée sur le rebord du balcon, puis laissa tomber sa main et son verre au sol vers Natasha, qui agrippa la bouteille posée près d'elle et entreprit de le ravitailler. Elle ne put en verser que quelques millilitres que déjà, la bouteille était vide.

- ...et c'est ce qui termine notre soirée ! s'exclama-t-elle alors qu'il ramenait le verre à ses lèvres.

- On aurait vraiment dû prendre une autre bouteille, lui répondit-il en reposant sa coupe sur la balustrade.

- Ne jamais s'ennivrer en mission, rétorqua Natasha en levant son verre et en avalant le peu de liquide qui s'y trouvait encore.

- On n'est pas en mission...

- ...ou en cavale, peu importe. Ne jamais oublier de garder l'esprit vif et d'être en pleine possession de ses moyens.

- J'te connais mieux que ça, Romanoff, je sais que tu es capable d'en prendre.

Elle haussa les sourcils et tourna enfin la tête vers lui.

- Dit celui qui n'est pas capable de s'enivrer !

Il eut un sourire alors qu'elle se relevait en grimaçant.

- Ces balcons de béton ne sont visiblement plus du confort qu'ils ont déjà été, avoua-t-elle en s'étirant.

- C'est l'âge. Attends d'avoir près de cent ans, tu vas voir...

Elle ramassa la bouteille au sol, puis se tourna vers la porte de la chambre.

- Sur ce, bonne nuit ! Contrairement aux vieillards, les trentenaires ont encore besoin de dormir !

Elle disparut dans la chambre alors que Steve riait en secouant la tête, pour réapparaître dans le cadre de la porte au bout de quelques secondes seulement.

- Et je t'interdis, Steve Rogers, de dormir dans le fauteuil cette nuit. Je te promets que personne ne saura que tu as partagé le lit de la célèbre Black Widow, et de toute façon, je te connais assez bien pour savoir que ma vertu n'a rien à craindre !

Elle re-disparut aussi vite qu'elle était partie, et Steve ne put s'empêcher de sourire.

Il griffonna encore un moment, sous la lueur des réverbères. Il avait toujours aimé la nuit. Ce moment où tout semble s'arrêter, où tout le monde disparaît. Il n'avait jamais été un grand dormeur, et il adorait ce moment de la journée où il était seul au monde, comme si tout autour avait soudainement disparu. La nuit avait quelque chose de rassurant, d'enveloppant comme du velours. Quelque chose de magique. Du coin de l'œil, en tournant la tête, il pouvait voir l'ombre de Natasha allongée, face contre le matelas. Steve devinait qu'elle s'était probablement endormie quelque part entre la lumière de chevet et l'oreiller. C'est là qu'il réalisa à quel point il était plus léger. Sans trop comprendre pourquoi, la savoir avec lui, avec eux, était venu donner un sens à leur cavale. Lorsqu'il avait laissé Bucky au Wakanda, et qu'il s'était retrouvé seul avec Sam et Wanda, un immense sentiment de responsabilité s'était, sans le vouloir, déposé sur ses épaules. Il était responsable d'eux. Il devait prendre soin d'eux. Mais maintenant qu'elle était là, c'était comme si elle venait de l'en alléger d'une moitié. Probablement même davantage.

L'Entre guerres [COMPLET!]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant