L'Entre guerres [COMPLET!]

Chapitre 22

Il faisait encore nuit.  Le matin était loin devant.  Pourtant Steve ne dormait pas.  Il restait là, allongé sur le dos et bras derrière la tête, à regarder Natasha dormir, couchée sur le ventre, les couvertures lui couvrant tout juste les jambes à partir du bassin et son dos nu se soulevant presqu'imperceptiblement au rythme de ses lentes respirations.  Il ne dormirait plus jamais.  Il s'en était fait la promesse impossible.  Plus jamais il ne gaspillerait une seule minute du temps qu'il pouvait passer avec elle.  Et dormir était maintenant devenu une perte de temps considérable.

Jetant un coup d'œil au cadran qui se trouvait sur le petit meuble près du lit, il réprima un soupir.  S'il avait choisi de combattre le passage du temps, le temps, lui, s'en fichait.  Steve se tourna vers Natasha et passa une main dans ses cheveux courts.  Lui dégageant la nuque, il y posa un baiser délicat qui la fit frissonner avant de lui parler doucement au creux de l'oreille. 

« Il faut y aller, Tasha.  Sam et Wanda nous attendent. »

Elle eut un grondement.  Il eut un sourire.  Jamais il n'aurait pu s'imaginer un tel aspect de sa personnalité.  Elle se tourna lentement, s'étirant sur le côté tout en lui tournant toujours le dos.  Il l'embrassa rapidement sur l'épaule avant de s'asseoir et de poser les pieds au sol.  Ils avaient déjà trop traîné.  Il se leva et contourna le lit, en quête de son sac et de quelques vêtements.  Encore brouillon, elle demeura allongée quelques instants, la joue appuyée sur sa main à le regarder s'activer.  Elle demeura silencieuse mais en levant les yeux vers elle, Steve sut que sa tête se livrait à un véritable discours.  Il en était ainsi depuis des années, depuis bien avant le début de leur cavale : il pouvait entendre Natasha Romanoff penser.  Sans toujours savoir à quoi, il saisissait assez bien le langage muet de son visage.  Cette façon dont elle disparaissait derrière son propre regard trahissait toujours une réflexion profonde.  Une préoccupation certaine.  Il joua les ignorants, et s'adressa à elle comme s'il n'avait rien remarqué. 

- Bien que j'aimerais beaucoup continuer de flâner avec toi dans cette chambre, on doit partir, Tasha.

Il put lire sur son visage qu'elle n'était pas dupe, et qu'elle savait pertinemment où il voulait en venir.  Elle céda.

- Je suis désolée, Steve. Sincèrement. 

Il ferma les yeux.  Comment pouvait-elle...?

- J'aurais dû... poursuivit-elle, le regard vide.  J'aurais dû...

- Tu n'aurais dû rien du tout.

Il s'approcha du lit et s'agenouilla devant elle, alors qu'elle s'assoyait en s'emballant dans les couvertures.

- J'aurais dû être plus insistante.  Trouver les mots justes.  Faire en sorte que tout ceci n'arrive pas.  J'aurais dû...

- Hey...

- J'aurais dû te convaincre.  Même si c'était la moins bonne des solutions.  Ce jour-là, en Angleterre, j'aurais dû trouver les mots justes.  Te convaincre de rester...

- Arrête.  Tu sais très bien que ça n'aurait rien changé.  On ne change pas le passé.  On ne peut pas voyager dans le temps.  Ce qui est fait est fait.  Et visiblement, à te regarder là avec ta couverture, je trouve qu'on s'en n'est pas si mal tirés.

Elle eut un léger sourire, quoique visiblement non convaincu.

- S'il leur était arrivé quelque chose... poursuivit-elle.  Si Wanda, ou Sam, avaient été... Je crois que je n'aurais jamais pu me le pardonner.

- Stop.  Arrête de porter le sort du monde sur tes épaules.

- Je suis un Avenger, Steve, c'est mon travail d'avoir le monde sur le dos.