L'Entre guerres [COMPLET!]

Chapitre 11

Lorsqu'il sortit de la douche et regagna la chambre à coucher, Steve trouva Natasha endormie, face contre l'oreiller. Il eut l'impression que son cœur se serrait. Quand était-elle devenue une si grande dormeuse ? Il n'en avait aucune idée. Il avait toujours eu l'impression que Natasha Romanoff passait ses nuits à réviser des plans d'attaque et à frapper sur quelque mannequin d'entraînement quelque part dans le gymnase. Natasha Romanoff ne dormait pas. Natasha Romanoff veillait. Mais depuis qu'elle était atterrie dans sa chambre de Berlin, une semaine plus tôt, il l'avait découverte toute autre. Cette manie qu'elle avait de s'endormir sur le ventre, visage tourné vers lui et couvertures rapidement rabattues au pied du lit... Elle était en train de le rendre complètement dingue. Jamais il ne s'était senti ainsi. Rien, aucun mot ne pouvait expliquer ce qu'il vivait. Tout avait été si soudain, si imprévu... Peut-être était-ce cela, la vie de fugitif. Chaque jour comptait, puisqu'on ne savait pas de quoi demain serait fait. Alors tout devenait plus vrai, plus intense. Vital. Ou peut-être était-ce simplement elle. Peut-être que Natasha Romanoff était tout simplement synonyme de passionnel et de sans limites.

Il enfila un pantalon et un t-shirt puis demeura un long moment debout, près de la fenêtre, à observer Natasha dormir. Tout ce qu'elle était pendant la journée semblait disparaître du moment où elle glissait vers le sommeil. Il y trouvait là une femme délicate, vulnérable... Rien à voir avec l'espionne experte en armement qu'elle montrait au reste du monde. Il se surprit à la détailler du regard. Ses courts cheveux blonds, et cette fameuse couette rebelle qui ne semblait jamais vouloir quitter son visage. Ses épaules musclées, presque nues si ce n'étaient des bretelles de sa camisole. Son dos, qui se soulevait lentement au fil de ses respirations. Ses jambes, si petites mais qui semblaient courir à l'infini à travers le brouhaha qu'elle créait avec les draps. Il ne pouvait s'empêcher de songer à Peggy. À celle qui avait été. Il songeait à ce qu'elle avait représenté pour lui. À ce qu'elle avait vécu, sans lui, toutes ces années. Il l'avait aimée et longtemps, il avait cru qu'il ne pourrait jamais aimer quelqu'un d'autre, du moins pas autant. Il découvrait maintenant qu'il était possible d'aimer à nouveau. Et qu'aimer à nouveau ne voulait pas dire oublier l'amour passé. Mais ne voulait pas non plus dire aimer moins. Il se surprit à utiliser ce verbe. Aimer. Était-ce ce qu'il ressentait pour Natasha ? L'expression semblait si immense, et pourtant il ne trouvait rien qui pourrait remplacer ce mot. Il ne lui avait pas dit, mais c'était bien de l'amour qui se nichait au creux de lui, de plus en plus chaque jour. Il n'était pas né lors de cette première nuit à Berlin. Il était là depuis bien plus longtemps, des mois, peut-être même des années, et attendant, patiemment, de se développer assez pour que Steve puisse enfin se rendre compte de sa présence.

Il se glissa lentement sous les draps et l'effet fut instantané; Natasha se rapprocha de lui comme un aimant. Elle ne dormait pas. Il passa lentement une main dans ses cheveux, libérant son visage de cette éternelle couette rebelle puis déposa un baiser contre sa tempe. Il la vit immédiatement se détendre, puis sentit son bras qui l'agrippait par la taille, passant sous son chandail.

- Alors, lui demanda-t-elle d'un murmure niché au creux de son cou, où est-ce qu'on va aller ?

Il eut un soupir.

- J'en sais rien. Comme tu as dit, l'Asie n'est probablement pas la meilleure des idées. Il faut donner à Sam le temps de bien se remettre sur pied.

Il l'entendit réfléchir, et il sut qu'elle avait une idée. Une de ces idées qu'elle n'osait pas encore lui révéler. Il ne parla pas, la laissa cogiter. Elle était comme ça. Elle avait besoin de son silence. Au bout d'un moment, elle se recula un peu, assez pour qu'il puisse voir son visage.