Steve avait fait ce rêve un millier de fois au moins. La porte de la petite maison du New Jersey était entrouverte. Dehors, il pouvait entendre les enfants qui jouaient dans la rue. Le bruit des klaxons des voitures, si caractéristique de l'époque. Le laitier. Les gens qui se saluent. Les années deux mille avaient ceci de différent; elles étaient à la fois beaucoup plus bruyantes, mais en même temps infiniment plus silencieuses. Dans son rêve, il retrouve enfin sa vie d'avant. Celle qui était plus simple. Routinière. Réconfortante. L'odeur de la cuisine qui enveloppe toute la maison, tout comme la musique qui ne s'arrête jamais. L'inconfort de ses vêtements d'autrefois lui revient en mémoire et pourtant, jamais dans ce rêve il ne lui vient à l'idée de les échanger contre autre chose de plus moderne. Il connait ce songe par cœur. Il a dû le faire encore et encore, pendant toutes ces années où il était coincé sous la glace. Il lui arrive encore de le faire régulièrement. C'est toujours la même chose, à quelques détails près. Les enfants changent, mais chaque fois il sait qu'ils sont les siens. La maison n'est pas toujours la même, mais toujours il sait qu'il est chez lui. La musique varie; parfois il s'agit de Bing Crosby, d'autres fois Harry James, ou Glenn Miller. Une seule chose ne change jamais. Elle. Ses cheveux bruns nattés comme elle seule savait le faire. Le rouge de ses lèvres... Le rêve commence toujours de la même façon, et elle est toujours au même endroit. La cuisine. C'est là où il la retrouve à chaque fois. Il s'entend appeler son prénom. « Peggy ». C'est à ce moment qu'elle se retourne et qu'il revoit enfin ses petits yeux noirs. Qu'il attrape sa main blanche et l'attire contre lui. Qu'il la fait danser dans ce rêve qui semble durer des heures. Mais il ne l'embrasse jamais. Il n'y arrive pas. Chaque fois, le réveil est trop abrupt. Comme si le destin en avait décidé autrement.
Cette fois ne fait pas exception. La maison est tellement emplie de bonheur. Les enfants courent à l'extérieur et il se voit sur le perron, leur disant de ne pas trop s'éloigner. Que leur mère aura bientôt terminé de préparer le repas. Puis il entre. Il ne porte même pas attention à la musique. Qui chante cette fois-ci ? Il s'en moque. Il n'a envie que d'une chose : la revoir enfin. Comme toutes ces fois auparavant, il débouche dans la cuisine. Il la voit, ne distinguant que ses longues jambes nues sous sa robe à pois. Elle lui tourne le dos, penchée à sortir quelque chose du four. Il sourit. Il s'entend qui l'appelle, et c'est là qu'il réalise que quelque chose est différent. Ce n'est que lorsqu'elle se redresse en se retournant qu'il voit ce qui a changé. Sa tresse brune a laissé place à une coupe plus courte d'un blond presque blanc. Ses yeux noirs sont devenus verts. Elle ne porte presque pas de maquillage. Et pourtant, son cœur à lui bat toujours aussi fort. Il la regarde, la prend par sa main blanche et l'attire à lui en murmurant encore une fois son nom : « Tasha ».
Le réveil est instantané et le prend par surprise. Soudain, Steve est de retour dans la chambre d'amis de la maison des Barton. La noirceur emplit la pièce, que seule la faible lueur de la lune éclaire d'une lumière grise. La musique a disparu. Le silence est total. Lui qui a l'habitude de ce rêve en est pour la première fois perturbé. Habituellement, au réveil, le rêve est comme un souvenir lointain, mais agréable. Quelque chose dont il garde une certaine nostalgie, comme lorsqu'on regarde un vieil album de photos. Mais cette fois-ci, il a l'impression que le rêve l'habite encore. Qu'il ne veut pas le quitter. Il jette un œil à sa droite : Natasha dort paisiblement, encore une fois allongée sur le ventre, la tête tournée vers lui. Le rêve lui perce encore les os. Ce regard qu'elle avait. La sensation de sa main dans la sienne. De son corps contre le sien. Il n'a maintenant qu'une envie, et c'est de retrouver la chaleur de sa peau. De revivre ce moment encore, et encore. Il se tourne vers elle et étire la main gauche vers le visage de Natasha, qu'il dégage encore de sa fameuse couette rebelle. Il la rabat derrière son oreille, sachant pertinemment que l'opération sera à recommencer dans quelques minutes. Il s'attarde, prend son temps, recherchant le même sentiment que celui qui l'a abruptement quitté au réveil. Mais la sensation de ses doigts sur la tempe de l'ex espionne ne comble pas le vide qu'il ressent maintenant au fond de lui. Steve soupire et ferme les yeux. C'est plus fort que lui. C'est comme une drogue. Il ne pourra penser à autre chose tant que son besoin d'elle n'aura pas été assouvi.
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L'Entre guerres [COMPLET!]
Fanfiction"Staying together is more important than how we stay together." Voici le récit des années cachées des Secret Avengers, entre Civil War et Infinity War. Du moins, ma version à moi... Romanogers, soyez servis !