Chapitre 11 : Two of us

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Abattant mon poing fermé à plusieurs reprises contre la porte, je hurle espérant surpasser le bruit du sèche-cheveux, allumé depuis au moins quinze minutes.

— Lou, magne-toi, on va être en retard.

L'appareil se tait enfin et la porte s'ouvre brusquement sur le visage souriant de mon frère.

— C'est bon, détend-toi, on est large. Et puis, contrairement à toi, je suis beau gosse alors il faut que je soigne mon look.

— La vraie beauté est naturelle crétin, pas besoin de passer trois plombes dans la salle de bain pour ça.

— Dixit le mec qui ne sait pas se servir d'un peigne.

Passant les doigts dans mes mèches brunes ébouriffées, je lui montre le majeur de mon autre main et disparais dans le couloir vers la porte d'entrée.

— Si t'es pas prêt dans cinq minutes, j'me casse sans toi. T'auras qu'à aller au bahut à pied.

— Je te piquerais ta moto, je sais où sont tes clefs.

— Dans tes rêves, fillette, faut être un homme pour la conduire.

Une masse rapide s'abat sur mon torse à la manière des rugbymen, manquant de me faire tomber en arrière et me coupant brutalement la respiration.

Il se redresse mort de rire alors que je lui décoiffe ses mèches plaquées en arrière le faisant grogner.

Sans cesser les chamailleries, nous grimpons dans ma voiture et prenons la direction du lycée, Lou, occupé à se recoiffer dans le miroir de courtoisie.

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— Salut, petit frère, je t'ai apporté des pensées, je sais que tu préfères les lys mais c'est pas vraiment la saison, alors...

Je m'abaisse et pose le bouquet aux tons bleu et violet contre la stèle gravée de ces deux dates horriblement proches, sous le nom de mon frère.

« Nous ne sommes que poussière, mais poussière d'étoiles. »

Cette épitaphe inscrite quelques mois après mon réveil quand j'ai enfin pu venir le voir.

Mes parents avaient décidé d'attendre ma sortie du coma pour qu'on puisse la choisir ensemble.

J'avais besoin de quelque chose qui me rattache à lui et n'ayant pas pu être là le jour de son envole, j'avais eu le privilège de définir quels seraient ces derniers mots.

Je m'étais alors souvenu de nos longues soirées d'été allongés sur une couverture, dans l'herbe ou dans le moindre endroit où nous pouvions contempler le ciel. Nous passions des heures à discuter et nous disputer sur des sujets sans grande importance. Le principal étant d'être ensemble.

— Je sais que ça fait un moment que je ne suis pas venu te voir, mais tu sais comme je suis. J'ai tendance à toujours reporter au lendemain les choses que je dois faire. Surtout quand elles me font souffrir et me rappeler que mon cœur bat depuis beaucoup trop longtemps sans le tiens.

Me triturant nerveusement les doigts, je jette un rapide coup d'œil autour de moi pour m'assurer d'être seul. Je me sens parfois un peu ridicule de parler tout seul, mais j'aime imaginer que Louis est juste à côté de moi à écouter mes divagations, sans oublier bien sûr de me taquiner comme il avait si souvent l'habitude de le faire.

— Ça fait dix ans que je me dis qu'un jour j'aurais la force de remonter sur une moto et pourtant ma veste et mon casque prennent la poussière dans le fond d'un carton.

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