LE PORTRAIT DE PANSY, ARYA, TIFFANY, LE GARÇON TACITURNE ET INQUIÉTANT.
Tiffany est toujours au fond de la scène en train de contempler le portrait. Le garçon taciturne est revenu sans Pansy, et se tient au fond sur le côté opposé à elle. Arya est sur le devant de la scène, l'air méditative. Le garçon taciturne la regarde.
ARYA. J'ai souvent cru que la guerre et les choses matérielles étaient les seules à pouvoir tuer. Mais je me suis trompée. L'art aussi peut tuer. L'art ne sert absolument à rien, il peut soigner, mais il peut aussi tuer. Il soigne ceux qui le regardent, mais ils rongent de l'intérieur ceux qui l'ont créé. Un roman peut tuer.
Croassement de corbeau menaçant et masculin dans les coulisses
ARYA. Une pièce de théâtre peut tuer.
VOIX DE MÖRDER. dans les coulisses RUHIGEN !
ARYA. Un portrait peut tuer.
Un hurlement hystérique de Pansy retentit, suivi d'un grondement sourd. Tiffany lève la tête vers Arya et se met à la regarder.
ARYA. Et l'amitié aussi peut tuer.
VOIX DE DAF. dans les coulisses Mais je te dis que c'est un ver ! Un ver momifié !
VOIX DE GOTH. dans les coulisses C'est pas un ver, c'est un lombric !
ARYA. Et si l'amitié aussi peut tuer, alors pour ce qui est de l'amour, n'en parlons pas.
Un grand gémissement de Sereine lui répond depuis les coulisses.
VOIX DE MÖRDER. dans les coulisses Ruhigen...
ARYA. Et la mort aussi peut tuer, bien évidemment.
VOIX DE ROYALINE. d'un côté opposé des coulisses Bon appétit !
ARYA. L'art fait bien pire que de tuer : il ronge de l'intérieur, exactement comme un ver qui est rentré dans votre oreille et qui vous pond des idées bizarres dans la tête. Mais la différence avec l'art, c'est qu'on aime le sentir nous ronger de l'intérieur. On aime le sentir nous pondre des idées bizarres dans la tête. C'est ça, le pouvoir de l'art, un pouvoir qui le rend bien supérieur à la société, et tout aussi fatal qu'elle, mais une fatalité dans laquelle on a envie de se laisser plonger. Une fatalité qu'on aime et à laquelle on est profondément attachés, même si on n'est pas toujours sûrs de bien la connaître.
Le psy vient donner un dessin à Arya, puis repart.
ARYA. laissant tomber le dessin de Fatalité à terre On aime se sentir aspirés par le plaisir de l'art, même quand on sait que ça peut nous tuer.
VOIX DE PARADOX. depuis les coulisses Comme dans L'Assassin Royal !
Le corbeau à corps d'homme vient donner un fouet à Tiffany, puis repart.
TIFFANY. Tu oublies les coups.
ARYA. Hein ?
TIFFANY. Les coups aussi tuent. Les coups de poignard. Les coups de revolver. Les coups de poing. Les coups de pied. Les coups de reins. Les coups de la culpabilité. Les coups du passé, les coups du présent, les coups du futur. Les coups du temps.
ARYA. Les coups de l'art.
TIFFANY. Les coups de fouet.
Elle assène un coup à Arya.
ARYA. Aïe ! Mais qu'est-ce que tu fais ?!
TIFFANY. Je vais te montrer que les coups peuvent tuer.
ARYA. NON ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas être rouée de coups et laissée à l'abandon, sans savoir comment rentrer chez moi, je ne veux pas devenir une forêt noirâtre, ni un marécage putréfié et écarlate ! Je ne veux pas devenir une carcasse pourpre ! Je ne veux pas devenir un cadavre ! Mais moi, j'ai un pouvoir qui peut contrer celui de tes coups !
TIFFANY. Ah oui ? J'aimerais bien savoir lequel !
ARYA. Le pouvoir des mots ! Je possède le pouvoir des mots ! C'est moi qui ai eu le plus grand nombre de tirades au cours de la pièce ! Je maîtrise le pouvoir des mots !
TIFFANY. Le pouvoir des mots ? Peuh ! Et alors ?
ARYA. Et alors, les mots tuent !!
Elle repousse Tiffany, qui lâche son fouet. Le corbeau à corps d'homme passe le reprendre tandis que Tiffany recule vers le portrait qu'elle a laissé tomber au moment où elle a pris le fouet à la place. Arya s'approche d'elle. Le garçon taciturne et inquiétant ne fait rien d'autre que d'observer la scène.
ARYA. Idiote !
Tiffany pousse un cri et s'étale à terre.
ARYA. Imbécile ! Abrutie ! Crétine ! Garce ! Sale conne !Connasse ! Pétasse ! Pute ! Sale pute ! Sale chienne ! Grosse tchoin ! Saloperie de ver qui pond des œufs dans mon oreille !
Tiffany est à l'agonie, étalée à terre. Arya prend le portrait et le brandit devant elle. Elle semble sur le point de le déchirer quand un grondement sourd, accompagné d'un nouveau hurlement hystérique de Pansy, retentit.
ARYA. Des choses horribles vont encore se passer si je fais cela. Il vaut mieux s'en aller.
Elle pose le portrait par terre, au centre de la scène, et tourne les talons. Les insultes qu'elle a assénées à Tiffany sont successivement affichées autour de la projection du portrait. Arya, sur le point de retourner en coulisses, s'arrête, se retourne vers la feuille du portrait en semblant hésiter, mais finit bel et bien par la laisser là. Elle s'en va.
Le garçon taciturne et inquiétant la regarde partir jusqu'à ce qu'elle ait disparu, et tourne à son tour son attention vers la feuille posée à terre. Il va faire un tour autour, mais ne la récupère pas. Il traîne le cadavre de Tiffany du même côté que celui où il avait tiré le cadavre de Royaline. À partir de là seulement, les insultes disparaissent et le portrait de Pansy est de nouveau seul à être affiché, dans le même état pitoyable que celui sur la feuille. Noir de transition.

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DYSTOPIA
Random« Papa ! Papa, j'ai un ver dans l'oreille, papa ! J'ai essayé, j'arrive pas à l'enlever ! » Avez-vous jamais rêvé de pouvoir entrer dans le subconscient des gens ? De savoir ce qu'il se passait dans la tête des violeurs et des assassins ? De pouvoi...