LE PORTRAIT DE PANSY, ARYA, LE GARÇON TACITURNE ET INQUIÉTANT, TIFFANY.
Faible lumière. Arya est arrivée sur la scène, suivie du garçon taciturne et inquiétant. Il reste en retrait, mais Arya est placée à l'avant, les mains jointes sur la poitrine, l'air absorbé par quelque-chose.
ARYA. J'adore les histoires qui se finissent mal. J'adore les histoires où il y a des gens qui meurent. J'adore les histoires où les gens sont torturés. J'adore les histoires où les gens se font violer. J'adore les histoires où les gens se font battre. Je trouve ça super satisfaisant. Ça m'excite beaucoup. Si, ça m'excite, c'est vrai.
Pendant qu'elle parlait, Tiffany est discrètement arrivée sur scène avec sa cape et son masque, et s'assoit près de l'endroit où se trouve le garçon taciturne et inquiétant. Elle écoute Arya.
ARYA. Non, vraiment ! Vous me trouvez bizarre, mais moi je trouve que c'est une bonne chose d'aimer les histoires où les gens meurent, se font torturer, violer et battre ! Parce qu'au moins, on risque pas d'aimer ça dans la vraie vie ! On aime juste ça dans les histoires, parce que c'est une dénonciation, et que ça nous permet de voir les choses d'une autre manière, et qu'on se met à la fois dans la peau de la victime et du bourreau, et qu'on comprend que c'est mal ! C'est la seule manière de comprendre que c'est mal !
Si les gens lisaient plus de romans où les personnages meurent, se font torturer, violer et battre, il y n'aurait plus aucune guerre dans le monde ! Y aurait plus aucune torture ! Y aurait plus aucun viol ! Y aurait plus aucune violence ! C'est la guerre qui apporte la torture, le viol et la violence ! C'est la guerre qui fait couler du sang pour rien ! C'est la folie humaine, c'est l'arrogance humaine, c'est l'amour-propre et la vanité des humains qui leur fait perdre la tête !
Bruit sourd et éclairage inquiétant. Des cicatrices profondes et des taches de sang apparaissent sur le portait de Pansy. Tiffany se lève et passe juste derrière le garçon taciturne et inquiétant.
ARYA. J'ai plus envie de me cacher ! Oui, moi j'aime les histoires où y a de la violence, j'adore que les héros se fassent torturer, et violer, et battre ! Je trouve ça satisfaisant, parce que ça me permet d'exprimer mes pulsions meurtrières en me mettant dans la peau du méchant, de les mesurer en me mettant dans le peau du gentil, et de les calmer en redevenant moi-même et en réfléchissant à ce que je viens de lire ! Comme ça, j'ai envie de satisfaire mes pulsions meurtrières dans la fiction, et j'ai pas envie de les voir se réaliser dans la vraie vie ! Je suis pas une meurtrière, moi ! Les meurtriers, ils lisent pas, ou alors ils comprennent rien au sens des livres !
Tiffany sort distinctement un couteau de sa cape et poignarde le garçon taciturne et inquiétant.
ARYA. JE SUIS PAS UNE MEURTRIÈRE !!
Tiffany s'éloigne du garçon taciturne et inquiétant, lequel reste et gît à terre.
ARYA. Moi, je suis contre le meurtre et la guerre ! Je déteste le meurtre et la guerre ! Je veux qu'on continue de faire passer le meurtre et la guerre dans la fiction pour pouvoir en laver la réalité ! J'en ai marre de la folie humaine ! Je veux qu'on fasse passer toute la folie humaine du monde dans la fiction pour pouvoir en laver la réalité !
Tiffany s'enfuit et le garçon taciturne et inquiétant se relève et s'époussette.
ARYA. Et moi, je pense que tout-le-monde devrait savoir lire ! Les femmes aussi ! Que tous les enfants du monde devraient pouvoir aller à l'école,au moins pour apprendre à lire, à écrire et à compter ! Les filles aussi ! Lire, écrire et compter, c'est tout ce qui compte. Je m'en fous des fonctions affines et des politiques d'agglomération que les villes ont essayé de mettre en œuvre et qui ont jamais marché ! Tant que je sais lire, écrire et compter, je peux vivre.
Je lis vite, trop vite des fois, mais dans ce cas je relis. J'écris, parce que c'est une activité exutoire, parce que je m'exprime et que ça fait du bien. Je compte, un peu mal, mon esprit inverse les chiffres, alors je les vérifie avec mes doigts, parce que j'ai la chance d'avoir dix doigts, de pouvoir les voir et m'en servir. J'ai de la chance, je sais lire, écrire et compter, j'ai tout ce qu'il faut pour vivre et être heureuse. Mais je ne peux pas être heureuse. Parce que la société dans laquelle je vis me force à faire des trucs qui m'emmerdent, qui me dépriment et qui me fatiguent, tout ça pour m'affaiblir, me rendre incapable de me soulever contre elle, et essayer de m'imposer des idées qui ne sont même pas les miennes dans la tête.
La société, c'est comme ce ver qui est rentré dans mon oreille : elle me fait peur, elle essaye de me pénétrer, elle pond des œufs à l'intérieur de mon corps, et les gens à qui je m'en plains pensent que ce n'est pas important, que ça passera, et que je ne suis qu'une ado en crise et une rebelle éperdue. Au public Mais méfiez-vous de la société, tous autant que vous êtes. Méfiez-vous des vers qui rentrent dans vos oreilles et qui pondent leurs stéréotypes et leur conformisme dans votre esprit.
Votre esprit naît libre, mais il est noyé sous les tentacules démoniaques du système tout-puissant, invisible, immatériel et imaginaire, et sous l'avalanche de billets de la surconsommation et du capitalisme, des billets que vous ne pouvez même pas attraper, et que les vers bouffent avant vous. Après, ils deviennent énormes, énormes d'argent, d'influence et de pouvoir, et vous devenez maigres, maigres comme un os frappé par les coups de la pauvreté, de la stupidité et de la faiblesse. Méfiez-vous de la société, je vous en supplie. Méfiez-vous des vers qui pénètrent dans vos oreilles pour vous tuer à petit feu.
Elle sort de la scène. Le portait de Pansy a désormais un grand sourire cruel. Le garçon taciturne et inquiétant reste immobile quelques longues secondes, puis soudain, quelque-chose le gratte à l'oreille. Les contrastes de la lumière font ressortir son ombre, et il tire un ver de son oreille. Il le jette sur le devant de la scène, où la lumière vient se braquer, et retourne en coulisses. Noir de transition.
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DYSTOPIA
Diversos« Papa ! Papa, j'ai un ver dans l'oreille, papa ! J'ai essayé, j'arrive pas à l'enlever ! » Avez-vous jamais rêvé de pouvoir entrer dans le subconscient des gens ? De savoir ce qu'il se passait dans la tête des violeurs et des assassins ? De pouvoi...