Avec le temps - ⁿᵃᵐᵍⁱ

19.

Feindre une focalisation dont il était à des années lumières de ressentir fût facile. Quoique, depuis combien de temps n’avait-il pas tourné la page ? Cinq minutes ? Dix minutes ? Les mots et les phrases dansaient devant ses yeux sans parvenir à former une cohérence logique pourvue de sens. Il lui semblait que la signification lui échappait. Et tout cela à cause de quoi ? Ou de qui plus précisément ? La réponse sautait aux yeux : à cause de Kim NamJoon bien évidemment. A cause de l’entêtement de celui-ci à rester à proximité, tout le temps ! Un soi-disant argument comme quoi ça ne lui posait aucun problème et que, essentiellement, veiller au confort de son convalescent constituait sa principale préoccupation. Mais s’il se souciait réellement de son confort, s’il lui disait de le laisser tranquille, pourquoi ne pas le faire et n’accourir que lorsque YoonGi aura besoin d’aide ? Mensonge ! NamJoon ne se souciait nullement du bien-être de YoonGi oui ! Il voulait juste satisfaire sa propre personne ! Ni plus ni moins !

"Je suis polyvalent, il a affirmé avec un rictus ; travailler tout en gardant un œil sur toi ressemble à un jeu d’enfant". YoonGi a failli l’éconduire vertement mais à quoi bon ? Ça ne lui aurait attiré qu’un visage blasé et un regard glacial. S’enfermer dans sa chambre fût une option vite délaissée parce que NamJoon trouvait toujours une excuse valable pour passer le voir toutes les dix minutes, et il a d’ailleurs semblé à YoonGi que ce dernier y prenait malin plaisir, comme s’il cherchait volontairement à l’enquiquiner. Voilà comment ils sont arrivés à se retrouver constamment dans la même pièce. Où que Min YoonGi se trouvait, Kim NamJoon devait assurément s’y tenir dans un rayon de cinq mètres.  

Sentir cette paire d’yeux sur lui contrariait YoonGi, alors ostensiblement, il tournait la page et feignait une concentration absolue. Son jeu de simulacre fut-il percé par son observateur ? Il espéra que non, il espéra que NamJoon n’y voyait que du feu. A vrai dire, ce n’est pas cette proximité que YoonGi détestait mais ce qu’elle a engendré, à savoir : lui permettre de découvrir tout un tas de petits détails sur l’autre. Chiant. Plus que chiant comme revirement de situation jurait-il entre les dents, parce qu’à force de rester à la longueur de la journée ensemble, lui aussi ne pouvait s’empêcher de lui jeter des longs regards, lorsqu’il pensait que celui-ci était absorbé.

Cette manie de froncer graduellement les sourcils, de plisser les yeux lorsque quelque chose dans ce qu’il lisait devait l’incommoder; la manière dont il laissait ses cheveux libres et indisciplinés à la maison, la façon dont ses fossettes apparaissent lorsqu’il riait. Au fil du temps, à force de passer du temps avec quelqu’un du matin au soir, on finit inévitablement par retenir ces légers détails en l’espace de plusieurs jours, qu’on apprécie ou non cette personne.
YoonGi évitait sciemment toute conversation prolongée, heureusement qu’il pouvait mettre cela sur le compte de l’harassement. Parfois, NamJoon le fixait avec suspicion et dans ce genre de moments, YoonGi choisissait de clore ses paupières tout en simulant un succinct bâillement pour ensuite contrefaire un semblant d’assoupissement, mais à certains moments aussi, il sombrait véritablement dans un léger sommeil dont il ne se réveilla qu’une heure plus tard, en tombant sur le visage souriant de NamJoon qui lui annonça avoir préparé une petite collation à son égard. Et en effet, NamJoon lui paraissait de plus en plus indéchiffrable et imprévisible. A un moment, celui-ci se comportait avec une infinie gentillesse mais à la seconde suivante, son air pouvait vous refroidir, voire vous donner envie de s’enfuir loin. Et YoonGi se perdait dans ces changements. Et ce n’était pas tant ces prompts changements de comportement qui l'agaçait mais bel et bien le fait qu’il s' en préoccupait ! Que d’une certaine manière, ça le touchait !  Il était supposé rester de marbre, comment disait déjà cette expression qu’HoSeok utilisait abondamment avant ? Il était censé adopté le : « I don’t give a damn fuck » !