17 - Faites entrer l'accusé

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Le veille du procès je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit, Manon non plus. A chaque fois que je réussissais à m'endormir, j'étais victime de terreur nocturne. Et quand je me réveillais en sursaut je voyais qu'elle me calmait déjà, signe qu'elle ne dormait pas non plus. Heureusement que j'ai pu compter sur elle durant cette terrible épreuve. Elle me tenait compagnie, compatissait à mon malheur et me rassurait... tout ce dont j'avais besoin. Le matin on se leva de très bonne heure pour se préparer à aller au tribunal. On était habillées de manières très classe et sans artifice extravagant. J'étais en stress total, malgré le climat plutôt doux je sentais des bouffées de chaleur. J'avais le visage rouge d'un mélange de colère et de peur.

Arrivée devant le tribunal je vis Awa, la maman de Nabil adossé contre un pilier, le regard vitreux comme hypnotisée par une force invisible. J'ai presque dû la secouer pour qu'elle puisse remarquer notre présence. Elle nous salua calmement, mais derrière ce voile de calme se masquait tout le désespoir du monde. Qui pouvait lui en vouloir ? Awa depuis le décès de son mari n'a eu qu'un seul et unique objectif dans sa vie : rendre son fils épanoui. Elle s'est battue corps et âme pour que Nabil ne tourne pas mal ou ne manque de rien. Quand on voit le résultat, on peut dire qu'elle a bien réussi. Savoir qu'on pouvait lui prendre sa seule raison de vivre sur des accusations non-fondées la détruisait petit à petit et c'était compréhensible.

On entra dans la salle en silence. L'atmosphère était tellement tendue qu'on avait l'impression que personne n'osait casser l'ambiance. On était les premières arrivées. La salle se remplissait petit à petit. J'appréhendai le moment où je poserai le regard sur Camille. Je risquai de devenir violente mais Manon était là pour veiller à ce que je ne pète pas les plombs. Elle avait du boulot la pauvre...

La salle se remplissait petit à petit et mon pire cauchemar se produisit : Camille apparaissait le visage rouge et bouffi comme une personne ayant pleuré des jours durant. J'étais hors de moi parce que je savais que son numéro de victime idéale allait réussir à amadouer le jury. Manon n'arrêtait pas de me caresser le dos de la main pour me calmer. Mais elle ne pouvait pas savoir ce que je ressentais, elle ne pouvait pas comprendre à quel point j'étais hors de moi. Quand j'en ai eu marre de l'entendre me chuchoter de me calmer, je me retournais vers elle pour lui dire de me lâcher un peu. En la voyant je compris tout de suite qu'elle n'était pas plus calme que moi. Elle ne voulait juste pas laisser exploser dans le tribunal mais elle était encore plus remontée que moi. Elle avait le regard fixé dans la direction de Camille, les yeux ronds injectés de sang... tout dans son expression faciale exprimait dégout et fureur. Elle continuait pourtant de caresser ma main et de me dire de me calmer machinalement comme un robot télécommandé.

Je me rendis compte que je n'avais jamais mesuré à quel point Manon devait elle aussi souffrir de cette situation. Elle appréciait beaucoup Nabil et lui était reconnaissante de nous avoir réconciliées mais elle souffrait aussi pour moi et ce que je vivais. Je lui fis alors une petite pression sur la main pour avoir son attention. En se tournant vers maman Awa, on convint toutes les deux, Manon et moi qu'il valait mieux qu'on se calme pour tenir la promesse faite à Nabil de veiller sur sa maman.

Quand Nabil entra dans la salle, mon cœur reçut une bouffée de chaleur que je n'avais eu que très rarement ces temps-là. Il était d'une élégance rare dans son costume sur mesure noir et sa chemise blanche. Je rêvais de le serrer dans mes bras, lui dire à quel point il était beau mais hélas ma fille inutile de te dire que je ne le pouvais pas. Son avocat lui, semblait toujours aussi perdu que le premier jour. Plus je le regardais plus je perdais espoir. Y avait beaucoup de monde qui étaient venus assister à l'audience. Faut dire que l'affaire avait fait la une de Nice matin, le journal local.

L'audience commença par le président du tribunal, le juge au milieu des trois juges qui rappela les droits de l'accusé. Ça me faisait toujours froid dans le dos de voir Nabil considéré comme suspect mais il en était ainsi et je n'y pouvais rien. Il poursuivit en interrogeant Nabil sur ce qu'il s'était passé ce fameux soir. Ce qui était étonnant c'est qu'on n'en avait jamais parlé avec Nabil. C'était donc pour moi aussi l'occasion de découvrir sa version compète des faits. Ne te méprends pas ma fille, je n'avais aucun doute sur son innocence mais c'était important pour moi de l'entendre raconter cette mésaventure. Il prit la parole et commença à raconter l'histoire en ces termes :

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