21 - Lune de miel

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- Monsieur Nabil Ahmed Abdou Baraka, voulez-vous prendre pour épouse Madame Angelina Natacha Romane ?

Après plusieurs secondes d'émotion intenses, Nabil se tourna de nouveau vers le procureur et dit :

- Bien évidemment que je le veux. Je le veux aujourd'hui et pour le restant de ma vie.

Pour ma part je n'ai même pas attendu la question du procureur pour répondre. J'étais surexcitée. Malgré tous les efforts qu'il faisait je sentais qu'il y avait encore de la retenue chez Nabil. Je ne savais pas trop ce qui pouvait le tracasser en ce moment-là, ce jour qui était censé être le plus beau de notre vie. Mais je ne me laissais pas démonter par cela, je savais que j'aurais plus tard l'occasion de lui demander ce qu'il y avait. Tout le monde semblait heureux et le montrait. On dirait presque qu'on n'était pas dans une prison. Le Directeur de la prison nous convoqua Nabil et moi dans son bureau. J'avais un mauvais pressentiment mais comme je n'avais aucune expérience des mariages en prison je supposais que c'était normal. Il nous fit assoir devant lui.

- Monsieur Baraka, j'ai pour habitude de connaitre tous mes pensionnaires et vous ne faites pas exception. J'ai jusqu'à vos bulletins de la primaire et je ne peux m'empêcher de me demander ce que vous faites en prison. (Après une petite pause comme pour chercher une inspiration) enfin bref ce qui est sûr c'est que je suis convaincu que vous ne me poserez pas de problème. J'ai vu votre demande d'accès à l'unité de vie familiale. Normalement je devrais t'accorder un minimum de temps pour voir ensuite si tout se passe bien mais comme je l'ai dit tantôt j'ai confiance en vous. Par conséquent et pour vous féliciter de votre mariage je vous accorde 72h qui est le délai maximum. Ne me le faites pas regretter.

Nabil et moi, nous regardions avec des yeux brillants de reconnaissance. Enfin quelque chose se passait bien pour nous. On le remercia très chaleureusement. Il nous indiqua qu'un garde nous y conduirait directement et que les autres invités nous y attendaient déjà.

C'était un superbe appartement 2 chambres, un salon et une cuisine meublé avec tout ce qu'il fallait. On avait dressé une table au milieu du salon avec ce qu'on avait commandé chez le traiteur. Manon était en pleine discussion avec Awa la man de Nabil assise sur le canapé. J'étais franchement content de voir que notre mariage n'était pas aussi macabre que ce que j'avais imaginé. Nabil a même bien voulu danser avec moi, mais franchement ce n'était pas trop son fort. Je me suis d'ailleurs longtemps moqué de lui par rapport à sa danse mal coordonnée. J'ai même cru voir maman Awa sourire ce qui n'était plus arrivé depuis très longtemps.

On savait qu'on allait une fois depuis longtemps passer du bon temps sans que personne ne vienne nous le gâcher. Chacun a voulu prendre la parole pour nous féliciter et surtout compatir avec la situation de Nabil. C'est le témoin de Nabil qui avait commencé. Un garçon qui s'appelait Jérémy. Nabil m'expliqua qu'ils se sont connus en première année et ça a tout de suite été le coup de foudre amical entre eux. Il m'expliqua qu'il n'avait que deux véritables amis : lui (Jérémy) et un autre qui était dans le pays de sa mère, le Sénégal. Jérémy fit un témoignage remarquable qui m'arracha quelques larmes. Ensuite il laissa la parole et chacun sortit un discours plus que gentil.

Après la séance de discours, les discussions allaient bon train entre les différentes personnes présentes et j'avais même l'impression que Jérémy et Manon s'appréciaient beaucoup, mais ce n'est pas là le sujet. En fin d'après-midi la maman de Nabil nous confia qu'elle voulait partir et tous les autres saisirent l'occasion pour prendre congé. On sortit tous pour laisser un peu d'intimité à Nabil et sa maman. Ils nous rejoignirent au bout de quelques minutes. On se fit quelques embrassades avant d'appeler les gardes pour raccompagner nos invités à la sortie. Nabil et moi étions enfin seuls en tant que jeunes mariés. Le plus important en ce moment là c'est que notre intimité était respectée. Personne ne trainait dans la zone, même pas les gardes. Je demandais alors à Nabil tout de go ce qui le tracassait et pourquoi il semblait un peu perturbé depuis la cérémonie.

Il m'avoua, en versant quelques qu'il avait rêvé de quelque chose de plus grand, de meilleur que ce qu'il avait à m'offrir. Je savais déjà que Nabil m'aimait et tenait à moi, mais la fébrilité qu'il a montré ce jour-là a chassé tout semblant de doute qu'il aurait pu y avoir. Je remerciai Dieu de m'avoir mis avec quelqu'un au si grand cœur. Il avait les larmes aux yeux en évoquant notre situation et ce mariage qu'on venait de célébrer dans une prison. J'étais totalement attendrie mais je savais que pour une fois je devais porter le vêtement de celui qui doit rassurer l'autre. Nabil a tellement porté ce vêtement qu'il semblait lui être dévolu mais cette fois il me fallait trouver les mots, lui redonner espoir et le consoler. Je le pris alors dans mes bras pour lui murmurer ces mots :

- Écoute moi bien mon cher époux, tu crois vraiment que je cherchais plus ? tu as déjà fait pour moi plus que n'importe quelle autre personne sur cette terre. Tu m'as appris à vivre selon mes propres codes, tu m'as appris à aimer, à se soucier des autres. Tu m'as porté plus haut que je n'aurais jamais espéré atteindre. Alors peu importe où on s'est mariés, peu importe où on passe notre nuit de noce... L'important ce n'est pas là où on est, peu importe où tu es c'est là que j'ai envie d'être.

Ces mots semblaient avoir fait leur effet, Nabil me sourit sincèrement en se mettant encore plus confortablement contre moi. J'étais fière de moi, j'avais réussi. On resta là en silence pendant plusieurs minutes. Impossible de te dire aujourd'hui le temps qui s'était vraiment écoulé mais à un moment donné quand le soleil déclinait, Nabil se leva pour me dire qu'il valait mieux qu'il aille se laver. J'étais d'accord avec lui. Quand il sortit de la douche, j'y allais à mon tour. Je me préparais de la manière la plus sexy possible pour être sûre que Nabil se jetterait sur moi dès que j'aurai franchi la porte. Mais en arrivant je le trouvais sur un tapis de prière en train de lire des versets du coran. Je ne comprenais rien bien évidemment de l'arabe mais ce que j'entendais étais assez joli. Je me posais sur le lit pour ne pas l'interrompre, je savais que la religion était d'une importance capitale à ses yeux.

Au bout de 2 minutes il arrêta sa lecture pour s'adresser à moi. Il me dit alors qu'il faisait des prières en guise de bénédiction à notre union. Je trouvais ça touchant. A sa manière il faisait tout ce qui était possible pour que nous ayons le meilleur avenir possible, je l'admirai encore plus. Quand il finit sa prière il vint me rejoindre au lit mais toujours avec un air inquiet. Maintenant que j'étais sa femme j'exigeais des réponses à chaque fois que quelque chose ne me semblait pas normal. Gêné il finit par m'avouer qu'en consommant le mariage il avait peur de concevoir un bébé dans l'enceinte d'une prison. J'étais de son avis, jamais je n'aurais pu faire ça à mes enfants. Mais parfois malgré toutes les difficultés, quelques éclaircies apparaissent. En effet juste avant le mariage j'avais fait une visite gynécologique et j'avais décidé de prendre la pilule le temps de voir avec Nabil sa position sur les enfants. Il était soulagé de l'apprendre et me fit promettre de continuer la pilule jusqu'à sa sortie pour que nous voyions ensemble quelle position adopter.

Je n'ai pas eu de lune de miel sous les plages tropicales ou dans des hôtels grand standing mais dans une unité de vie familiale d'une prison d'état mais cela reste un des plus beaux souvenirs de ma vie. On a passé avec Nabil 72h à rigoler pour un rien, à se taquiner, se raconter nos vies. Même quand la réalité de la situation se rappelait à nous on trouvait toujours quelque chose à faire pour ramener de la chaleur dans nos cœurs. Je découvris un homme alliant assurance et sensibilité, Nabil était assurément l'homme le plus génial qu'on pouvait avoir et je ne dis pas ça parce que j'étais follement amoureuse de lui. Je le dis parce que c'est vrai. Il avait le cœur pur, pensait souvent plus aux autres, avant lui-même et voulait du bien à tout le monde, même quand certains de le méritaient pas, de mon point de vue.

A la fin du temps qu'on nous avait imparti j'étais amèrement triste. Mais pas forcément pour, plutôt pour lui. Je me mettais à sa place, et devoir retourner dans une petite cellule après un si grand weekend était vraiment dur. Surtout quand on sait qu'il n'avait rien fait pour mériter cela. Je ne voulais pas partir, je n'en avais pas envie mais il le fallait.

- Veille sur ma mère s'il te plait, elle ne va pas bien.

Nabil m'avait murmuré ces mots comme s'il redoutait de me les dire à voix haute tout en me serrant dans ses bras. Il me relâcha et les gardes me reconduisirent à la sortie. Une fois les portes refermées derrière moi, je m'écroulai à terre en éclatant en sanglots.

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Coucou

j'espère que vous allez bien

à très vite,

Bak0ura

AfflictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant