26 - n'mout alik

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Mon intuition était juste, Nabil était en danger. Le policier m'expliqua qu'il allait être évacué aux urgences incessamment. Je n'écoutai plus, je me ruai dehors pour partir en courant. Qu'est qui avait bien pu arriver à Nabil pour avoir besoin d'être admis aux urgences ? je n'ai pas pris de transport ni de voiture. J'ai couru encore et encore. Je ne sais plus combien de kilomètres j'ai dû faire en combien de minutes mais je sais juste que cette distance je ne l'aurais jamais faite à pied en temps normal. Mais ma seule raison de vivre était en danger et je n'avais plus aucune sensation. Mon monde s'était arrêté. Je voulais arriver aux urgences avant lui ou en même temps sinon je devrai beaucoup attendre pour pouvoir le voir.

Devant les urgences j'aperçus une ambulance et compris que c'est celle de Nabil qui venait d'arriver. Une voiture de police juste derrière. Pour que la police escorte ainsi l'ambulance il devait y avoir un crime. Mais ce qui comptait c'était l'état de Nabil. Les ambulanciers sortaient une civière pour la poser sur le brancard du véhicule et la vision d'horreur me lacéra le cœur comme une fine lame invisible. La chemise de Nabil était totalement maculée de sange et les ambulancières semblaient gagnées par la panique. Je courus pour m'accrocher au brancard. Un soulagement m'envahit quand je me rendis compte que Nabil respirait encore. Mais il semblait lutter pour vivre. Je ne savais pas ce qui s'était passé mais j'arrivais à peine à croire qu'il pût encore respirer après avoir perdu autant de sang. Je commençai à m'enquérir de son état dans les couloirs des urgences mais les médecins voulurent m'écarter. Je criai « MAIS JE SUIS SA FEMME !!!! ». Cette phrase agît sur Nabil comme s'il s'agissait d'un code pour le débloquer. Il ouvrit les yeux et essaya de lever la main vers moi mais semblait trop faible pour accomplir ce geste. Je me précipitai pour lui prendre la main et cette fois les médecins me laissèrent faire. Je pleurai, gémîs, je devais avoir l'air pitoyable.

Il avait perdu tellement de sang que je me demandais par quel miracle il pouvait encore être en vie. Je le suppliais de me pardonner sans savoir pourquoi. Il essaya de parler mais les médecins l'intimèrent de se taire mais il avait l'air de tenir à ce qu'il voulait dire. Il prit une forte inspiration comme pour rassembler ses dernières forces et me dit avec bien du mal, et des paroles saccadées :

- Par-par-pardonne-moi, ma... ma chérie. Tu-tu-tu as été ma ch... ma chance. N'mout-alik...

Une larme coula le long de sa joue. J'essayai de l'essuyer mais je sentis sa main lâcher la mienne. Il fut pris d'une toux violente et commença à cracher du sang. Les médecins m'écartèrent du brancard pour le transporter au bloc. J'étais déboussolée, le monde au tour de moi n'existait plus ! plus rien ne vivait en moi. L'attente était longue, très longue. Je remarquai la présence d'un homme vêtu de tenu traditionnel arabe. Apparemment il me parlait depuis un petit moment. Il finit par me demander si j'avais quelqu'un à prévenir. Il semblait lui aussi être là pour Nabil. Je pensais tout de suite à Manon. Il me prit mon téléphone des mains pour l'appeler et la prévenir de me rejoindre à l'hôpital. Le monsieur prit congé de moi pour aller discuter avec les policiers puis revint quelques minutes plus tard avec un chocolat chaud que je n'arrivais pas à boire mais le contact avec le gobelet chaud me rappelait que j'étais encore vivante.

Quand Manon arriva en panique pour me demander ce qu'il se passait je n'arrivai pas à parler. De toute façon je ne savais même pas ce qui s'était passé et m'en foutais clairement. Ce qui m'intéressait, c'était juste que Nabil s'en sorte. Mais inutile de se faire de fausses joies, je n'y croyais guère. Oh mon Nabil, qu'est ce qui a bien pu t'arriver !! Je continuai mes lamentations, Manon était à mes cotés et pleuraient en silence. On fut rejoint par Jérémy et le monsieur qui m'avait parlé plus tôt semblait aussi inquiet que moi mais restait digne dans son inquiétude.

Je n'ai jamais su combien de temps je suis resté avant l'arrivée du médecin mais quand il arriva mon univers s'était écroulé. Ma fille, on rigole toujours du cliché du médecin qui vient annoncer une mauvaise nouvelle à la famille dans les films mais quand on se rend compte que la même chose se passe dans la vraie et surtout quand cela nous arrive on le trouve bien moins drôle. Dès que j'ai vu le médecin et la mine affreuse qu'il faisait, le fait qu'il évitait mon regard je n'ai pas eu besoin de demander, je savais !

AfflictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant