19 - L'espoir

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Ah ma fille la vie est dure, très dure ! Eh oui c'est souvent l'arbitraire qui règne sur notre terre. Ici-bas le sort peut nous forcer à affronter nos plus grandes peurs, livrer des combats qu'on ne veut, non, qu'on ne PEUT ni gagner ni perdre ! Et là on aimerait croire que notre amitié ou notre amour suffit à nous mettre à l'abri de tous dangers, de toutes mésaventures... mais ce n'est pas ainsi qu'il en va de notre monde... hélas non ! Le monde est un endroit où le destin se rappelle à nous lorsqu'on s'y attend le moins et c'est notre petit monde à nous qui en subit les conséquences.

C'est au moment même où l'on croit avoir esquissé le portrait de son avenir, que la vie n'a jamais été aussi belle ; et lorsqu'enfin on trouve un sens à sa vie et on ose ouvrir son cœur et lorsque contre toute attente on rencontre l'âme sœur, la seule personne d'entre toutes qui soit à même de nous faire connaitre le bonheur, celle-là même avec qui on ne peut que partager le restant de ses jours...

C'est à ce moment-là que le destin frappe un grand coup cinglant, il impose sa vision des choses et nous rappelle que seul lui décide. Oui il fallait que je sois forte, même quand la dernière once de volonté de mon être semblait me quitter, pour survivre et avancer dans le monde que le destin dirige et qu'il m'imposait avec un Nabil sous les barreaux.

Je venais de perdre le premier grand combat de ma vie et c'était dur. Dur à vivre, dur à accepter, dur d'avancer. Dans mon malheur j'ai retrouvé la personne qui était essentielle à ma vie et je ne la quittais plus. On était comme des siamois bien que nos entrevues n'eussent plus rien à voir avec nos délires passés. On se contentait de parler futur de se plaindre ensemble et de compatir pour Nabil et sa maman. Malgré tout je me sentais coupable de la manière dont je l'avais traitée dans le passé et voulais m'expliquer avec elle. Ce jour là correspondait au cinquième jour de détention de Nabil et quand je suis allé chez Manon je lui ai directement parlé de mon comportement avec Camille et lui ai demandé la raison de son attitude magnanime vis-à-vis de moi depuis son retour. Elle me regarda longtemps comme pour essayer d'arranger la valse de mots qui devaient défiler dans sa tête. Elle finit par dire :

- Tu sais je t'en ai beaucoup voulu, j'avais juré ne jamais te reparler et quoi qu'il pût se passer. Mais un jour Nabil m'a appelé et on a longuement discuté. Il a tout fait pour me convaincre de continuer à être ton amie. Si son sort m'affecte autant c'est juste parce que je n'ai jamais rencontré une personne avec autant de grandeur d'âme. Il avait réussi à me faire changer d'avis mais je ne voulais pas faire le premier pas. J'espérais en fait que très vite tu te brouilles avec Camille et en revenant vers moi je t'aurais dit tout ce que je pensais de toi avant qu'on se rabiboche. Malheureusement les circonstances de nos retrouvailles ne me permettaient décemment pas de te faire des reproches. Ne te méprends pas chère amie on a, toutes les deux, fait des erreurs mais seulement j'ai appris qu'on ne pouvait pas frapper quelqu'un à terre. Quand tu es dans les problèmes ce ne sont pas des reproches qui vont t'aider à aller mieux mais le soutien et la compassion. Mais t'inquiète pas quand tout sera fini je te ferai payer le fait de m'avoir délaissé des semaines

Elle dit cette dernière phrase en explosant de rire. Ce rire qui m'avait tant manqué. On rit ensemble quelques minutes avant de retourner à nos discussions un peu plus moroses. Pour la première fois on parla de Camille. Enfin je parlais surtout de Camille, Manon, elle se contentait de m'écouter et de commenter de temps en temps. Je lui expliquai que ce qui me fait le plus mal c'est que cette charogne avait réussi à enterrer mon histoire avec Nabil avant même qu'elle ne commence.

- Attends à t'entendre on croirait presque que tu veux lâcher Nabil ? s'enquit Manon

- Mais non ! pas le lâcher mais soyons réaliste 7ans de prison comment on peut faire ?

- Euh Angie attends Nabil aura besoin de toi et vice versa pour traverser ces 7ans, vous trouverez une solution ensemble il faut juste que vous en parliez mais ne prends pas de décision unilatérale.

Encore une fois elle avait raison, et même plus que cela : elle venait de me donner une idée géniale mais pour cela fallait que je voie Nabil. Je commençais à me renseigner sur les modalités de visite en prison, j'étais décidé à aller voir mon Nabil et cela le plus vite possible. Je commençais donc les démarches pour obtenir un permis de visite nécessaire pour accéder au parloir. J'ai pu admirer les lenteurs de notre administration dans toute sa splendeur. Il leur a fallu deux semaines pour délivrer un simple bout de papier. Mais pour moi l'essentiel c'était de l'avoir et peu m'importait les délais. J'avais en même temps demandé aussi pour la maman de Nabil. Une fois le permis en poche je pris un rendez-vous pour aller voir Nabil.

Arrivée à la prison j'avais la chair de poule. Ma fille, je n'aurais jamais cru à l'époque que je mettrai les pieds dans une prison mais la vie nous réserve bien des surprises par moment. Et cette histoire m'a appris que nous n'étions pas maitres de notre destinée. On avait beau faire tout le bien qu'on pouvait, se conformer autant que possible aux règles édictées par la société, on n'était jamais à l'abri d'un coup du sort. Nabil était assurément de ceux qui respectaient le plus la loi, de ceux qui croyaient que faire le bien était un devoir pour chacun de nous et pourtant l'injustice l'a frappé de plein fouet. Combien de détenus étaient et sont aujourd'hui incarcérés de manière totalement aléatoire ? j'ai peur de la réponse que je pourrais avoir.

Quand mes yeux se posèrent sur Nabil l'émotion qui me frappa n'avait d'égal que la tristesse que j'éprouvais de ne pouvoir le toucher, le prendre dans mes bras. Contrairement à ce que j'attendais, je le trouvais plutôt en forme, souriant. Je savais que ce n'était qu'une carapace, un masque mais je l'admirais de pouvoir toujours se montrer aussi calme et rassurant quand on savait l'énorme orage qui agitait sa vie. Je ne pouvais m'empêcher de lui demander comment il faisait, où il trouvait la force. Il se contenta de me sourire et changea de sujet. Il avait raison de toute façon je n'étais pas venue pour parler de sa force de caractère mais plutôt de mariage.

- Euh je comprends pas comment tu peux vouloir parler de mariage dans ces circonstances me lança Nabil sceptique.

Je lui expliquai alors mon idée. Mais en plus du mariage dans le rite musulman il nous fallait nous marier devant les autorités et le point le plus important il faudrait qu'il demande son transfert dans l'établissement de Toulon. J'en avais déjà parlé à sa mère qui avait trouvé l'idée bonne car je savais que Nabil penserait à elle s'il devait changer de prison. Mais mon idée c'était de me marier avec lui et de pouvoir bénéficier de visites conjugales qui me permettraient de passer du temps avec lui dans l'intimité. Seulement la maison d'arrêt de Nice ne comportait pas de salon familial ou encore d'unité de vie familiale. Les unités de vie familiale permettent de pouvoir passer entre 6 et 72h avec un prisonnier proche (époux, enfant, parent, etc.) dans l'intimité la plus totale. Demander son transfert vers Toulon nous éloignerait un peu plus mais le jeu en valait la chandelle. Mais avant de pouvoir bénéficier de cela il nous faudrait d'abord nous marier. Après qu'il s'était enquis de sa maman il accepta mais pas avant de me demander une bonne centaine de fois si c'était vraiment ce que je voulais.

Après s'être mis d'accord avec Nabil sur les questions mariages, j'évoquai un sujet qui pouvait fâcher : Camille. Je promettais à Nabil de la faire payer quand je pouvais mais il n'était pas d'accord avec moi. Il voulait opter pour le pardon et passer à autre chose.

- Tu connais l'histoire de Pandore ? me demanda-t-il. Elle a ouvert la boite qui a libéré les pires maux sur la terre. C'est un peu ce que Camille a fait en m'envoyant ici. Mais ce qu'on oublie souvent de raconter avec l'histoire de Pandore, c'est qu'au fond de la boîte il restait encore une chose : l'espoir. En venant ici aujourd'hui, en me proposant une idée aussi séduisante, un regain d'espoir anime mon cœur et je t'en remercie. Tu sais je m'en fiche de Camille et tous ceux qui m'ont écrasé, la seule chose qui compte c'est que toi tu m'as écouté quand personne d'autre ne m'entendait.

J'étais ému par ses paroles. Il avait raison l'espoir était ce qu'il y avait de plus sacré pour une personne dans sa situation, dans notre situation. J'étais ravie d'être celle qui le lui avait amené. J'étais absolument aux anges en quittant la prison de savoir que des solutions existaient malgré toutes sortes de difficultés ou situations. Je pris mon téléphone et appelai Manon. Elle décrocha au bout de la troisième sonnerie

- Prépare-toi nous avons un mariage à préparer lui lançai-je

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Bonjour chers amis

à très vite

Bak0ura

AfflictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant