Le tribunal semblait faire un voyage dans le temps jusqu'à l'ère glaciaire. L'atmosphère était devenue froide et triste, le temps suspendu aux lèvres du président du tribunal. Je ne savais même pas comment réagir et ça, peu importait le verdict. Il faut savoir aussi que c'était ma première fois dans un tribunal et je n'avais jamais imaginé y aller dans ma vie. Toute la salle retenait son souffle quand le président commença à parler. Nabil était reconnu coupable par le jury mais vu qu'il n'y avait aucune preuve directe, il a été condamné à sept ans ferme au lieu des quinze requis par le substitut procureur.
Pour la première fois de ma vie je comprenais enfin ce qu'on entendait par le mot injustice : la justice de mon pays en qui Nabil avait confiance venait de commettre la plus grosse injustice à laquelle j'avais assisté. Réduire la vie d'un homme libre à la prison, briser les rêves d'un honnête homme, sur des allégations d'une fille sans morale sans aucune preuve directe. Je ne pouvais comprendre. J'avais beau me retourner cette situation encore et encore dans la tête mais rien n'y fait je n'y arrivais pas. Et je ne semblais pas être le seul. En dehors de Camille et ceux qui semblaient être sa famille qui se congratulaient, toute la salle était dans un silence de cathédrale témoignant de l'incompréhension et de l'indignation du public.
Même le président semblait gagné par cette atmosphère particulière. Il semblait avoir du mal à continuer son annonce. Ce silence fut brisé par un cri tellement perçant que tout le monde se retourna, suivi par ces mots : « noooon ! ne me prenez pas mon fils, vous n'avez pas le droit... » dans un râle de désespoir, Awa n'avait pas fini de dire ces mots qu'elle s'écroula évanouie. L'émotion était encore plus vive et Nabil qui semblait calme depuis le début voulut courir la rejoindre pour voir ce qui lui arrivait mais il fut retenu par le garde à coté de lui. Il pleurait, se débattait mais rien à faire. Sa maman fut prise en charge par les secouristes du tribunal qui s'apprêtait à l'évacuer. Nabil me jeta un regard suppliant pour me demander d'aller veiller sur elle mais j'avais un cruel dilemme. Je ne pouvais pas laisser Nabil tout seul ici mais je ne pouvais décemment pas laisser maman Awa toute seule. Mais comme toujours mon ange gardien avait la solution.
- Reste ici je pars avec Awa à l'hôpital et tu me rejoins à la fin du procès.
J'entendis à peine la voix de Manon qui me donnait une solution presque inespérée. Ma fille depuis le début de cette correspondance je t'ai souvent dit à quel point je me sentais redevable envers Manon mais c'est simplement parce que cette fille est mille fois meilleure que moi. Malgré tout ce que j'ai pu faire elle ne m'a jamais jugé, m'a toujours soutenu, a toujours compati plus que de raison. Une personne qui trouve sa Manon, ne marchera plus jamais seule même dans les moments les plus sombres. Tu me pardonneras l'état de cette feuille, même en la réécrivant plusieurs fois au propre mes larmes coulent toujours dessus. J'étais affligée mais je ne pouvais me permettre de me lamenter sur mon sort quand je pensais à ce qui pouvait se passer dans la tête de Nabil ou de sa maman.
Le juge finit son discours expliquant que Nabil serait détenu à la maison d'arrêt de Nice et qu'il avait 10 jours pour faire appel de la décision. La séance était levée. Je courus rejoindre Nabil pour le voir avant qu'il soit emmené. Le garde avec lui refusa catégoriquement mais devant mon air suppliant il finit par me donner cinq minutes. Je voulais juste lui demander pardon à cause de ce que mon imprudence avait provoqué mai c'est lui qui parla
- Pardonne-moi de te faire vivre ça dit-il avec un relatif calme qui m'inquiétait presque
- Non c'est ma faute ! j'espère qu'un jour tu pourras me pardonner
- Mais non ne t'inquiètes pas, tu ne pouvais savoir. C'est mon mektoub, personne ne pouvait l'éviter.
- Tu penses que tu vas tenir le coup ? demandai-je inquiète
- Tu sais si ma religion m'a appris quelque chose c'est la persévérance. Quand notre père Abraham devait sacrifier son fils Ismaël, ce dernier s'est contenté de lui dire ya abati afhal ma tou'marou, sa tadjidounii inchaAllahou minas saabirine (Ô mon cher père, fais ce qui t'est commandé, tu me trouveras s'il plait à Allah du nombre des endurants.). Ce que je veux dire par là c'est que je sais assurément que ça sera dur, que peut-être j'atteindrais mes limites mais je garderai foi et je serai endurant inchaAllah.
Je ne savais quoi répondre je déversais un tel flot de larmes que j'aurais pu me déshydrater. Pourtant ce n'est pas ce qu'il fallait. Je devais être forte pour que Nabil puisse se battre avec courage mais c'était plus fort que moi. Ma vie dérivait et je n'avais plus aucun contrôle dessus. Quelle injustice. Nabil me consolait et pourtant j'étais sûre qu'il devait être dans un état pire que le mien mais rares sont ceux qui avaient sa force mentale. Avant de partir il me dit enfin :
- Prends soin de maman s'il te plait.
En prononçant cette dernière phrase, son visage était baigné de larmes. Je savais depuis toujours que son seul point faible était sa maman. Il lui vouait un tel amour on dirait limite qu'il lui vouait un culte. Mais vu leur histoire commune avec son père parti très tôt cela se comprenait d'une certaine manière.
En sortant du tribunal je lus le message de Manon qui me disait que Awa avait été admise à la clinique de Lenval, au moment où j'allais prendre le bus pour y aller j'aperçus Camille qui montait en voiture. Je voulus sincèrement l'ignorer, ma raison me disait de l'ignorer mais cœur me dictait autre chose. J'accourus vers elle et l'insultai copieusement créant ainsi un attroupement. Ça n'avait servi à rien de faire cela mais au moins ça m'avait soulagé. Mais Nabil méritait mieux de ma part que ce genre de comportement hystérique, je me promis alors de ne jamais recommencer.
Arrivée à la clinique, je trouvais Manon en train de pleurer silencieusement. Quand elle me vit elle sursauta, essuya ses larmes rapidement et me demanda ce qui s'était passé ensuite. Je lui expliquai rapidement, de toute façon il n'y avait pas grand-chose à dire. Je demandais des nouvelles de Awa. Apparemment elle s'était réveillée mais avait besoin de beaucoup de repos. Le médecin nous recommandait d'éviter de la stresser. Quelle drôlerie ! comment éviter de la stresser quand on sait que son fils unique est en prison pour sept ans ? mais oui il avait raison il fallait veiller sur elle et essayer de la rassurer le plus possible. Je devais bien ça à Nabil et je sais que Manon ne nous laisserait jamais tomber.
À ma grande surprise, je vis un jeune homme franchir la porte de la salle d'attente : Cédric. Manon avait dû lui expliquer ce qui se passait et compatissant qu'il était il était venu. Je lui présentai mes plus plates excuses mais avec beaucoup de pudeur il éluda cette situation pour prendre des nouvelles de Nabil et de sa mère. Je me sentais chanceux d'avoir retrouvé mes deux meilleurs amis que je ne méritais pas forcément. Je ne savais pas ce que l'avenir nous réservait en ce moment-là. Enfin j'avais une idée des difficultés qui nous attendait mais je savais qu'avec Manon et Cédric à mes cotés j'aurai la force d'affronter même des ouragans.
Je passai mes journées à la clinique avec Maman Awa jusqu'à sa sortie de la clinique au bout de 3 jours et j'allai la voir chaque jour ensuite. Nous avons tenté de lancer un procès en appel mais quand le sort s'acharne on ne peut qu'encaisser en espérant des jours futurs meilleurs. La cour d'appel confirma la condamnation et Nabil devint officiellement un prisonnier, idée à laquelle j'avais vraiment du mal à me faire. La vie est dure, pour certains encore plus que pour d'autres mais ma chère fille c'est dans l'adversité que se mesure la vraie valeur des personnes. Je devais maintenant me battre et apprendre une nouvelle manière de vivre : vivre en portant un chagrin permanent.
*************************
bonjour les amis,
j'espère que vous allez bien.
Bak0ura
VOUS LISEZ
Affliction
RomanceCombien de fois avez-vous pu voir un homme dire à sa femme « désolé de t'avoir laissé m'aimer » ? L'histoire de Nabil et d'Angélina n'est pas banale. C'est ce qui a d'ailleurs poussé Angélina à cacher la vérité sur Nabil pendant plus de 25ans à sa f...