25 - Désolé de t'avoir laissée m'aimer...

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Quelques secondes plus tard le téléphone sonna mais pour signaler l'arrivée d'un message vocal cette fois-ci. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. Il fallait que j'écoute ce message qui déciderait presque de notre sort. Je pris mon téléphone et allai aux toilettes. Je m'aspergeai le visage d'eau pendant quelques minutes avant de déverrouiller mon téléphone et d'appeler mon numéro de messagerie vocal. Je serrai le point, le cœur s'arrêtant de battre pour porter le téléphone à l'oreille.

Dans la vie, il arrive parfois qu'un mot, une phrase, un regard... change le cours des choses de manière radicale. En écoutant le message laissé par Nabil sur mon répondeur, dix mots ont changé le cours de mon existence. J'étais habituée à recevoir de mauvaises nouvelles quand il s'agissait de Nabil, comme une malédiction. Mais j'avais espéré tellement fort que cette fois-là ça soit différent. Aussi, en entendant le message de Nabil « je suis libre chérie, viens me chercher demain à Treize heures. » j'étais vraiment aux anges. Onze mots avaient changé ma vie et transformé ma journée qui était passée d'angoissante à radieuse.

J'expliquai cela à mon patron pour prendre un jour de congé le lendemain. J'en profitai pour faire les courses et rendre l'appartement plus accueillant pour le retour de Nabil. Cette nuit-là ma fille, je ne réussis pas à dormir. On eut dit que mon inconscient refusait de me laisser perdre connaissance de peur de se réveiller et constater qu'il ne s'agissait que d'un rêve. Je pensai à un milliard de choses à la fois mais tout ce qui comptait c'était que mon Nabil allait rentrer à la maison ! on venait enfin de remporter une victoire sur cette vicieuse qu'était la vie.

Le matin je faisais encore quelques courses et allai chez Jérémy, l'ami de Nabil comme convenu avec lui pour lui emprunter sa voiture. J'étais tellement nerveuse en arrivant devant la prison que j'en tremblais. Je n'arrivais toujours pas à me dire que tout cela était vrai. Je jouais au Saint Thomas, il fallait que je voie Nabil pour y croire. Heureusement il ne tarda pas à sortir à 13h00 ! je sortis de la voiture et oubliai le monde qui m'entourait. J'accourus et me jetai à son coup ! je l'étreignis tellement fort que je faillis l'étouffais mais je n'en desserrai pas moins mon étreinte. Je la ponctuai d'un baiser humidifié par mes flots de larmes et lui murmurai presque dans une supplication « Ne m'abandonne plus jamais, promets-le-moi ».

Nabil semblait aussi touché que moi. Nous restâmes là-bas à nous étreindre encore et encore. Au bout d'un moment, Nabil me suggéra de partir sinon on allait être en retard. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il voulait dire par être en retard mais c'était le cadet de mes soucis en ce moment-là. Il décida de prendre le volant et je n'y voyais aucune objection. Au bout d'une vingtaine de minutes il se gara quelque part dans Toulon, pas loin de la mer. Il marcha en silence en me tenant la main. Il me mena au Lido, un restaurant au bord de mer. Je ne pouvais rêver mieux pour un premier tête-à-tête avec mon mari hors de la prison bien que le prix de cet établissement ne fût pas donné. Mais l'heure n'était pas aux comptes plutôt aux réjouissances.

Après un repas plus que bon nous prenions notre temps pour nous promener au bord de la méditerranée. L'harmonie des flots bleus se mariaient parfaitement à notre humeur joviale. Il me posa beaucoup de questions, on eut dit qu'il appréhendait ce qu'il allait trouver dehors. Il avait peur et moi encore plus. Mais malgré ses peurs et appréhensions, il m'offrit le plus beau jour de ma vie. Il n'avait rien perdu de son humour et de sa répartie. En revanche sa joie de vivre semblait moins présente. Il souriait dans la mesure du possible mais je savais qu'il lui manquait quelque chose, et je n'avais pas l'impression de pouvoir lui donner ce quelque chose. Je me fis néanmoins la promesse de veiller sur lui et de le supporter dans tout ce qu'il ferait pour le restant de nos jours.

Après nos retrouvailles qui avaient duré près d'un mois, Nabil se mit à travailler activement à sa réinsertion en commençant à chercher du travail. Très vite il se heurta à la cruauté des hommes. Nabil était naturellement brillant, éloquent et charmant. Mais avec son étiquette d'ancien prisonnier, violeur qui plus est, il n'inspirait pas confiance. Comme sa mère avant lui, il se prenait des réflexions des plus désobligeantes dans la rue. Il avait une force de caractère incroyable qui lui permettait de passer outre. Il gardait le sourire malgré une profonde tristesse qui minait tout son être. Avec ses origines africaines, les remarques racistes se mêlaient aux insultes liées à son statut de paria social violeur. Je savais qu'il vivait un enfer mais il tenait le coup pour moi, pour sa mère partie trop tôt.

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