⋅ Épilogue ⋅

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Aéroport international de Narita - 6h35

Les horloges battaient les secondes à un rythme hypnotisant. D'une pendule à l'autre, les heures différaient : tantôt c'était huit heures, tantôt c'en était onze, tantôt dix-huit. Les minutes en revanche étaient les mêmes sur toutes les horloges. Aucune n'était en retard ou en avance sur les autres ; elles étaient parfaitement synchronisées. Et lorsque sonna la trente-cinquième minute, toutes s'actualisèrent en simultané. Naho cligna des yeux, scotchée sur l'immense mur blanc où toutes les capitales du monde ainsi que leurs fuseaux horaires étaient affichés. À force de regarder, elle avait presque l'impression que son cœur s'était mis à battre au rythme des secondes. Les mêmes secondes que celles de New York, les mêmes secondes qu'à Dakar, les mêmes qu'à Moscou. Si loin et si proche à la fois. Une voix la ramena soudain à la réalité.

— Surtout, n'oublie pas d'appeler en arrivant.

La lycéenne tourna la tête vers sa mère, qui n'avait pas cessé de s'agiter depuis le début de la semaine, depuis qu'on lui avait annoncé la grande nouvelle par téléphone. Elle avait failli faire une syncope, Naho n'y avait pas cru non plus ; les billets étaient pourtant arrivés dans leur boîte mail dans la soirée. Le stratagème de Tohru avait fonctionné ; il s'était fait passer le savon du siècle par sa mère, mais il avait été autorisé à partir. Les passeports miraculeusement encore valides furent sortis des tiroirs, les valises faites en vitesse, les chambres rangées à contrecœur et les voilà sur le point de décoller pour la Russie.

— Vous retrouverez votre grand-mère à l'aéroport de Moscou, et elle vous emmènera à Kazan. Je veux que vous lui obéissiez au doigt et à l'œil, compris ?

L'aînée acquiesça devant le regard inquiet de sa mère, qui attrapa ensuite Tohru au vol pour lui souffler d'autres recommandations maternelles. Les doigts de Naho se crispèrent quand le micro grésilla au-dessus d'eux, avant qu'un message pré-enregistré ne retentisse dans la salle d'embarquement. On y était. La matriarche se raidit et embrassa chacun de ses enfants, sans jamais cesser de parler.

— C'est votre vol, indiqua-t-elle en leur tendant à chacun leur billet. Oubliez pas de mettre de la crème solaire là-bas, surtout toi Hayato, il fait chaud à Kazan en été. Respectez la culture et faites honneur à votre pays. Et vous deux, ne vous faites pas remarquer dans l'avion. Écoutez tout ce que vous dit votre sœur.
— Même si Hayato est chiant ? demanda le benjamin de la famille.
— Tohru, ton langage !
— Quand on a été trouvé dans une poubelle, on la ramène pas, répliqua le cadet.

Naho échangea un regard atterré avec sa mère. Même quand il fallait rester sérieux, ils trouvaient le moyen de se chamailler. La mère de famille vint ensuite se camper devant son unique fille qu'elle serra dans ses bras.

— Tu es responsable d'eux jusqu'en Russie, d'accord ? Kimiko prendra le relais après, souffla-t-elle dans son oreille. Profite bien du voyage, surtout. Et si tu vois un garçon mignon, russe ou pas, fonce !
— Maman, enfin ! protesta-t-elle, tandis que sa mère la relâchait.
— Ou une fille, comme tu veux, continua-t-elle avec un sourire malicieux qui embarrassa encore plus l'adolescente. Profitez bien de votre séjour. On se revoit dans trois semaines ! Et appelez-moi en arrivant.

Les trois enfants saluèrent leurs parents avec plus ou moins d'enthousiasme, puis allèrent se présenter à l'hôtesse devant le couloir d'embarquement. Elle les accueillit avec un grand sourire, vérifia leurs billets et leur indiqua le chemin à suivre. La brunette jeta un dernier regard en arrière à ses parents, qui lui faisaient de grands signes depuis la salle d'embarquement, puis elle s'engagea à la suite de ses frères dans le couloir étroit qui menait à l'avion. Ils furent vite installés sur les sièges crème de l'appareil. Tohru s'ébahissait devant le tarmac qu'il voyait par le hublot et Hayato avait déjà pris d'assaut l'écran tactile intégré où des dizaines de films étaient disponibles. De son côté, Naho s'enfonça dans son siège en tentant de calmer sa nervosité grandissante. Le pays des tsars leur tendait les bras, avec sa longue histoire et son patrimoine gigantesque. Le Football Frontier International accueillait chaque jour de nouveaux spectateurs sur les gradins de ses stades. Et Nosaka Yuuma était sur le terrain d'un de ces stades, sans se douter une seule seconde que Naho était en route pour le rejoindre.

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant